LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Alexandra Roelandt dans le JDJ N°411

Redouane, Jeff et autres machos, au musée de l'histoire

Le 2 février dernier, Redouane Ahrouch, fondateur du parti politique ISLAM, est condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis par la Cour d’appel de Bruxelles pour son attitude et ses propos tenus lors de l’émission «C’est pas tous les jours dimanche» en 2018 (1).

Il avait alors refusé de répondre aux interrogations de la chroniqueuse et même de la regarder, au motif qu’elle était une femme.

Dans le genre odieux, il n’est malheureusement pas le seul.

En témoignent aussi les propos sexistes et d’incitation à la haine et à la discrimination envers les femmes, tenus par le chirurgien esthétique Jeff Hoeyberghs devant une assemblée d’étudiants de l’Université de Gand, manifestement enthousiastes : «On ne peut pas traiter une femme sur un pied d’égalité sans devenir son esclave», les femmes sont devenues «superflues» et «veulent les privilèges de la protection masculine et de l’argent, mais ne veulent plus ouvrir les jambes».

Comprenez, les femmes qui ne perdent pas leur virginité avant 20 ans n’apprennent jamais, «les meilleures femmes sont déflorées à 14 ans».

Le Tribunal correctionnel l’a condamné en première instance à de la prison ferme (2), mais Jeff Hoeyberghs persiste à croire que son intervention est un «témoignage inspirant» (selon ses propres termes), puisqu’il a décidé de faire appel.

Ces condamnations témoignent d’une avancée heureuse des mentalités. Elles sont l’occasion de rappeler que le mépris à l’égard d’une personne en raison de son appartenance sexuelle, ou le fait de la considérer comme inférieure ou réduite à sa dimension sexuelle (3) est condamnable, en ce compris légalement depuis 2014 (4).

Ces deux décisions judiciaires portent au nombre de trois les condamnations pour sexisme (5). C’est trop peu, quand on sait que plus de 90% des femmes ont déclaré avoir déjà été victimes de harcèlement sexiste dans l’espace public, que ce soit sous forme de sifflements, de commentaires, de regards insistants, voire, dans un tiers des cas, d’attouchements ou de harcèlement physique (6). Quand il n’est pas banalisé, en ce compris par les victimes elles-mêmes, le sexisme n’est pas souvent révélé aux professionnels.

Pourtant, le sexisme est une atteinte grave à l’intégrité et la dignité, mais aussi à la liberté. Porte ouverte au harcèlement, il porte atteinte à une valeur fondamentale de notre société qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes.

Alors parlons-en ! Que la loi de 2014 ne reste pas seulement un beau texte symbolique, mais permette de faire évoluer les mentalités en profondeur. Pour que les Redouane et Jeff soient renvoyés au musée des machos lourdingues de l’histoire.

Alexandra Roelandt


(1) CA Bruxelles (16e ch. correctionnelle), 2 février 2022, inédit (présidente : Sophie Leclercq)
(2) TPI Flandre orientale (Gand), 4 janvier 2022, inédit (président : Jan van den Berghe).
(3) Les propos sexistes doivent viser une ou plusieurs personnes déterminées, et non une catégorie abstraite : on peut évidemment regretter cette limitation.
(4) Loi tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l’acte de discrimination, M.B., 24 juillet 2014.
(5) Y compris TPI Bruxelles (52e ch. correctionnelle, section néerlandophone), 8 novembre 2017, inédit (président : M. Storme).
(6) JUMP, «Mon expérience du sexisme : Étude sur la perception des comportements sexistes en Europe», novembre 2016