LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Alexandra Roelandt et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°412

L’homme est un loup pour l’enfant

Les effets de toute guerre sont dévastateurs, en particulier pour les enfants.

Qui peut imaginer un seul instant ce qu’un enfant comprend de la situation qui est en train de se produire en Ukraine et quel sens il peut donner à cette folie; plus de 2 millions personnes (au moment où ces lignes sont rédigées), femmes et en grande majorité enfants, devant fuir du jour au lendemain face à l’incommensurable cruauté de certains dirigeants qui font passer leur envie de pouvoir mégalomane avant le bien-être des enfants.

Du jour au lendemain, leur vie est complètement perturbée, voire détruite : plus d’école, plus de copains, plus de plaine de jeux, plus de perspectives et certainement plus de conditions minimales pour la survie et le développement.

On vous épargnera ici la litanie des horreurs, le fait de vivre la peur au ventre, dans des abris, sous des tonnes de bombes s’écrasant indifféremment partout. La presse en fait largement état.

Mais au-delà, regardons les conséquences à moyen et long terme : des centaines de milliers d’enfants sont séparés d’au moins un membre de la famille et seront déscolarisés; des milliers deviendront orphelins; leur niveau de vie sera gravement affecté, de même que leur santé physique et mentale et leur développement en général.

Des milliers d’enfants sont aussi recrutés dans les deux camps en violation des normes pourtant ratifiées par tous. Des écoles, hôpitaux, quartiers résidentiels… sont bombardés avec leur lot de dégâts collatéraux que nos guerres soi-disant propres et nos armes de précision, sont évidemment incapables d’éviter.

Le traumatisme subi laissera des traces durables et nécessitera une intervention professionnelle pour y répondre et donc des moyens considérables.

Certains enfants seront encore plus durablement affectés; pensons à tous ceux qui ont des besoins spéciaux, aux enfants qui vivent en institutions ou orphelinats, qui ont passé plusieurs jours dans des caves ou abris et ont dû fuir dans des conditions angoissantes.

Tout ceci sans compter que la réaction à ce conflit détourne l’attention sur l’importance de reconstruire un monde d’après-Covid et de lutter contre les dérèglements climatiques pour ne citer que les brûlots les plus importants.

Il est heureux que l’Europe renoue avec certaines de ses valeurs fondamentales d’accueil, même si le contraste avec les précédentes vagues de migrants en provenance de Syrie, Afghanistan, Somalie ou autres n’en est que plus saisissant.

Certes, les enfants sont les oubliés de toutes les guerres et ce qui précède est valable pour toutes celles du passé ou qui ont encore cours aujourd’hui (nombre d’entre elles étant tout simplement oubliées). Pensons, sans exclusive, au Myanmar, à la Colombie, à la Syrie, à la Libye, à l’Éthiopie, au Xinjiang, à la Géorgie, à l’Afghanistan, à la Palestine et à tous les autres lieux ou des guerres ouvertes, conventionnelles, hybrides, civiles, larvées, froides, chaudes… détruisent l’enfance.

Les mécanismes internationaux destinés à prévenir ces conflits ou en limiter l’impact, ne fonctionnent clairement pas comme ils devraient. La perspective de traduire les dirigeants avides de pouvoir qui sévissent dans les lieux précités devant la Cour Pénale Internationale est fondamentale, mais elle n’est ni dissuasive ni efficace pour arrêter ces horreurs.

Il nous faut sans doute réinventer notre capacité à développer des mécanismes pour garantir la paix. Le défi est immense mais indispensable.

Alexandra Roelandt et Benoit Van Keirsbilck