LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°378

On est tombés bien bas

La première famille qui a eu l’insigne honneur d’inaugurer les unités familiales du centre fermé 127bis situé à deux pas des pistes de l’aéroport national a tenté, comme elle en a la possibilité, de contester la mesure devant les juridictions belges. Cette démarche s’est soldée par plusieurs décisions négatives, totalement insatisfaisantes, puisqu’elles n’ont pas permis de vider le fond de la question, c’est-à-dire à permettre un contrôle tant de la légalité que de l’opportunité de la détention d’une jeune mère de famille et de ses quatre enfants nés et ayant toujours vécu en Belgique.

En effet, en appel, la chambre des mises en accusation d’Anvers a statué… le lendemain de la «libération» de cette famille en constatant que la mesure d’enfermement avait pris fin et donc que le recours était devenu sans objet (alors qu’elle avait été orientée vers les «maisons retours» qui ne sont, sur le plan juridique, rien d’autre que de la détention).

Les juges de ces juridictions d’instruction n’ont évidemment pas entendu les enfants et ne se sont pas posé la question de leur intérêt supérieur.

Faisant une affaire de principe et manifestement personnelle de ce dossier, le secrétaire d’État en charge de la migration s’est empressé, une nouvelle fois, de faire arrêter cette famille pour la renvoyer au centre fermé quitté trois jours plus tôt sans nouvelle décision susceptible d’être contestée devant les tribunaux.

Face à des recours nationaux pour le moins inefficaces et ineffectifs, cette maman et ses enfants se sont tournés vers le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui est devenu compétent, depuis 2014, pour recevoir des «plaintes individuelles» d’enfants qui estiment que leurs droits ont été violés et que les procédures domestiques ne leur ont pas donné satisfaction.

Le Comité, qui remplit un rôle «quasi-juridictionnel» (comme un tribunal), a ordonné des mesures provisoires en demandant à l’État belge de libérer immédiatement cette famille.

On connaît la suite : l’Office des étrangers a répondu du tac au tac que ce Comité n’était pas compétent (sic) et que la famille n’allait pas être libérée.

Grotesque ! Du côté du Gouvernement, silence radio, personne n’a remis en cause la décision de l’Office.

Cette position gravissime dépasse largement ce cas individuel. En ratifiant la Convention, la Belgique s’est engagée, sans la moindre équivoque, à se soumettre aux décisions du Comité, y compris celles qui ordonnent des mesures provisoires. Le non-respect d’une mesure provisoire constitue une violation du droit international engageant la responsabilité internationale de la Belgique.

Bien plus, c’est la crédibilité même de la Belgique sur la plan international qui est remise en cause au moment où elle va entamer un mandat au Conseil de sécurité. Comment demander à un autre pays de respecter des résolutions des Nations unies quand on leur accorde soi-même tellement peu de cas ? Il ne faudra pas s’étonner que l’on nous rie au nez, nous l’aurons bien mérité !

Seul un sursaut de dignité pourrait nous permettre de recouvrer un semblant d’honneur : le rapatriement immédiat et inconditionnel de la famille expulsée, assorti d’excuses à son égard et à l’attention des Nations unies.

Benoit Van Keirsbilck