"Ici et ailleurs" du JDJ N°376

La nationalité des enfants en zones de conflits

Dans le cadre d’une question préjudicielle posée par une juridiction hollandaise (affaire C-221/17 M.G. Tjebbes e.a./ Minister van Buitenlandse Zaken), l’avocat général Mengozzi de la Cour de justice de l’Union européenne, propose à la Cour de juger que la perte automatique de la nationalité néerlandaise, qui entraîne la perte de la citoyenneté de l’Union, est incompatible avec le droit de l’Union s’agissant de mineurs résidant en dehors de l’Union (mais cette incompatibilité ne se présente pas pour les majeurs).

L’enjeu est de taille, évidemment, pour les enfants européens qui sont en Syrie, Irak,…

Reste à voir si la Cour suit cet avis, décision qui impactera tous les pays européens.

En Colombie, des enfants obtiennent…

Un groupe de 25 enfants et jeunes ont attaqué le gouvernement colombien en janvier, exigeant qu’il protège leur droit constitutionnel à un environnement sain. Le 5 avril, la Cour suprême du pays leur a donné raison, en reconnaissant l’Amazonie colombienne comme «sujet de droit», et a ordonné au gouvernement de préparer un plan d’action dans les quatre mois pour préserver la forêt.

…la préservation de la forêt amazonienne

La Cour suprême reproche notamment à l’Etat de ne pas avoir suffisamment pris la mesure de la déforestation, dont le taux aurait augmenté de 44 % entre 2015 et 2016 et ce «malgré les nombreux engagements internationaux».

«Sans un environnement sain, les sujets de droit et les êtres vivants en général ne pourront pas survivre, et encore moins protéger ces droits pour nos enfants ou pour les générations futures », a-t-elle également notifié dans sa décision saluée comme «historique» par l’association Dejusticia, qui a accompagné les plaignants.

Source : www.linfodurable.fr/environnement/lamazonie-reconnue-comme-sujet-de-droit-par-la-justice-colombienne-3304

C’est une victoire qui devrait faire date et une action qui pourrait en inspirer de nombreuses autres.

Les Pussy Riot ou …

La Russie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme (arrêt 261 (2018) du 17.07.2018) du fait de la condamnation et l’emprisonnement de trois membres du groupe punk Pussy Riot qui avaient tenté d’interpréter l’une de leurs chansons protestataires dans une cathédrale moscovite en 2012. Les tribunaux jugèrent en particulier que leur performance avait été offensante et interdirent l’accès aux enregistrements vidéo que les jeunes femmes avaient ultérieurement postés sur internet au motif qu’ils étaient «extrémistes ».

Tant les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5, § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), 6, § 1 c) (droit à un procès équitable / droit à l’assistance d’un défenseur de son choix) et 10 (liberté d’expression) ont été violés.

… la liberté d’expression…

Au sujet de ce dernier article, la Cour admet qu’une réaction à la performance des requérantes, qui aurait constitué un manquement aux règles de conduite dans un lieu de culte religieux (sans perturber d’office religieux, blesser quelqu’un ou porter atteinte aux biens de l’Église), ait pu se justifier, mais estime que les juridictions internes n’ont pas justifié la peine d’emprisonnement.

Elles n’ont pas étudié les paroles de la chanson et ont essentiellement fondé leur condamnation sur le comportement des intéressées, c’est-à-dire sur les vêtements, leurs mouvements et leur vocabulaire ordurier, sans analyser le contexte dans lequel s’était inscrite cette performance.

Elles n’ont pas non plus cherché à déterminer si le comportement des requérantes pouvait être interprété comme un appel à la violence ou comme une justification de la violence, de la haine ou de l’intolérance, ce qui aurait constitué la seule raison admissible, en vertu des instruments internationaux, de restreindre le droit des requérantes à la liberté d’expression par le biais d’une sanction pénale.

… au pays de Poutine

La condamnation et la peine de prison infligées aux requérantes présentent donc un caractère exceptionnellement sévère au regard des actes des intéressées et ont forcément produit un effet dissuasif sur l’exercice de leur liberté d’expression. La Cour en conclut que la condamnation et la peine infligées aux requérantes n’étaient pas «nécessaires dans une société démocratique» et qu’elles ont emporté violation de l’article 10. Cet arrêt est particulièrement important au regard de la dernière prestation de ce groupe lors de la finale de la Coupe du Monde.

La violence coûte cher

La violence contre les enfants en Afrique du Sud a coûté 15,8 milliards de dollars en 2015, soit presque 5% du PIB du pays. L’étude s’est basée sur les conséquences à long terme du haut niveau de violence physique et psychique subie durant l’enfance. Ce coût pourrait diminuer significativement si les enfants n’étaient plus témoins de violence à la maison et si la prévention de la violence sexuelle était effective.

En Belgique, les montants sont évidemment bien moindres, mais les économies tout aussi substantielles, à n’en pas douter.

Source : www.end-violence.org/updates/widespread-child-abuse-costs-south-africa-5-its-gdp-says-study ).

Les droits au bahut …

Le Fonds Houtman a soutenu deux importantes initiatives en matière de droit scolaire : l’une émane de la maison de quartier «Le Bouillon de Cultures» située à Schaerbeek, qui anime le site www.droitscolaire.be «pour (mieux) connaître ses droits scolaires». Son objectif : trouver facilement l’information la plus pertinente possible à ce sujet, grâce à un travail préalable de vulgarisation ou transposition didactique.

«Nous avons simplifié les textes de loi pour que les étudiants à partir de 14-15 ans puissent les lire et les comprendre» dixit Miguel Villarroel coordinateur du Groupe d’entraide scolaire de l’association.

… sont sur le net et une appli

L’autre émane de l’Université de Namur et l’équipe de Jacques Fierens (avec notamment Géraldine Mathieu et Jancy Nounckele) qui ont développé une application mobile sur le droit scolaire «Mes droits au bahut» qui vise à répondre de manière simple à des questions parfois complexes en matière de droit scolaire, présenter des solutions concrètes et pratiques, donner la priorité, dans la conception de l’accès à l’information, aux jeunes en difficultés scolaires ou défavorisés socialement et promouvoir les droits de l’enfant dans leur ensemble.

L’application sera disponible au téléchargement sur Android (Google Play Store) gratuitement dès le mois de septembre 2018.

Plus d’infos : jancy.nounckele@unamur.be.

Pourvu qu’avec tous ces outils, et ceux qui existent déjà, produits par les Services droit des jeunes, les centres Infor- Jeunes et bien d’autres, les jeunes seront enfin bien informés et à même de défendre leurs droits.


Les bésicles de Jiji

Les profs, ces ploutocrates

Enfin, l’explication de la misère de la Communauté française, livrée par les Euler du Soir (16 avril) : « Aujourd’hui, le traitement d’un instituteur belge francophone avec 15 ans d’ancienneté équivaut à 122% du PIB », lequel s’élève à 403,5 milliards d’EUR en 2018. Ailleurs dans la double page apparaît la précision que le pourcentage s’applique au PIB par habitant, mais la panique est semée.

Rente de situation

Il me faudra instituer aussi un Prix de l’intitulé le plus clong, qu’aurait remporté une loi du 30 mars 2018 parue au Moniteur du 17 avril : 9 lignes dans la colonne « français » et 10 en néerlandais ! En voici le morceau le plus juteux : « relative à la non prise en considération de services en tant que personnel non nommé à titre définitif dans une pension du secteur public ». Donc, a contrario, il y a des bienheureux/ses intronisé/e/s pour toujours à la retraite tandis que les autres triment ?

Le Nederfrans tel qu’on le bredouille

Celui du 25 avril livre l’intitulé, forcément traduisé, d’un arrêté royal du 19 avril 2018 « modifiant l’article 204, 3° de l’AR/CIR 92 [le Code des impôts sur les revenus] concernant la période à laquelle les indemnités en réparation totale ou partielle d’une perte temporaire de bénéfices ou de profits se rapportent ». En néerlandais, placer le verbe à la fin d’une proposition subordonnée est obligatoire ; en français, la même opération résulte d’habitude en une construction hideusement déséquilibrée, sinon obscure. Essayez de placer « se rapportent » après « à laquelle » si vous ne me croyez pas.

Women’s power !

Dans la 1ère édition du 30 avril, un arrêté ministériel du 19 mars 2018, cosigné par Maggie De Block (VLD, néerlandophone) et Sophie Wilmès (MR, francophone), « relatif à la désignation d’un réviseur auprès de l’Agence fédérale des risques professionnelles (FEDRIS) ». Saluons deux professionnelles qui prennent le risque de la féminisation.

Petits doigts rétroactifs

Selon le Journal du droit des jeunes (n° 373, p. 46), encore lui (voir le n° 372, p. 47), « Le Parlement européen réfléchit à la possibilité d’abaisser l’âge à partir duquel les États [membres] peuvent obliger les enfants migrants à fournir leurs empreintes digitales de 14 à 6 ans ! », ce qui semblerait fort difficile à réaliser. Il fallait évidemment glisser « de 14 à 6 ans » entre « abaisser » et « l’âge ».

Ça tombe dru

  • Dans Le Soir (11 avril), une pleine page consacrée à l’actrice Leïla Bekhti sous un titre en gras : « Jamais un rôle ne m’avait ébranlé à ce point ». L’accord du participe, c’est du passé.
  • Ibidem (12 avril), le retour de J. Milquet (CDH), l’aphoriste qui nous manquait : « Il faut arrêter de dire, ventre à terre, que la NVA est incontournable ». Vrai : un cliché trop courant.
  • Et selon l’édito (18 avril), les résultats de l’enquête sur les F-16 ont été présentés « à la hussarde ». Mais dans Apocalypse Now, la cavalerie aérienne volait sur des hélicoptères
  • Itou (21-22 avril), encore un juriste affuté (voir J.D.J., n° 373, p. 47) : « À la Commission des aides financières des actes intentionnels de violence » Tant pis pour les victimes.
  • Aussi (25 avril), sur la découverte d’une Jaguar unique de 1955 dans un garage de Gand : « [Le carrossier] est décédé sans descendance et il a décidé de léguer tous ses biens à [une] société de protection des animaux ». Par la voix du Chien des Baskerville ?
  • En outre (4 mai), le responsable des statistiques à l’ONSS : « L’organisation de la sécurité sociale des indépendants est totalement indépendante ». Soulagement.
  • Enfin (11 mai), interpellée par les sénateurs américains au sujet de son rôle dans la torture des prisonniers d’Al Qaïda, la directrice pressentie de la CIA, Gina Haspel, aurait invoqué son « compas moral ». Dans l’œil des détenus ? En français, on dit d’ordinaire « boussole ».
  • Esprit libre, magazine de l’ULB (avril 2018), sur la « salle d’audience » à la faculté de droit et criminologie : « Des coachs venus du palais de justice (…) ont participé au développement du projet ». Les magistrats sont arrivés par pleins autocars pour aménager le local ?
  • Les recettes de cuisine d’Elle (éd. France, 20 avril) : « Pie de saison »… à farcir avec du poulet ou du lapin. Dans cette acception, pie en anglais = exactement tourte en français.
  • Même revue (4 mai), la vidéaste Laury Thilleman : « Je me déplace à vélo électrique (…) Parfois, c’est galère quand je suis en rade de batterie. » Un pédalo, donc.
  • À l’émission Un jour dans l’histoire de la RTBF-Radio (27 avril, 13 h. 30), un spécialiste du développement de la police : « Il y a des vagabonds errants ». Les sédentaires sont pires.
  • Sur Juridat, la banque de données du S.P.F. Justice, les mots-clés d’un arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour du travail de Mons : « Accident du travail – ChuteRenversement de la présomption ». Et bien sûr, la sentence est tombée.
  • La notice de Wikipédia sur la Semois : « (Elle se jette) dans la Meuse à Monthermé, 10 km. après avoir quitté la Belgique. Son parcours (…) totalise 210 km., dont 200 en Belgique et 23,6 en France ». On croirait lire Le Soir.