"Ici et ailleurs" du JDJ N°405

Prolongation indéterminée …

Le mandat du Délégué général aux droits de l’enfant, qui arrive à terme (le mandat, pas le délégué) en juin 2021, a été prolongé «jusqu’à la nomination du défenseur des enfants»; cette réforme, annoncée à grand coup de comm par Bénédicte Linard (CFW) et Christie Morreale (RW) il y a quelque temps (cf. Ici et ailleurs du JDJ 400, déc. 2020, p. 62), risque de prendre encore un certain temps.

D’une part, les autorités semblent s’être embourbées en tentant d’inclure la Région bruxelloise dans le champ de compétence du DGDE (ce qui impliquerait que la Communauté flamande fasse de même pour la Kinderrechten Commissaris qui n’a pas été mise dans la confidence et que le futur défenseur des droits soit parfait bilingue (fr/ne); déjà qu’on avait du mal à trouver une perle rare, là, ça devient mission impossible !

D’autre part, l’implication de la Région wallonne dans le dispositif va encore prendre des plombes.

… pour sortir d’un bourbier

Si la prolongation est faite «pour une durée indéterminée », le Gouvernement espère avoir réglé le problème d’ici la fin de l’année (mon oeil !) ; ensuite, il s’agira de publier la vacance de poste, donner un délai pour que les candidats se manifestent, mettre en place la procédure (en principe en trois étapes, en ce compris un jury indépendant, les parlements puis les gouvernements, on est partis pour la gloire), prendre la décision (par le passé, il est arrivé que le Gouvernement bloque pendant deux ans faute de consensus sur le candidat le plus politisé) et enfin que le.la candidat.e finalement retenu.e se rende disponible.

Bref, l’actuel locataire des lieux pourrait encore y être pour quelques années. Et vu qu’il s’agira d’un nouveau Décret, il pourrait d’ailleurs repostuler (malgré qu’il ait accompli déjà deux mandats), en considérant qu’on a remis les compteurs à zéro. Il y a un précédent !

Le changement de mentalités,…

Le denier constat du Centre Myria est interpellant : entre 2016 et 2019, les détentions en centre fermé ont augmenté, alors que les rapatriements ont diminué !

Ceci serait dû, selon le Centre, à l’augmentation de migrants en transit parmi les détenus en centre fermé dont le taux est passé de 4% en 2016 à 31% en 2019 ! Si les rapatriements de ces personnes ont augmenté (le plus souvent des transferts «Dublin»), ils ne représentent qu’une faible part, proportionnellement.

… c’est pas pour demain.

En parallèle, il y a beaucoup plus de libérations (de 17 à 40%). Certains y verront une preuve de plus que l’enfermement n’apporte rien, alors qu’il coûte super cher. Reste à convaincre les politiques qui restent persuadés qu’il faut augmenter l’enfermement pour augmenter les rapatriements, seul indicateur de la validité d’une politique migratoire.

Longue vie à l’aDAS …

L’aDAS (Association de Défense des Allocataires Sociaux - adasasbl.be), qui vise à défendre les usagers des CPAS (par une aide individuelle, des actions pour modifier les pratiques des CPAS et une action politique globale) et qui ne fonctionne qu’avec des militants bénévoles, publie des fiches d’information dans sa «boîte à outils». L’une des dernières est consacrée au droit d’être entendu par le Conseil d’action sociale (CAS) du CPAS avant qu’il ne statue sur une demande relative au droit à l’intégration sociale (ce droit n’est malheureusement pas garanti pour les demandes d’aide sociale).

C’est une analyse fouillée, qui se base sur les constats de terrain posés par les militants de l’association, qui savent de quoi ils parlent, et sur les dispositions légales en la matière.

… et honte aux CPAS véreux

Si ce droit est considéré comme positif pour les bénéficiaires (dans la majorité des cas, et pourvu que certaines conditions soient réunies), il demeure méconnu et donc trop peu utilisé.

Dès lors, l’aDAS formule des recommandations remplies de bon sens : extension de ce droit à toutes les demandes d’aide individuelle et catégories de bénéficiaires, droit d’être entendu même après qu’une décision ait été prise, fournir une information correcte et complète (n’est-ce pas le minimum ?), améliorer les modalités de l’audition (droit d’être accompagné), l’accès au dossier, le suivi,…

Ce qui est extraordinaire dans tout ça, c’est qu’on penserait que le tout était acquis depuis une éternité, les CPAS vont sur leurs cinquante ans ! Pire, certains CPAS organisent des auditions «piège», des convocations punitives ou pour «recadrer » les intéressés. Ou encore refusent illégalement de procéder à une audition, avec pour conséquence d’encombrer les tribunaux. Pitoyable !

Il n’y a pas plus sourd …

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies (CEDR) adopte ses observations finales concernant la Belgique; il recommande en particulier : d’allouer les ressources financières et humaines suffisantes pour les acteurs travaillant dans le domaine de la traite des êtres humains, de renforcer les mesures permettant de sanctionner les responsables et de mieux protéger les victimes; de garantir un accès effectif des migrants en séjour irrégulier, sans discrimination, à l’aide médicale d’urgence, à l’éducation, à la santé, au logement et au droit de porter plainte sans risque d’arrestation ou d’éloignement; d’améliorer le système de collecte des données et d’enregistrement des plaintes pour violences policières de caractère raciste (tiens donc !), et la réalisation d’une enquête pour rationaliser et renforcer les procédures et les mécanismes de contrôle des services de police.

Ça ne fait que des années que la société civile et d’autres acteurs le disent. Le CEDR sera-t-il mieux entendu ?

… qu’celui qui ne veut entendre

Si le CEDR félicite la Belgique pour la création de l’Institut fédéral pour la protection et la promotion des droits humains (IFDH), il est préoccupé du fait qu’actuellement le mandat de l’Institut est limité (il ne couvre que les droits fondamentaux qui relèvent de la compétence fédérale, et encore, s’ils ne sont pas couverts par d’autres mécanismes, selon le principe du remplissage des trous du gruyère).

Le CEDR s’inquiète surtout qu’il ne peut pas recevoir et traiter des plaintes individuelles (notamment pour les questions liées aux discriminations linguistiques). Mais là, on peut dire qu’il rêve éveillé, la farce du gruyère se mariant très mal avec notre lasagne institutionnelle et nos chasses gardées.


Les bésicles de Jiji

Et hélas, ce n’est pas Coluche…

Un témoin très fiable me communique qu’au Conseil d’État, un président de chambre a félicité publiquement une femme, membre de l’auditorat, pour sa promotion au siège, dans les termes exquis que voici. Après s’être délecté, à la lecture du Moniteur du 1er février, d’un arrêté ministériel wallon qui protège la dénomination « Boudin de Liège », il a eu le plaisir d’y trouver la confirmation de la nomination de l’intéressée. La charcuterie principautaire en question est aromatisée à la marjolaine, censée aphrodisiaque, mais on ne conçoit pas que ceci puisse encore susciter cela.

Pluto portatif

Un arrêté royal du 5 janvier 2021 « relatif à l’utilisation de chiens lors de l’exercice d’activités de gardiennage » (Moniteur, 3 février) définit le « chien pisteur » comme « déployé pour la recherche de personnes ». On imagine donc que son maître l’apporte plié à pied d’œuvre et l’étend pour le mettre en chasse. Mais comme, adulte, le meilleur flaireur, le « chien de Saint-Hubert » (celui de Mickey Mouse) pèse 50 kg., on doit être sur une fausse… Il s’agit d’un anglicisme ridicule : « to deploy » signifie bien « déployer » (plusieurs éléments, comme des troupes), mais aussi « mettre en action », en français « engager », pour rester dans le jargon martial.

Le tordu à la portée de chacun/e

Comme le droit est incompréhensible pour les citoyens, les médits asociaux vous le confirmeront, c’est aux journalistes des media traditionnels que revient la noble tâche de tout bien élucider. Ainsi dans Le Soir (11 février), au sujet du plagiat dans les examens universitaires : « Pourtant, l’arrêté ministériel pris par le Conseil d’État le 26 février 2020 précise… » ; on reste en arrêt. Même édition, « La cour d’appel rappelle l’importance du secret professionnel des avocats » ; pas faux, mais il fallait écrire « remémore » au lieu d’éveiller l’écho. Et selon plusieurs Journaux parlés de la RTBF Radio (11 février aussi), J.L. Crucke (MR), ministre wallon chargé des Aéroports, aurait déclaré à propos du licenciement pour motif grave qui frappe l’Icare de Bierset : « La Région va se constituer partie civile » ; devant le tribunal du travail ?

Encore deux qui vont se sucrer

Justement (merci à Denis Lambotte), le Moniteur du 18 février livre un arrêté royal du 21 janvier 2021 « portant rémunération du commissaire du gouvernement auprès (…) de l’Agence belge de Développement » : l’allocation annuelle s’élève à « 0 euros », le jeton de présence par séance du conseil d’administration à « 0 euros » et celui de son suppléant à « 0 euros ». Mieux encore : ces montants « sont liés à l’indice-pivot 138,01 ». L’arrêté a été proposé par « le ministre de la Coopération au Développement » - Meryame Kitir (Sp.a), qui peut remercier ses rédigeurs.

Ça tombe dru

  • Le Soir (2 février) : « Covid : les commerces bruxellois ne sont pas tous logés à la même enseigne ». Encore heureux, sinon il ne resterait qu’un hypermarché.

  • Ibidem (6-7 février), dans les territoires soumis à l’Autorité palestinienne, « Les doses [de vaccin] arrivent au compte-gouttes ». Lamentable, un article pourtant bien intentionné…

  • Aussi (8 février), une dépêche Belga : « Manifestation contre les violences policières sans incident ». Plus besoin de prétexte pour cogner ? Un double poingt aurait suffi à la clarté.

  • Itou (9 février), un « commentaire » sur la sélection des projets wallons qui bénéficieront du plan de reprise européen : « Touchons du bois ». Mais de toute façon, « il faudra élaguer ».

  • Encore (10 février), G. Gilkinet (Ecolo), ministre fédéral de la Mobilité, sur la fermeture des guichets de gares : la digitalisation, « Toute une partie du public en est actuellement exclue. J’ai demandé à la SNCB de la rencontrer ». Au Heysel ? un maxi-cours d’informatique ?

  • Peu avant, au Flash de la RTBF Radio (1er février, 21 h.) : pour la vente de billets, « la SNCB choisit la voie digitale » ; et déferrée, en quelque sorte. Ensuite (5 février, 0 h.), sa patronne S. Dutordoir aurait déclaré exclu de « faire marche arrière » : trop dangereux avec un train.

  • Et les Infos en ligne de la même station (3 février, 17 h.) : « A l’école Singelijn, un enfant sur dix est porteur d’un handicap. Un mélange qui semble porteur pour chacun. » Quel qu’en soit le sens, la phrase à ne pas écrire.

  • Sur une aire de repos de l’A54, cet avis menaçant : « Tout dépôt d’immondices donnera suite à des poursuites judiciaires ». Surprenante riposte aux inculpations abusives.

  • SOSoir (6 février), le supplément bobo, recommande un château-hôtel : « À proximité du village de Givet (…) Au gré d’une promenade dans le village d’Hastière ». 6800 et 6000 habitants respectivement, et la première est une ville.

  • Dans Charleroi Mag, revue communale (février-mars 2021), rubrique « Sécurité », le témoignage d’un citoyen affolé : « Ma voiture a été visitée, je l’ai remarqué à cause des bris de vitre au sol ». Très observateur, pourtant…