"Ici et ailleurs" du JDJ N°406

Les enfants dans les camps…

La Commissaire aux droits de l’Homme du COE a publié la tierce intervention qu’elle a soumise à la CEDH (dans l’affaire H.F. et M.F. et J.D. et A.D. c. France) relative au sort des ressortissants européens détenus dans les camps en Syrie.

Elle estime qu’ils relèvent bien de la juridiction de ces États (ce qui implique que ceux-ci ont bien des obligations à leur égard) et que la situation sanitaire et sécuritaire qui y prévaut met en danger la vie et la santé physique et mentale de ceux qui y sont détenus, en particulier des enfants, et ne saurait être compatible avec l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants.

La seule manière pour les Etats de remplir leur obligation consiste à rapatrier leurs ressortissants.

… une priorité absolue

Le retrait de tous les enfants étrangers des camps est une priorité absolue et obligatoire du point de vue des droits que les enfants ; et afin de préserver leur intérêt supérieur leurs mères doivent être rapatriées avec eux. (coe.int/fr/web/commissioner).

Et pendant ce temps, les Etats restent sourds.

Dommage ?…

La Cour d’appel de Liège (3/12/2020) a été amenée à se prononcer sur une demande d’indemnisation suite à une grossesse non désirée à l’encontre d’un médecin qui avait pratiqué une stérilisation non réussie.

Le médecin était bien tenu par une obligation de résultat et ne peut reprocher à la mère de ne pas avoir interrompu la grossesse (pour limiter son dommage).

Et l’arrêt de décortiquer la nature et la portée du dommage. (J.T., 2021, p. 413).

… quel dommage ?

Si on peut comprendre la démarche des parents, c’est toujours interpellant de se dire qu’on parle ici du dommage causé par la venue d’un enfant bien vivant qui a dû se construire dans ce contexte. Heureusement, la Cour a rappelé sa jurisprudence : «La naissance d’un enfant normal et en bonne santé, dont il n’est en outre pas contesté qu’il est issu de relations consenties, n’entraine pas comme tel un dommage faisant naître un droit de réparation dans le chef de la mère» et conclut «En conséquence, ne sont admissibles, ni l’indemnisation d’un dommage moral de parents pour la naissance de Ieur enfant, ni l’indemnisation de coûts liés à l’éducation et à l’entretien de celui-ci». Tout aussi interpellant : l’enfant étant né en 1999, est donc âgé de 21 ans au moment de la décision. L’incapacité de la justice à traiter ces décisions dans un délai raisonnable est confondante.

Criminalisation du vagabondage…

La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a rendu un avis consultatif dans lequel elle considère que les textes nationaux qui criminalisent le vagabondage violent les droits de l’Homme (www.african-court.org/cpmt/details- advisory/0012018).

Elle vise les textes qui criminalisent les personnes sans domicile fixe, sans emploi ou sans moyens de subsistance, qui sont oisives et n’ont pas de revenus et ne peuvent pas expliquer leur statut; de même, les lois qui prévoient l’éloignement ou l’expulsion de toute personne déclarée en état d’errance ainsi que les lois qui autorisent l’arrestation sans mandat de toute personne soupçonnée d’être un vagabond sont tout autant critiquables.

… y compris des femmes et enfants …

La Cour vise aussi les lois qui ordonnent sommairement le déplacement forcé d’un enfant vers une autre zone lorsque celui-ci a été déclaré vagabond ou «voyou» et «en errance», celles qui autorisent l’arrestation de toute femme, sans mandat, simplement du fait qu’elle n’a pas de «moyens de subsistance et ne peut pas justifier sa situation de manière satisfaisante».

… en Afrique, mais aussi en Belgique

La Cour rappelle l’obligation positive des Etats d’abroger ou de modifier leurs lois sur le vagabondage. S’agissant d’enfants, on pense en particulier à ceux qui sont contraints de mendier, qui sont déscolarisés, qui sont sans-abris et sont souvent contraints à un travail insalubre ou à des actes répréhensibles.

La Belgique et l’Europe, qui pénalisent souvent la mendicité, devraient largement s’inspirer de cet avis pour revoir leurs politiques de même pour les Communes qui organisent la chasse aux pauvres.

Jeunes et police …

Deux publications récentes sur les jeunes et la police : 1. L’avis de l’Organe d’Avis de la Commission Nationale pour les droits de l’enfant (CNDE) relatif aux droits des enfants dans leurs relations avec la police. (Voir les avis sur ncrk-cnde. be).

Il analyse les faits de violence policière - lors de manifestations ou de contrôles d’identité dans certains quartiers - au regard des droits de l’enfant. Il émet également des recommandations à l’attention de la Belgique en vue d’évaluer les pratiques policières conformément aux droits de l’enfant afin de mettre fin de toute urgence aux pratiques abusives de contrôle d’identité, d’arrestations ou de détention d’enfants.

Il reprend les pistes de prévention proposées depuis longtemps par le secteur des droits de l’enfant, et plus récemment par les jeunes euxmêmes.

… les avis se suivent et se ressemblent

2. Analyse de la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant : Police, violences & droits de l’enfant (lacode.be/police-violencesdroits- de-l.html) dans laquelle la CODE fait le point sur les violences entre police et jeunes, au départ de situations très interpellantes que le contexte sanitaire ou l’âge des personnes impliquées ne devraient en aucun cas justifier et d’une enquête réalisée sur le sujet par le Forum des Jeunes auprès de plus de 1.400 d’entre eux.

Prix fédéral de Lutte contre la Pauvreté !

Pour sa treizième édition, ce prix entend récompenser les organisations ou les projets qui favorisent le travail social hors des murs dans leur lutte contre la pauvreté dont les actions sont basées sur une approche innovante et transmissible. Les candidatures peuvent être soumises jusqu’au 5 septembre 2021 via prixpauvrete. be. Un jury sélectionnera 9 candidats et le lauréat final pour chaque région est choisi par un vote public. Qu’on se le dise !

Un chantier pharaonique

La Plate-forme Mineurs en exil et DEI-Belgique ont remis un avis commun à la Commission chargée de la rédaction du «Code de la migration» en préparation, en plaidant pour une véritable prise en compte des droits de l’enfant dans ce futur texte qui vise à renforcer la lisibilité et la cohérence des règles de séjour et d’accueil (c’est pour le moins bien nécessaire !), en tenant compte des réglementations et des jurisprudences européennes et internationales.

Précisons qu’un quart des demandes de protection internationale enregistrées en Belgique en 2019 concernaient des mineurs, dont 4% non accompagnés (MENA) et 22% en famille. Le respect de leurs droits fondamentaux dépend de nombreuses procédures administratives et de justice généralement très peu adaptées à leur situation. C’est dire si ce chantier est fondamental (voir les actualités sur dei-belgique. be).


Les bésicles de Jiji

You’re under arrest (Serge Gainsbourg)

Au Moniteur du 1er mars (2ème éd.) : « 26 février 2021 – Arrêté du Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale modifiant l’arrêté de police du 26 octobre 2020 arrêtant un couvre-feu de 22 h. à 6 h. sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ». Et l’on s’étonne que les citoyens se plaignent de la restriction des libertés ? Même les chiens policiers restent en…

Regarde, Maman, sans radar !

Ibidem (1ère éd.), un grand cru des rédigeurs alliés aux traduiseurs, la loi du 19 janvier 2021 « tot wijziging van verscheidene scheepvaartwetten inzake het handhavingsbeleid in de scheepvaart ». Soit en « français » (vraiment ?) « modifiant diverses lois sur la navigation relatives à l’application des dispositions légales dans le domaine de la navigation ». En un mot comme en beaucoup trop, « modifiant diverses lois sur la navigation en ce qui concerne le respect de leurs dispositions ». Honte à la section de législation du Conseil d’État, qui a rendu un avis sur le texte sans en lire l’intitulé.

Que le cric les croque

Repris de 20 minutes par Le Soir (10 mars), le récit de la poursuite d’une bande de jeunes crocodiles du Nil, échappés d’un élevage en Afrique du Sud : « La police a mis en place une ‘équipe dédiée’ pour retrouver les reptiles ». Malgré les abus incessants que subit ce terme (voir encore J.D.J. n° 373, p. 47), il paraîtrait pour une fois approprié car on lit plus loin que la capture se fera grâce à des « pièges humains ». Mais ce serait pousser le sacrifice trop loin : le traduiseur a confondu les adjectifs anglais « human » et « humane ». Ce dernier, malaisé à rendre en français, signifie ici « sans cruauté ».

Voilà qui nous rassure

Le même organe (12 mars) interviewe P.-Y. Jeholet (MR). Sur la stratégie de vaccination : « Il y a des tas de trucs [et de machins ? il cite les convocations et l’organisation] dont on est responsables à l’échelon régional [il est ministre-président du gouvernement de la Communauté française] (…) On ne va quand même pas accepter de ne pas prendre plus de risques parce que la campagne de vaccination foire ! ». Tout le monde au théâtre et au stade, les uns sur les autres et sans masques.

Ça tombe dru

  • Dans Le Soir (27-28 février), Belga annonce que l’usine Audi de Forest construira le modèle de voiture électrique qui succédera à l’actuelle, appelée « l’e-tron ». On n’ose imaginer.

  • Itou (10 mars), Belga encore : « Le prévenu (…) avait déblatéré un discours insultant au sujet des origines africaines de l’animatrice [de la RTBF] ». Aujourd’hui, on déblatère contre une personne, mais en un sens vieilli, le terme signifie bien « proférer ». Il dérive de blatérer, qui renvoie au cri du chameau.

  • Encore (11 mars), l’« Humeur » d’une journaliste : « Ces pays, combien de fioles [de vaccin] ont-ils exportées vers l’Union européenne ? Nada ». Non, « ninguna » ; « nada » signifie « rien », pas « aucune ». Le français aurait suffi.

  • 11 mars aussi, l’éditorialiste en chef, bonne bilingue, trahit pourtant un industriel flamand : « J’avais du mal à voir que le marché des cuisines était de moins en moins belge ». Il n’avait qu’à changer de lunettes ? La bonne tournure aurait été « Cela me faisait mal de voir… ».

  • De plus (12 mars), sur la violence des mineurs : « Le gouvernement [français] promet de prendre le problème à bras-le-corps ». Mieux vaudrait « les bras le long du corps ».

  • Adde (15 mars), P. Magnette (PS) a déclaré à RTL qu’il soutenait « à 200% » le mot d’ordre de grève lancé par le front commun syndical. La revendication porte sur une augmentation des salaires supérieure à 0,4% : on mesure la puissance de ce renfort.

  • Même (20-21 mars), C. Désir (PS), la ministre de l’Enseignement obligatoire en Communauté française : « Nous ne nous voilons pas la face devant le variant britannique ». Si, il faut !

  • Enfin (26 mars), « un vial AstraZeneca (…) un vial Pfizer ». Le terme anglais (dans lequel le i est « long » : aï) a la même origine grecque par le latin et exactement le même sens que fiole. Quelqu’un se paie notre vial.

  • Enfin enfin (26 mars encore), le regretté B. Tavernier « a dirigé Ph. Torreton dans Conan le barbare ». Et A. Schwarzenegger dans Capitaine Conan ?

  • Au Journal de la RTBF Radio (1er mars, 18 h.) : contre la Région bruxelloise qui leur interdit de répondre à des appels par GSM, les chauffeurs de « taxis » Uber sont « très remontés ». Pas sur leurs grands chevaux : le Flash de 19 h. annonce une manifestation de « chauffards ».

  • Même station, 7-9 (2 mars, 8 h. 30), après le jugement de N. Sarkozy : « Un ex-président de la République est condamné à la prison ferme pour la première fois ». Possible, vu les procès qui vont suivre, mais ce que le journaliste voulait dire exigeait l’inversion : « Pour… , un… ».

  • Ibidem, au Journal (4 mars, 13h. 15) : devant la Cour de justice de la République, les (très) anciens ministres français É. Balladur et F Léotard « n’étaient pas présents lors du délibéré (de l’arrêt) ». Déni de justice ! Le bon terme : « du prononcé ».

  • On continue, Journal (5 mars, 19 h. 30) : « Les enterrements seront autorisés jusqu’à 50 personnes ». Dans une fosse commune ? Ou bien, si les endeuillés sont plus nombreux, ils devront manger le corps ?

  • À la Chambre, une proposition de loi (n° 55 1838) d’Ecolo-Groen « modifiant le Code des impôts sur les revenus, en vue de supprimer la réduction sur les amortissements de capital pour l’habitation non propre ». Pourquoi décourager la réhabilitation d’un gourbi cracra ?

  • Sur le site du Conseil d’État, rubrique « Décisions récentes « en néerlandais, ne manquez pas d’activer le traduiseur Google. « Vreemdelingen » devient « Extraterrestres ». ET go home !