"Ici et ailleurs" du JDJ N°397

Enfin, une INDH en Belgique

Les membres du Conseil d’administration du nouvellement créé Institut pour la protection et la promotion des droits humains, qui devrait être l’Institution nationale indépendante des droits humains en Belgique (INDH) ont été nommés : il est composé de six membres francophones et six membres néerlandophones.

Du côté francophone, nous avons Olivier De Schutter, Jacques Fierens, Muriel Clavie, Julie Lejeune et Isabelle Doyen ; du côté flamand, Eva Brems, Koen Lemmens, Alain Bloch, Evelyne Maes, Willem Debeuckelaere et Guy Cox.

Olivier De Schutter a été élu Président et Eva Brems Vice-Présidente. Reste maintenant à délimiter clairement le champ de compétences sans marcher sur les plates-bandes des autres institutions ayant un mandat spécifique (UNIA, Médiateurs, Ombudsman,…), recruter l’équipe et mettre en place les procédures. Vaste travail !

Protection internationale, …

En guise de cadeau de bienvenue au nouveau Secrétaire d’État à l’Asile et à la migration, l’OBFG, accompagné de 9 autres associations ont obtenu la condamnation de l’État belge en référé qui l’oblige à réorganiser la procédure de présentation des demandes d’asile pour que les personnes concernées aient accès à l’accueil dès le premier jour.

… enregistrement des demandes …

«Le fait que les demandeurs de protection internationale ne puissent pas solliciter une aide matérielle au stade de la présentation de leur demande en ligne et d’obtenir une décision sur l’obtention de celle-ci apparaissant prima facie illégale et constitutive d’une atteinte portée fautivement aux droits de l’OBFG et consorts, il y a lieu de condamner l’ÉTAT BELGE à y mettre un terme.»

(TPI de Bruxelles – ref. – 5/10/2020)

… accès à la justice…

Il s’agit aussi d’une jurisprudence intéressante pour le développement d’actions collectives telles que prévues au nouvel article 17 du Code judiciaire. L’intérêt à agir de l’OBFG contesté par l’État belge en sort aussi renforcé de belle manière.

… et politique des étrangers

Le nouveau Secrétaire d’État risque de devoir essuyer tous les plâtres causés par sa prédécesseure. Si au moins ça pouvait le faire réfléchir à deux fois avant de faire des déclarations matamoresques sur la création de nouveaux centres fermés et avant de mettre en oeuvre la même politique inhumaine du Gouvernement précédent.

Complicité des Autorités

La Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que «Faute d’avoir confisqué à titre de précaution l’arme d’un étudiant avant que celui-ci ne perpètre une fusillade dans une école, les autorités finnoises ont manqué à leur devoir de diligence» (Affaire Kotilainen et autres c. Finlande, requête n° 62439/12).

Dans l’affaire d’une fusillade qui dans un établissement scolaire de la ville de Kauhajoki en 2008, avait fait 20 victimes.

Vivement le jour où la Cour Suprême des États-Unis dira la même chose pour ce qui se passe à un rythme effrayant sous sa juridiction.

Et le droit de connaître ses origines ?

La mise en place d’une boîte à bébé pour donner la possibilité aux parents d’abandonner leur enfant de manière anonyme a finalement été autorisée à Evere, dans la Région bruxelloise après trois ans de procédure; dans un premier temps, la commune s'y était opposée parce qu’elle inciterait les parents à abandonner leur enfant. Débat fondamental, juridique, éthique et philosophique, qui oppose ceux qui estiment qu’il s’agit d’une manière de protéger des bébés qui autrement seraient abandonnés, à ceux qui pensent que c’est un incitant à l’abandon anonyme.

Faut-il adopter son propre enfant ?

Pour la Cour de cassation française, une femme transgenre ne peut pas être reconnue mère de sa fille qui est pourtant née alors qu’elle était déjà une femme pour l’état civil, car il est impossible qu’un enfant ait ab initio sur son acte de naissance deux femmes.

Il lui faudrait passer par un processus d’adoption ! La Cour européenne des droits de l’Homme va être saisie.

Pas de monokini sans slogan

La Cour de cassation française, toujours elle, estime que le fait de montrer ses seins en public, même à des fins militantes, relève bien du délit d’exhibition sexuelle, mais qu’en l’espèce d’une Femen ayant attaqué à des fins symboliques et politiques, seins nus, la statue de cire du Président russe au musée Grévin, une condamnation atteindrait de façon disproportionnée la liberté d’expression de la prévenue.

Faudra-t-il conseiller aux adeptes du monokini de se munir d’une pancarte réclamant la libération de la femme pour éviter des poursuites ?

Pour une analyse de cette décision, voyez : Julie Mattiussi, «Femen : liberté d’expression par l’exhibition. À propos de Cass. crim. n° 19-81827, 26 févr. 2020, FS-P+B+I », in Revue des droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, 7 septembre 2020.

De la bonne gestion des deniers publics

La CEDH a acté le 3 septembre 2020 un accord intervenu entre l’État belge et une requérante d’origine camerounaise dont la demande d’autorisation de séjour pour motifs médicaux a été rejetée alors qu’elle invoquait le défaut d’accès aux soins dans son pays d’origine et l’absence d’un recours effectif contre les décisions rejetant sa demande. La Belgique s’est engagée à indemniser l’intéressée (qui entretemps avait bénéficié d’un droit au séjour à durée indéterminée) à hauteur de 12.000 euros, reconnaissant donc que sa décision était hautement contestable.

Fort bien. En espérant que la prochaine fois, elle n’obligera pas la poursuite de procédures longues, pénibles et coûteuses


Les bésicles de Jiji

Faites ligner les bouges !

Sur le site de L’Obs (25 janvier 2017), le journaliste Pascal Riché expliquait que Charles Baudelaire avait exposé dans son poème La beauté un idéal de froideur imperméable aux émotions : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes », et qu’à ses propres fins, l’érudit François Mitterrand avait piraté le vers en « J’aime le… ». De cette manipulation résulte un des clichés les plus obscurs du jargon politique, dont voici un exemple. Au sujet des discours du Premier Mai, Le Soir (2-3 mai) publie une photo de Bénédicte Linard (Ecolo) selon qui « La crise du Covid-19 donne l’occasion de faire bouger certaines lignes ». Probablement celles de l’aviation, car juste en-dessous, l’image d’un avion illustre l’annonce par Ryanair de la réduction de ses effectifs, salaires et bases en Europe.

Point dans la gueule

Interdit dans le Journal officiel français, le « point médian inclusif » est le bienvenu dans notre Moniteur. Celui du 4 mai livre une série d’arrêtés du gouvernement de Bruxelles-Capitale, datés du 12 mars 2020, par exemple : « portant désignation des membres de la commission de sélection pour l’attribution d’un mandat de directeur•trice général•e adjoint•e (…) ». En tout cas, dans la version « Image », le facsimile du texte « papier » qui n’existe pas. Par contre, le programme « vulgaire » auquel on accède directement sur le site ne reconnaît pas cette fantaisie et donne comme il peut « directeur{bullet}trice général{bullet}e adjoint{bullet}e ». Halte au feu ! Franchement, qu’y a-t-il de mal au néerlandais : « een mandaat van adjunct-directeur/directrice-generaal » ?

Rien oublié ?

Ibidem (11 juin), chaque contribuable savourera un arrêté du président du comité de direction du SPF Finances, daté du 29 mai 2020 : « portant modification de l’arrêté du Président du Comité de direction du 9 décembre 2015 [et non celui du comité du 10 !] portant création des Centres P et du Centre Polyvalent Eupen au sein de l’Administration Particuliers de l’Administration générale de la fiscalité et fixant leur siège ainsi que leur compétence matérielle et territoriale tel que modifié par les arrêtés du Président du Comité de direction des 19 septembre 2016, 2 février 2017, 30 septembre 2017, 8 février 2018, 19 octobre 2018, 1er avril 2019, 13 septembre 2019 et 24 décembre 2019 ». On se sent fier de payer ses impôts à un fonctionnaire si actif.

Le mal belge

Par son arrêt n° 247.620 du 26 mai 2020, le Conseil d’État a rejeté, pour perte d’intérêt (la mesure ayant été levée entre temps), une requête en suspension de l’arrêté ministériel qui imposait « een verbod om in een tweede verblijf te verblijven ». Ce qui se traduiserait parfaitement « une interdiction de résider dans une seconde résidence », et, hélas, aucun traduiseur n’hésiterait une seconde à le faire.

Ça tombe dru

  • Sur le site de la Chambre des Représentants (4 mai), le dépôt du Rapport 2019 des Médiateurs fédéraux : « Le citoyen demande une administration accessible et empathique ». Qu’il déplace le h dans le mot et cesse de réclamer ce qu’il a déjà en abondance.

  • Le Vif (18 mai), à propos du dernier épisode de « l’affaire Khattabi » : « [La NVA] lève un coin du voile sur ce que pourrait être (…) une Flandre gouvernée par une majorité NVA/Vlaams Belang ». Pourtant, l’intéressée n’en porte pas…

  • Dans Le Soir (14 mai), sur la phase 107quater du déconfinement : « Parcs animaliers – Les abonnés en guise de cobayes ». Mais enfin, il suffit d’en acheter chez Tom & Co !

  • Itou (15 mai), au sujet de l’éventuel vaccin français anti-virus dont les États-Unis auraient la primeur : « [À l’Élysée,] on voit rouge et on tente d’éteindre l’incendie, quitte à sortir l’artillerie lourde ». Pour armer les soldats du feu, ce ramassis de cocos.

  • Aussi (16-17 mai), la ministre Christie Morreale (PS) « suit de près le traçage en Wallonie ». Elle n’a pas tout bien compris.

  • De plus (23-24 mai), un article repris de la Tribune de Genève décrit un village à cheval sur la frontière : « La dernière personne décédée à Goumois Suisse ne s’est pas fait enterrer à Goumois France ». Le ton funèbre de sa voix était catégorique.

  • Encore(30-31 mai), le préavis de grève de la CGSP Enseignement « a irrité les troupes » au cabinet de Caroline Désir (PS). N’y a-t-il pas eu élagage des cours ministérielles ?

  • En outre (4 juin), une dépêche de l’AFP signale de nouvelles recherches sur les manuscrits trouvés dans les grottes de Qumrân, « au pied de la mer Morte ». Laquelle se trouve à 430 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée, et non au-dessus.

  • Le titre d’un article du Journal des tribunaux (2020, p. 214) : « L’imprescriptibilité des infractions sexuelles commises sur des mineurs : l’effet boomerang pour les victimes d’une législation émotionnelle ». Si les députés s’y sont mis aussi…

  • Et le rapport de la commission de l’Intérieur de la Chambre sur une proposition de résolution relative aux violences intrafamiliales (Doc. parl. 55 1236/006) : « [Ph. Pivin (MR)] émet des réserves quant à l’utilisation de la réserve fédérale [de la police] ». Une vraie petite fourmi.

  • Dans un document de la faculté de droit de l’ULB (mai), les mesures exceptionnelles pour la session d’examens de juin : « Octroi systématique de la note de présence en cas d’absence ». Mais surtout pas l’inverse.

  • Entendu à Entrez sans frapper de la RTBF Radio (29 mai, 12.30) : « Q. [l’animateur] – Qui était le père de Télémaque ? – R. [une invitée]Andromaque ? ». Plutôt Cornac, ou Jarnac.

  • Même station (21 juin, 23 h.), le président du S.L.F.P. Police : « Il faut propulser les policiers vers le 22ème siècle ». Ou plus loin, du moment qu’ils disparaissent ?