LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Jacques Fierens dans le JDJ N°435

La DPC et le risque d’orages violents

Les phénomènes météorologiques les plus difficiles à prévoir sont les orages violents, y compris les tornades.

Ils résultent de nombreuses interactions entre la température, l’humidité, le vent, la pression. Parmi les incertitudes, il y a une certitude : le risque est plus élevé lorsque les vents et les courants viennent de droite, parce que la Terre tourne vers la droite.

À lire la déclaration de politique communautaire en ce qui concerne l’aide à la jeunesse, la girouette et l’anémomètre ne rassurent pas. La DPC parle beaucoup trop de prise en charge précoce et intensive, d’éloignement de l’enfant de sa famille, du refus de placements successifs, de stabilité chez les accueillants.

La suppression du nécessaire réexamen annuel des mesures par le tribunal de la jeunesse est dans l’air malgré la position de presque tout le secteur en faveur de son maintien.

Pas un mot sur une aide qui devrait avoir pour priorité absolue de donner à tous parents les moyens matériels ou immatériels d’élever leurs enfants, dans tous les sens du terme.

La majorité des éloignements, surtout à long terme, concerne les familles les plus précarisées et le placement en famille d’accueil, sacralisé sans nuance, entraîne le risque de captation de l’enfant par les accueillants, aussi généreux qu’ils soient, et donc renforce l’eugénisme social.

La DPC prend aussi une direction contraire à ce que la Cour européenne des droits de l’homme s’époumone à affirmer depuis 35 ans : un placement doit être absolument nécessaire, parce qu’il est une ingérence très grave dans la vie familiale, il doit être le plus bref possible et son but doit toujours être en principe le retour chez les siens.

En ce qui concerne la protection du mineur en conflit avec la loi, le baromètre déclenche toutes les alarmes.

La DPC en parle sous le titre « Sécurité ». C’est mal parti.

L’approche protectionnelle devrait, paraît-il, continuer à prévaloir, mais un volet « sanctionnel » devra être élaboré, en s’inspirant notamment des systèmes en vigueur chez nos voisins, y compris en Flandre.

Et puis changeons les conditions du dessaisissement, maintes fois condamné par le Comité des droits de l’enfant, pour qu’il y en ait un peu plus et que les jeunes aillent en prison, lieu de resocialisation par excellence comme tout le monde le sait.

Dire que la DPC, elle-même en conflit avec les lois sur ce point, et pas n’importe quelles lois, se dit innovante.

C’est exactement le genre de propos qui a été tenu lorsqu’en 2006, la loi de 1965 est devenue plus répressive. Et personne n’explique comment on peut à la fois protéger et sanctionner. On nous fait savoir aussi que la délinquance juvénile a augmenté. Cela, on le répète depuis la préparation de la loi de 1912, chaque fois que l’on décide de traiter un enfant comme un adulte en plus petit.

Chiche que personne n’est capable de l’établir par des chiffres ?

La ministre Valérie Lescrenier, qui vient d’hériter de ces matières complexes, a déclaré ne rien y connaître. C’est honnête de le dire. Espérons qu’elle sait au moins qu’on ne traite pas les droits de l’enfant et des familles à travers ces a priori, ces clichés et ces caricatures qui ne sont que les nausées chroniques de certains nantis face aux moins favorisés qu’eux. On lui souhaite aussi d’étudier de près l’installation des paratonnerres parce qu’avoir peur des orages violents, c’est le propre de la plupart des enfants.

Ils auront vite besoin d’être rassurés et efficacement protégés.

Jacques Fierens