LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck et Alexandra Roelandt dans le JDJ N°407

Une commission d’enquête parlementaire s’impose !

Le dossier de ce numéro, exceptionnel par son ampleur et la variété des contributions, entend mettre à plat l’adoption internationale, en se penchant sur l’évolution des réglementations internationales et nationales et en pointant les dérives et manquements, parfois à caractère criminel, que ces procédures ont connus.

Il donne aussi largement la parole à des personnes qui ont été adoptées étant enfant, pour montrer à quel point ces manquements ont eu des conséquences longtemps occultées, minimisées, ignorées, sur leur vie, leur développement, la construction de leur personnalité et leur parcours personnel. Un des aspects les plus marquants étant la construction de l’identité, dans un contexte où la plupart du temps, des composantes importantes de cette notion sont inexistantes, ont disparu, ont été volontairement détruites.

D’où, évidemment, le focus sur la recherche des origines qui débouche, parfois, sur la découverte d’illégalités et de comportements criminels. Cette recherche revêt dès lors une importance capitale, voire vitale, pour les enfants adoptés, et nécessite soutien et accompagnement. Nous verrons que c’est également là que le bât blesse cruellement.

Nous ne pouvons pas faire abstraction du rôle des acteurs impliqués dans l’adoption internationale. Nous expliquons ainsi les structures mises en place en Belgique et leurs missions (dont le Conseil supérieur de l’adoption, le COSA), évoquons les acteurs locaux dans les pays d’origine des enfants, et analysons plus particulièrement le rôle des intermédiaires de l’adoption internationale, dont les organismes agréés, qui eurent, et ont encore pour certains d’entre eux, des responsabilités écrasantes dans des actions criminelles. Nous ne ferons pas abstraction de la dimension financière qui fait de l’adoption internationale un business juteux, que certains considèrent plus lucratif que le trafic de drogue !

Passé les constats, l’analyse, les explications, le temps de l’évaluation, des enquêtes approfondies et des sanctions est venu. La seule évocation de la persistance des activités criminelles malgré les réglementations et procédures mises en place fait frémir. Ainsi donc, l’enlèvement et le trafic d’enfants sous couvert d’adoption internationale reste possible aujourd’hui en dépit de signaux d’alerte et de la conscience de ce que ce secteur est miné ! Il est encore possible aujourd’hui d’aller chercher un enfant dans un village retiré du Congo, de promettre des vacances idylliques aux parents, pour l’enlever, le séquestrer et le vendre littéralement à des familles de pays nantis qui pour la plupart ignorent qu’elles sont complices, malgré elles, d’actes criminels.

Le tout sans que les mécanismes de contrôle et de suivi ne sourcillent !

Le phénomène n’est pas limité à la Communauté française, tant s’en faut; la Flandre vient de mener son enquête (confiée à un collège d’experts) et s’est demandée si elle ne devait pas décréter un moratoire sur l’adoption internationale pour au moins deux ans (on n’imaginait pas être aussi près de l’actualité en publiant ce numéro maintenant). Les Pays-Bas et la Suisse ont eu leur commission parlementaire et prennent des mesures drastiques. En France, une pétition a récolté plus de 35.000 signatures pour demander une enquête parlementaire.

Une résolution a été déposée au Parlement fédéral, qui demande la mise en place d’une commission parlementaire à ce niveau aussi. Et à notre sens, il n’y a aucune raison que la Fédération Wallonie-Bruxelles échappe à cet examen de conscience. Pas pour faire la chasse aux sorcières, c’est le rôle de la Justice. Mais pour faire toute la lumière sur des faits anciens qui laissent des traces indélébiles aujourd’hui, et les faits les plus récents.

Pour comprendre pourquoi les réglementations qui se sont multipliées n’ont pas pu endiguer ce problème véritablement endémique. On sait, le terrain est politiquement miné, puisque tous les ministres qui ont géré la matière au moins sur les trois dernières législations (avant l’actuelle), ont soutenu l’adoption d’enfants du Congo, et que l’administration, laissons-lui le bénéfice du doute, a été d’un aveuglement incompréhensible.

Nous devons ça aux enfants victimes, aux familles adoptives sans oublier les familles d’origine. Et pour s’assurer que ça ne puisse d’aucune façon se reproduire.

Nous exigeons donc du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de mettre en place une commission d’enquête parlementaire à l’instar de ce qui est demandé au fédéral. Au plus vite, au mieux !

Benoit Van Keirsbilck et Alexandra Roelandt