"Ici et ailleurs" du JDJ N°381

Quand Madrane…

Une interpellation de Marie- Françoise Nicaise, députée de la Fédération Wallonie-Bruxelles au sujet des MADO (ces fameuses «Maisons des adolescents»), basée sur l’article «Projet d’arrêté MADO : encore une tranche de lasagne ?» et l’éditorial «Les Mados, entre désordre et confusions ?» publiés dans le Journal du droit des jeunes n°379 de novembre 2018 aura permis au Ministre Madrane de dire tout le mal qu’il pense de cette revue au point que Mme Nicaise s’étonne de l’agressivité qu’un article du JDJ peut susciter chez le ministre, alors que selon les termes de la députée, l’article «reste nuancé et n’en présente pas que les mauvais côtés».

… défend son bilan…

Pour notre part, nous comprenons tout à fait l’irritation du ministre qui a trop l’habitude qu’on lui serve la soupe et encense toutes ses initiatives. On savait déjà qu’il n’aimait pas la critique.

On sait maintenant ce qu’il pense de la liberté de la presse. Qu’on en juge par cette diatribe :

… on croirait entendre…

«Je conclurai en disant que j’ai hélas appris, durant ces cinq années à la tête de l’administration de l’Aide à la jeunesse, qu’il y a des organes de presse subsidiés et rattachés à des piliers historiques. Ils sont donc orientés politiquement et philosophiquement.

Leur travail est d’abord et avant tout de trouver des fonds pour tenter de justifier leur existence et leur légitimité.

Ils parlent, parlent, parlent… tandis que d’autres agissent concrètement en refinançant le secteur, comme cela n’avait jamais été fait dans l’histoire de l’Aide à la jeunesse depuis son transfert aux Communautés. En un demi-siècle, rien n’a mieux progressé. Certains parlent et d’autres font adopter de nouveaux décrets et travaillent concrètement, sérieusement et calmement au bénéfice des enfants et des familles. Je suis fier des résultats que nous avons obtenus en une législature avec mon cabinet, la majorité, le gouvernement et mon administration.»

… Donald Trump ?

Si le JDJ est subsidié, comme l’est habituellement la presse, remarquons que ses lecteurs - fidèles depuis 38 ans, alors que la presse en général ne se porte malheureusement pas bien - ne reçoivent pas pro deo la revue et que s’ils choisissent de renouveler leurs abonnements afin de continuer à recevoir le JDJ, on imagine que c’est au vu de l’intérêt qu’ils portent à son contenu.

Ces recettes d’abonnements constituant une contribution indispensable au budget du JDJ, nous profitons de l’occasion qui nous est offerte pour remercier notre lectorat. Quant au rattachement à un pilier historique ou une orientation politique ou philosophique, il conviendrait que le ministre précise son accusation qui est de nature diffamatoire.

Le JDJ n’a jamais eu d’allégeance quelconque avec quelque pilier politique ou philosophique et a toujours payé très cher son indépendance. M. Madrane devrait le savoir.

Réjouissons-nous en tous cas qu’au moins sur une des critiques fondamentales que nous avions formulées, le projet a été amendé : l’article 4, qui prenait des libertés avec le secret professionnel et la notion de dossier global serait supprimé.

Nous n’avions donc pas tout faux. Par contre, pas un mot, dans la réponse, sur le fait que les MADO sont en train d’être agréées comme PPP, alors que l’arrêté MADO est en cours de discussion, pour être ensuite automatiquement agréées dans cette nouvelle catégorie. Le ministre n’avait-il rien à répondre ?

Faut-il sauver le…

Il y eut d’abord la «lettre ouverte aux détracteurs du Pacte d’excellence» rédigée par la CGé, la Ligue des Familles et le Délégué général aux droits de l’enfant, publiée dans Le Soir du 5/02/2019, qui dénonçait les petits jeux politiques, la frilosité et le brouillage des cartes. Même si les signataires admettent que ce Pacte n’est pas parfait (mais il n’y a pas de réformes parfaites) et qu’il y a encore beaucoup de combats à mener, ils appellent à «investir positivement ces mesures et être vigilants sur ce qu’elles vont produire».

L’approche se veut positive et mobilisatrice : «Il n’y a pas d’autres chemins : il faut oser bouger, prendre le chemin difficile du changement. C’est vrai pour les enseignants, les parents et l’ensemble des professionnels de l’école. »

… Pacte…

Cette prise de position aura déclenché de vives réactions, souvent très négatives, qui démontrent que les oppositions à une vraie réforme, à visée démocratique, visant à réduire les inégalités et freiner le tri des élèves, sont toujours très présentes.

Mais cette lettre ouverte aura été l’occasion pour l’Aped (appel pour une école démocratique) de clarifier ses positions en pointant le fait que malgré les bonnes intentions, une vision économiste de l’enseignement semble l’emporter. «En effet, le pacte ne remet aucunement en question les facteurs qui, à nos yeux, sont responsables de l’inégalité de notre système éducatif. Ainsi, aucune mesure n’est envisagée pour s’attaquer au quasi-marché scolaire : maintien des réseaux, décret inscription peu efficace en secondaire et inexistant tant en maternelle qu’en primaire… » précisent-ils.

… d’excellence ?…

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui doutent de l’aboutissement du Pacte (à part certaines réformes qui ont déjà été adoptées, mais qui n’ont de sens que si elles s’inscrivent dans une réforme globale, cohérente, soutenue et pourvue de moyens). Mais si ces acteurs sont d’accord sur le fond (un projet cohérent qui offrirait à chaque élève, quelle que soit son origine socioéconomique, une formation de qualité lui permettant de prendre sa place dans la société en tant que citoyen critique), les doutes quant à la manière d’y arriver sont bien là.

Cette énième tentative de révolution de l’enseignement se soldera-t-elle par un renforcement des inégalités et une marchandisation croissante ?

La réussite pour tous : on y croit

Mais heureusement que le SEGEC (secrétariat général de l’enseignement catholique) nous apprend que : «Quelque 93% des directeurs et 88% des enseignants se disent contents de venir à l’école chaque matin. Parmi ces derniers, près de 9 sur 10 assurent croire en la réussite de tous leurs élèves et se sentent suffisamment qualifiés et outillés pour exercer leur fonction» (Le Soir, 22/02/2019).

Il reste 7% des directeurs et 12% des enseignants à réconcilier avec leur métier… et à vérifier si ces taux sont similaires dans les autres réseaux.

Il serait aussi intéressant d’interroger les enfants sur leur taux de satisfaction par rapport à l’école, ce qu’elle leur apporte, les perspectives qu’elle leur offre.


Les bésicles de Jiji

Le Prix 2019 des Bésicles opaques

Dans son formulaire de Technique législative (disponible sur le site www.raadvst-consetat.be, le Conseil d’État écrit, au sujet de la motivation des arrêtés : « Si vous pouvez donner des explications succinctes, énoncez-les dans le préambule de l’acte sous la forme de considérants.

>Par contre, si les explications exigent de longs développements (…), rédigez un rapport au (…) gouvernement ».

Le Moniteur du 21 novembre a publié un arrêté du gouvernement wallon daté du 8 novembre 2018 et « relatif à l’octroi d’un soutien aux ateliers de découpe du gibier dans le cadre de la prise en charge des carcasses de sangliers pour lutter contre la peste porcine africaine », ce qui vaut déjà son poids de biétrumés de Namur.

Le préambule comprend 29 considérants, qui occupent 2 pages de la gazette, autant que le dispositif de l’arrêté.

J’ignore s’il s’agit d’un record historique, mais il m’a paru indispensable que retentît le son du cor (vieille contrepèterie, encore reprise par Charles Trenet).

Un détenu qui n’a pas fait ceinture

En Estonie, un prisonnier considéré comme dangereux avait obtenu l’autorisation d’aller assister sous bonne garde aux funérailles de sa grand-mère. Constatant que le siège qu’il devait occuper dans la camionnette cellulaire n’avait pas de ceinture de sécurité, il refusa d’y monter.

Après avoir réclamé en vain 7500 € de dommages et intérêts, il aboutit devant la Cour européenne des droits humains ; le 30 octobre 2018, l’arrêt Jätsöšön v. Estonia conclut qu’il n’avait pas subi de traitement inhumain ni dégradant.

Ovation des 15% de passagers arrière qui, en Belgique, circulent sans s’attacher.

Bestiaire linguistique

La ville de Bruxelles compte, perpendiculaire au quai aux Briques (vestige de l’ancien port), une rue du Chien marin / Zeehond straat.

Le nom français, qui évoque Milou en béret à pompon, est erroné : ce devrait être Chien de mer.

Mais cette expression désigne plusieurs sortes de requins, alors que le terme néerlandais vise divers phocidés.

Comme il s’agit du quartier des restaurants de poissons

Tiens bon la branche (du sapin)

Le 30 novembre 2015, la ville de Padoue (Italie) modifie un règlement pour interdire de déposer les urnes funéraires ailleurs que dans un cimetière communal.

Le 15 février 2016, une dame et la société Memoria, qui installe des columbaria privés, attaquent ce règlement.

Le 11 mai 2017, le tribunal administratif régional de Vénétie interroge la Cour de justice de l’Union européenne (affaire C-342/17). Le 14 novembre 2018, celle-ci décide que le principe de liberté d’établissement s’oppose à la disposition contestée.

La dame est « une cliente potentielle de Memoria, envisageant de faire incinérer la dépouille de son mari et de transférer ses cendres dans une installation [de la société] » ; on espère que le futur « feu » (merci, Papa) ait encore un peu de patience.

Et dans le même registre léger, l’arrêt n° 242.780 rendu le 25 octobre 2018 par notre Conseil d’État en matière de fonction publique : « A la suite de sa mutation au service du cimetière [l’agent] a retrouvé un environnement de travail serein »

Ça tombe dru

  • Un titre sportif du Soir (30 octobre) : « Le mental, talon d’Achille des Anderlechtois ». On pensait plutôt au stomacal.

  • (3 novembre), l’interview d’un historien de Boston sur les Afro-américains dans les forces armées US depuis 1918 : « Nier que le racisme n’y existe plus ne serait pas juste ».

    Il a manifestement dit l’exact contraire : bravo au traduiseur, qui vaut un matheux du journal.

  • Aussi (13 novembre), J.M. Nollet (Ecolo) veut battre la NVA et « soutient la soutenabilité de son ambition ».

    Il dirait même plus…

  • Itou (20 novembre), après un rapport alarmant de l’UNESCO concernant l’éducation des enfants migrants, un énorme titre : « Décloisonner les murs de la classe d’accueil ». Épouvantable, en effet.

  • Même jour, à propos des « étoilés » de Belgique : « Sur son site, Michelin affiche pour les 1000 restaurants une fourchette de prix ».

    Ce serait moins parlant avec une cuiller.

  • Encore (22 novembre), une pleine page sur les résultats désastreux du PISA en sciences, avec un écart de genre inexpliqué, présentés dans un rapport de l’Université de Liège sous la direction « du professeur Dominique Lafontaine ». Qui est une femme (voir sa photo).

  • De plus (24-25 novembre), la catastrophe du référendum sur le Brexit décidé par David Cameron : « Il n’a pas vu venir le rejet de la libre circulation des Européens de l’Est et des élites londoniennes ».

    Les gentlemen (et -women) devront donc rester dans la City.

  • Dans Elle (éd. France, 26 octobre), Kylie Minogue en tournée : « Avec mon équipe, on débriefe [oui, oui] le concert de la veille dans le coin cuisine du van ».

    Au galop, alors : en français, « fourgon qui sert au transport des chevaux ».