Dans l’affaire Mawda, du nom de cette enfant de deux ans tuée sur l’autoroute dans le cadre d’une chasse aux migrants, le policier et les passeurs ont été condamnés, mais pas (encore) l’État.
Début octobre, Julienne Mpemba a été condamnée à dix ans de prison pour avoir organisé un trafic d’enfants et des adoptions illégales. Elle est en appel.
Qu’ont en commun ces deux affaires (et tant d’autres du même acabit), mis à part le fait que les enfants en sont les victimes ?
Essentiellement que les autorités qui ont fermé les yeux, laissé faire, ou à tout le moins manqué cruellement de diligence et de sens des responsabilités, n’ont pas été inquiétées et s’en sortent finalement à très bon compte.
Dans cette dernière affaire, si le Parquet et le juge d’instruction avaient mis à la cause différentes personnes ayant assumé des responsabilités dans les procédures d’adoption, dont des fonctionnaires et attachés de cabinets des ministères de la Communauté française, la Chambre du conseil et, à sa suite, la Chambre des mises en accusation ont prononcé un non-lieu les concernant.
Or, il est patent que ces mêmes autorités ont agréé l’asbl Tuimani en tant qu’intermédiaire pour des adoptions internationales en Belgique francophone, financé un orphelinat du même nom à Kinshasa qui pourvoyait l’association belge d’enfants soi-disant adoptables et validé toutes les adoptions qui se sont avérées illégales.
Elles auront donc permis à une même personne d’être pourvoyeuse d’enfants qu’elle « vendait » pratiquement au plus offrant en Belgique et ailleurs, ce alors qu’ils avaient des parents en République démocratique du Congo.
Ce constat conduit le tribunal correctionnel de Namur à juger que l’intéressée a bénéficié « de la part des fonctionnaires de la Communauté française, des responsables des organismes agréés d’adoption et de diverses personnalités d’une mansuétude coupable sans laquelle la prévenue n’aurait pu agir comme elle l’a fait ».
Et ça, c’est insupportable. On attend des autorités qu’elles remplissent leur rôle de garantes des droits de l’enfant, de contrôle des services et institutions auxquels elle délègue des compétences aussi importantes que l’identification d’enfants adoptables et leur apparentement à des parents adoptifs.
À défaut d’avoir dû rendre des comptes dans le cadre d’une procédure pénale, il importe maintenant que toutes les responsabilités soient dûment mises en lumière et que des réparations soient accordées à toutes les victimes, parents d’origine, adoptifs et enfants adoptés. Cela passera donc par des procédures civiles probablement longues et astreignantes. Mais ça devrait également passer par une enquête indépendante (parlementaire ou autre) pointant tous les manquements passés en vue de garantir l’absence totale de risque de répétitions futures.
Tous les pays avoisinants ont mis en place des Commissions d’enquête et procédé à des réformes en profondeur ; en Belgique, la Flandre l’a également fait et a retiré les agréments des organismes intermédiaires pour les adoptions internationales (ce qui fait qu’il n’y a, de facto, plus d’adoptions internationales). Et elle a mis sur pied un centre chargé d’aider toute personne en recherche de ses origines, y compris dans des situations d’adoption (2).
Il n’y a aucune raison pour que la Communauté française ne passe pas par cette introspection et réforme complètement le système en place, tout en soutenant les demandes d’aide des personnes qui en ont été victimes par le passé. Rien ne justifie cet attentisme coupable. Si ce n’est pas fait d’office, la justice devra l’imposer.
Benoit Van Keirsbilck
(1) Voy. la présentation de Jacques Fierens du livre L’adoption internationale. Mythes et réalités, p. 45 du JDJ N°437
(2) L’Afstammingscentrum :https://afstammingscentrum.be.
Voy. également J.D.J., n° 435
, mai 2024, pp. 22 à 27.
Édito : Attentisme coupable — Benoit Van Keirsbilck
Tribune : Histoire de Gigi le shégué — Jacques Fierens
« L’enfant d’abord » : entre l’intérêt supérieur de l’enfant et/ou la figure de l’enfant roi. Comment est-il possible de dépasser une affiliation entre le principe du droit à l’intérêt supérieur de l’enfant et la représentation de l’enfant roi ? — Céline Miécret
Les « images d’abus sexuels de mineurs », une criminalité aux mille défis dans l’environnement numérique — Emma Bourcelet
Adoption de la « loi OPCAT » et création d’un mécanisme (national) de prévention de la torture en Belgique — Coalition OPCAT
Comment prendre en charge un mineur dont le parent est incarcéré pour soupçon de maltraitance à l’égard de son enfant ? — Baptiste Legast
Cinquante-septième session du Conseil des droits de l’homme, 9 septembre – 11 octobre 2024
Le bail étudiant en Wallonie — Clémentine Joskin, SDJ de Liège
Proposition de loi modifiant la loi sur le travail du 16 mars 1971 et l’arrêté royal du 11 mars 1993 relatif au travail des enfants, en ce qui concerne les activités des influenceurs mineurs — Commentaire d’Esra Colak
C.C. 26 septembre 2024, n° 102/2024
Droit au respect à la vie privée et familiale –
Droit de connaître ses origines d’un enfant
issu d’un don anonyme de gamètes – Priorité à
l’anonymat du donneur – Inconstitutionnalité
des articles 458 du Code pénal et 57 de la loi
du 6 juillet 2007 – Maintien des dispositions en
vigueur jusqu’au plus tard le 30 juin 2027 — Commentaire d’Alexandra Roelandt : Priorité
absolue aux intérêts du donneur : un holà
bienvenu de la Cour constitutionnelle
Cass. (1re chambre), 28 septembre 2023 Filiation – Paternité – Établissement judiciaire – Tutelle ad hoc – Opposition d’intérêts – Examen d’ADN – Refus – Intégrité physique – Droit de connaître ses origines – Présomption de fait
L’adoption internationale. Mythes et réalités — Jacques Fierens
Ici et ailleurs — Benoit Van Keirsbilck et Milan Thomas
Les bésicles de JiJi — Jean Jacqmain
L’agenda
La revue scientifique The Lancet a publié en août dernier une large étude de la Société américaine du cancer, et les résultats sont inquiétants. Les jeunes générations auraient beaucoup plus de risques de développer un cancer. Malgré les avancées actuelles, même s’ils sont détectés suffisamment tôt, le taux de mortalité reste plus élevé que chez les précédentes générations.
Le sharenting, la pratique consistant à partager les photos de ses enfants sur internet, n’est pas sans conséquence. En moyenne, un enfant, avant qu’il atteigne l’âge de treize ans, apparaît sur 1.300 photos diffusées en ligne, sans compter toutes les autres informations personnelles. Ces informations – mises à la disposition de tout un chacun – font malheureusement le bonheur des prédateurs sexuels.
« Nous ne donnerions pas ces informations à des inconnus dans la rue… alors pourquoi le ferions-nous en ligne ? ».
C’est la question que se pose l’association française Caméléon dans sa nouvelle campagne de sensibilisation portant sur les dangers du sharenting. Elle est disponible ici : www.cameleon-association.org/campagne-merci
En France, les cas de harcèlement scolaire en maternelle sont en augmentation. Il serait faux de croire que le harcèlement ne se produit que chez les enfants plus âgés : il commence dès le plus jeune âge. Malheureusement, les enseignants de maternelle, contrairement à leurs homologues des niveaux supérieurs, ne reçoivent pas de formation pour détecter ni pour gérer le harcèlement scolaire.
Le journal JAMA Pediatrics a récemment publié une étude sur la mortalité infantile aux États-Unis. Celle-ci aurait augmenté de 7 % depuis que la Cour suprême a annulé en juin 2022 l’arrêt Roe vs Wade qui garantissait le droit à l’avortement dans l’ensemble des cinquante États.
Désormais, ceux-ci légifèrent sur ce droit comme bon leur semble, et les plus conservateurs l’ont strictement restreint ; seules quelques exceptions autorisent l’avortement.
En moyenne, il y a 247 décès infantiles supplémentaires par mois, et près de 80 % d’entre eux sont attribués à des anomalies congénitales. Il s’agit de malformations ou d’autres soucis de santé qui peuvent être détectés bien avant la naissance. Malheureusement, l’enfant affecté par l’une de ces anomalies a très peu de chances de survivre : en général, le bébé n’atteint pas l’âge d’un an.
Actuellement, 1 % des enfants présenteraient un trouble du spectre autistique. Les cinq centres de référence pour l’autisme, qui effectuent ce type de diagnostic, sont surchargés.
En effet, les temps d’attentes pour une consultation sont désormais estimés entre un à deux ans, et ce n’est pas sans conséquence sur le développement de l’enfant.
Plus la prise en charge s’avère tardive, plus le risque de trouble du développement est élevé, ce qui complique davantage l’intégration sociale de ces enfants. Sans prise en charge directe, leur bien-être actuel et, surtout, futur est sérieusement compromis.
Le 26 septembre dernier, on célébrait les 100 ans de l’adoption par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) de la Déclaration des droits de l’Enfant. Bien que le texte n’était pas parfait, il posait les bases des droits de l’enfant qui se sont affinés au fil des ans. En effet, il est complété d’abord en 1959 avec la Déclaration (non contraignante) des droits de l’enfant des Nations unies, puis en 1989 avec la Convention (contraignante) des Nations unies relative aux Droits de l’Enfant. Celle-ci sera finalement ratifiée par la Belgique en 1991.
On connaît un peu la figure de Janusz Korczak, médecinpédiatre, éducateur, pédagogue et écrivain polonais qui a payé de sa vie son engagement auprès des enfants, puisqu’il est mort le 6 août 1942 au camp d’extermination de Treblinka. Il a inspiré la Déclaration de 1959 et à sa suite la Convention de 1989.
Par contre, on connaît moins Eglantyne Jebb qui est à l’origine de la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant, dont on fête précisément le centenaire. Elle a notamment construit son engagement social en portant secours aux enfants victimes des guerres, en particulier de la Première Guerre mondiale, quelle que soit leur origine ou nationalité.
C’est l’occasion de rappeler que la conquête des droits repose sur de nombreux acteurs, souvent précurseurs, qui ont participé à la notion d’enfant sujet de droits.
L’alcool, s’il est consommé avant 18 ans, peut avoir de réelles conséquences qui resteront à vie. Le cerveau s’avère d’autant plus sensible aux dégâts de l’alcool et se dégrade quatre fois plus qu’à l’âge adulte. Sans oublier la dépendance qui peut en découler. On observe aussi une autre tendance en Belgique : toutes les dix minutes, un enfant de moins de 16 ans est admis aux urgences pour une raison de cuite.
Au sujet de l’enfermement d’un détenu en cellule de punition, on lit dans l’arrêt n° 260.086, rendu par le Conseil d’État le 12 juin 2024 : « [Le requérant] précise qu’il n’a pas atteint gravement à l’intégrité physique ». Il lui manquait plusieurs bras ? « Atteindre à » signifie « parvenir à » mais « porter atteinte à », c’est « attenter à ».
Une chronique publiée par le Journal des tribunaux (2024, p. 443) attire l’attention sur l’article 458 du Code judicaire. Saisi d’un plainte contre un avocat, le bâtonnier peut la classer sans suite s’il estime vénielle la faute, tout en adressant à l’intéressé une « admonestation paternelle » (« vaderlijke vermaning »). Même quand la charge est exercée par une bâtonnière ?
Le Soir (20 juillet) interviewe la nouvelle ministre-présidente du gouvernement de la Communauté française, E. Degryse (Les Encagés) : « J’ai envie de croire que nos projections budgétaires sont réalistes et tenables », voilà une nouvelle méthode de gestion. « Compétente », notamment, pour l’enseignement supérieur, elle se plaint : « C’est quand même toujours un peu particulier d’être acculée de questions super concrètes ». Bonne Mère !
À la Chambre des représentants , le député de DéFI a déjà déposé (1er août) une proposition de résolution (56 0084) « visant à instaurer une section spécialisée en matière de grande criminalité économique et financière et de corruption au sein du parquet fédéral ». Ces procureurs, de dangereux pourris ! Le plus drôle, de la part de ce parti francophonissime, c’est que la traduction néerlandaise du texte énonce correctement « betreffende de oprichting binnen het federaal parket van een afdeling… ».
Du même bois (de justice), dans Elle (éd. France, 14 août), une des victimes présumées de « PPDA » annonce que « Le tribunal de Nanterre (…) a demandé la saisie de deux juges d’instruction ». Des complices ? Mais non : lire « la saisine ».
Ce magazine féministe (27 juin) constate qu’en Italie, « avoir recours à l’avortement est devenu un vrai parcours du combattant ». Oui à l’IVG pour tous !
Dans Charleroi Mag (juin-juillet), le Bureau du Commerce de la Ville propose de « découvrir le monde de la franchise ». Pour changer de la politique.
Quant à Jette Info (juillet-août), il claironne que « Jette montre son soutien à la communauté LGBTQIA+ : Passages pour piétons arc-en-ciel ». Les hétéros doivent donc traverser ailleurs.
Le Moniteur du 1er août publie, avec « quelque » retard, la traduction allemande d’un texte important signé le 30 mai 2021 : « arrêté royal sur ka crème ». Le concurrent belge de L’almanach de Gotha, enfin !
Dans celui du 26 juillet paraît, daté du 25 avril 2024, un arrêté du gouvernement wallon « fixant les mesures pour encadrer la reproduction des chats et des chiens en vue d’assurer leur bien-être ». Il faut douter que les intéressés aient été consultés.
Justement, sur le site de Gaia : « Nous avons besoin d’un commissaire européen dédié au bien-être animal ». Un sacrifice humain consolerait-il les bêtes torturées ?
Sur celui de RTL, une publicité : « Cette découverte sur les acouphènes laisse les médecins sans voix ». Bien pire que « le remède qui tue le patient ».
Touring Magazine (juillet) recommande une randonnée dans le Piémont : « Il reste un défi à relever : escalader la tour de guet de Roccaverano (…) mais la récompense [le panorama] est à la hauteur ». Comme il se doit.
Une brochure de recettes d’Intermarché propose de réaliser un « crumble déstructuré aux fruits rouges ». Le terme anglais signifie déjà « s’effriter » : voilà un dessert ruineux.
Le Soir (12 juillet) reproduit une dépêche AFP sur Joe Biden, qui « a donné l’image d’un homme accusant le poids des ans ». Les accusant de quoi ? des péchés d’Israël ?
Ibidem (23 juillet), Kamala Harris provient « de parents jamaïcain et indien », et pour elle « les droits reproductifs [sont] un sujet central ». On comprend pourquoi.
Aussi (3 août), le correspondant à Kyiv expose que dans le Donbass, les troupes russes sont à l’offensive contre la localité minière de Toretsk « via la ville de New York ». Celle-ci existe bien, avec ce nom (translittéré aussi « Niu-York ») d’origine controversée, mais un mot d’explication aurait rassuré le stratège de Mar-a-Lago.
Le même article évoque les avions russes qui larguent « des bombes planantes de plusieurs centaines de tonnes ». Face à l’Étoile de la mort, que pourraient les chétifs aéroplanes belges ? Une de ces bombes pèse trois tonnes, c’est déjà beaucoup trop.
Itou (7 août), le correspondant à Londres, « les pubs de Birmingham ou de Plymouth [sont des] zones désaffectées au cœur de l’actuelle révolte raciste des blancs de la classe ouvrière ». Pénurie de bière ? « Disaffected » signifie « mécontent ».
Le supplément LéNA (10 août) reproduit un article de la Tribune de Genève sur les « assassinats ciblés » du Mossad « pour limoger les Iraniens hostiles ». En 1914, Joffre n’avait pas osé faire plus qu’envoyer ses subordonnés aussi incompétents que lui dans ce placard provincial.
Et au Journal de 23 h. de VivaCité (4 août) : « Jeux olympiques : la question de la propreté de la Seine a refait surface ». Dans un tourbillon de pustules.