LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton dans le JDJ N°396

Le covid ne discrimine pas, lui

Les taux de contaminations au covid-19 jouent au yo-yo et les autorités continuent à tâtonner pour trouver les bonnes réponses et surtout pour communiquer un tant soit peu clairement leurs décisions.

Alors que notre bulle sociale a été bien allégée, on parle du cas «Bruxelles» sur le plateau du journal télévisé de la RTBF. Le docteur Kenneth Coenye, médecin en chef de la clinique Saint-Jean à Bruxelles, est l’invité spécial du 13h (1). On apprend que les cas testés positifs dans le centre de Bruxelles sont dix fois plus nombreux que fin juin (sans trop de détails qui permettraient de savoir dans quelle mesure ces chiffres sont comparables), la situation serait similaire à Anderlecht, mais le taux serait plus bas à Uccle ou Woluwe.

Ceci s’expliquerait par le «mode de vie différent» dans le centre-ville, plus densément peuplé et où les jeunes sont beaucoup plus dans la rue…

L’interview pourrait s’arrêter là, mais l’occasion de faire quelques amalgames est trop belle et la présentatrice Ophélie Fontana ne manque pas de la saisir : «Justement, dans les cas positifs que vous constatez, est-ce qu’il y a une population plus qu’une autre qui est touchée aujourd’hui ?». Ce à quoi l’invité répondra pêle-mêle : que la population de la Clinique est propre à sa région et en grande partie issue de l’immigration, que «quand on compare à d’autres communes plus en périphérie de Bruxelles, on peut dire qu’il y a peut-être un lien avec la population issue de l’immigration», qu’il est imposé de faire un test PCR si on veut visiter sa famille au Maroc et donc, «dans cette population-là, on a vu pas mal de positifs effectivement».

Pas de statistiques, pas d’étude, pas de chiffres circonstanciés. On pointe du doigt «une population issue de l’immigration», sans trop d’explication, en faisant des raccourcis qui ne valent pas tripette. Un bel exemple de racisme sur le plateau d’un service public. Quelle violence ! La RTBF a pour mission première «de confirmer et certifier une information avant de l’expliquer et de la mettre en perspective en plaçant l’investigation au coeur de sa démarche»; c’est du moins ce que l’on peut lire sur son site internet. Faudrait-il le lui rappeler ?

Les mesures adoptées face au coronavirus auront certes porté un coup non négligeable à nos libertés et droits fondamentaux : le droit de se rassembler, de manifester, de se rendre dans son lieu de culte, le droit au respect de la vie privée et familiale, etc. Rappelons cependant – puisque cela semble nécessaire – que toute forme de discrimination reste illégale et va à l’encontre de notre Constitution.

Pointer du doigt des boucs-émissaires n’aidera en rien à traverser cette crise. Cherchons plutôt des solutions constructives. Exemple récent : à l’initiative d’un animateur de la plate-forme Tarmac, une dizaine de jeunes bruxellois bilingues a intégré pour quelques jours les équipes de prévention de la commune de Blankenberge afin de vérifier le respect des mesures de sécurité et de jouer le rôle de médiateurs (2).

Florence Bourton


(1) Journal télévisé du 30/07/2020 : https://www.rtbf.be/auvio/detail_l-avis-de-dr-kenneth-coenye-de-la-clinique-saint-jeanbruxelles? id=2663819
(2) http://www.vivreici.be/article/detail_des-jeunes-bruxellois-viennent-a-blankenberge-pour-promouvoir-le-dialogue-avecles- vacanciers?id=446880