LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Alexandra Roelandt et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°406

De toute évidence,il n’y a rien de mal à cela !

Difficile de ne pas revenir sur le passage fracassant de Viktor Orban lors du dernier sommet européen. Le Premier ministre, qui fut pourtant libéral, n’a pas hésité à défendre une loi hongroise récemment votée portant atteinte aux droits des personnes LGBTQI+.

Ce texte, qui amalgame honteusement l’homosexualité et la pédophilie, vise à bannir de l’espace public tout support, écrit ou oral, «promouvant l’homosexualité» ainsi que «la déviation de l’identité de genre et le changement de sexe», notamment auprès des jeunes.

Le même Viktor Orban entend donner le monopole de l’éducation sexuelle à la sphère familiale, comme si tous les parents étaient bien positionnés ou bien outillés pour aborder tous les aspects de cette question avec leur enfant et comme si ce n’était pas une responsabilité globale de l’ensemble de la société.

Même si l’Union a vivement réagi et menacé la Hongrie de sanctions (1), ce qui témoigne de l’émotion heureusement suscitée par ce genre de dérives, celle-ci n’est pas un acte isolé. La Turquie en est un parfait exemple, puisqu’elle n’a pas hésité à dénoncer la Convention d’Istanbul, un instrument pourtant fondamental à la promotion du respect des droits humains et la lutte contre les violences faites aux femmes, considérant que le texte «menace les valeurs familiales» et «normalise l’homosexualité».

Nouvel exemple, parmi tant d’autres, que les droits ne sont jamais définitivement acquis, mais restent des combats permanents.

Plus globalement, chez nous aussi, il faut reconnaître que le machisme reste ancré dans la culture et les stéréotypes de genre continuent à être largement diffusés. Internet est bien souvent la principale source d’information et «d’éducation» des jeunes, alors qu’il montre une image souvent bien pauvre, très stéréotypée et déshumanisante de la sexualité, véhiculant les pires horreurs, les préjugés, la violence, la domination, l’inégalité, l’homophobie où la notion de respect de soi et de l’autre est trop rarement présente.

Il est indispensable de continuer à identifier et déconstruire ces informations et favoriser une éducation à la vie affective et sexuelle, à partir d’un jeune âge (adaptée au stade de développement) et bien sûr aborder la délicate question du consentement, qui doit être rappelée encore et encore.

Pourtant, comme le rappelle le Conseil de l’Europe, «Une éducation sexuelle complète protège les enfants et contribue à rendre la société plus sûre et inclusive» (2). Ce qui implique de reconnaître que la sexualité fait partie intégrante de la vie et que les enfants et les jeunes ont le droit de recevoir des informations fiables, scientifiques et complètes dans ce domaine en évitant qu’elles ne traitent uniquement de la biologie et de la reproduction, mais permettent véritablement aux enfants de connaître leur corps et leurs droits et de s’informer sur l’égalité de genre, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les relations saines.

Comme le rappelle Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, «L’éducation sexuelle permet en effet d’apprendre à connaître ses droits et à respecter ceux d’autrui, à protéger sa santé et à adopter une attitude constructive à l’égard des questions sexuelles et relationnelles. Elle permet aussi d’acquérir des compétences utiles dans tous les domaines de la vie, telles que la confiance en soi, l’esprit critique et la capacité à prendre des décisions éclairées. De toute évidence, il n’y a rien de mal à cela.» (3)

Alexandra Roelandt et Benoit Van Keirsbilck


(1) «Parler c’est bien, agir c’est mieux», carte blanche initiée par différents professeurs d’université, — Le Soir « Droits des LGBTQIA+ en Hongrie : après les paroles, les actes ? », 25 juin 2021
(2) Une éducation sexuelle complète protège les enfants et contribue à rendre la société plus sûre et inclusive
(3) Site du Conseil de l’Europe, op. cit.