LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°325

C.R.G. ? Kesako ?

La Concertation restauratrice en groupe (CRG), derrière un nom peu explicite pour le grand public mais aussi pour un certain nombre de professionnels du secteur, est une des nombreuses mesures que le juge de la jeunesse peut proposer à un jeune soupçonné d’avoir commis un «fait qualifié infraction».

Introduite dans la loi en 2006 en même temps que la médiation auteur-victime, dont elle est un prolongement, après qu’elle fut expérimentée en Flandre et de manière plus limitée en Communauté française, la CRG reste peu usitée; or, si on en croit les intervenants qui la mettent en œuvre, elle recèle un potentiel intéressant à côté duquel il serait dommage de passer.

Pourtant, lors de son introduction, elle a suscité débats et discussions très critiques, singulièrement auprès d’un nombre important de SPEP (services de prestations éducatives et philanthropiques), ces services qui sont chargés de leur mise en œuvre, au point d’accentuer la fracture idéologique qui divise ces services, lesquels se sont d’ailleurs déchirés en deux fédérations.

La ministre Fonck aura dû imposer aux SPEP la mise en œuvre de la médiation et de la concertation restauratrice en éc hange de moyens supplémentaires; et plusieurs services ne s’en sont toujours pas remis, leurs réticences étant d’ailleurs pointées comme une des causes du peu de succès de la mesure.

Avec le recul, il faut saluer les services qui ont pris le risque d’innover et de tester de nouvelles réponses à la délinquance juvénile. Certes, les principes qui étaient invoqués pour résister à leur mise en œuvre ne manquaient pas de pertinence; s’ils devaient être intégrés dans la réflexion et être dûment pris en compte pour l’évaluation des mesures, ils ne pouvaient néanmoins constituer un frein absolu à l’innovation.

C’est d’ailleurs une des «marques de fabrique» du droit de la jeunesse en Belgique (mais aussi dans bon nombre de pays) : on cherche depuis plus d’un siècle des réponses plus adaptées aux transgressions commises par les mineurs (et parfois, on redécouvre des mesures «ancestrales» ou utilisées par d’autres cultures pour les remettre au goût du jour ou à notre sauce).

Une chose est certaine, on ne trouvera jamais la solution miracle et on n’éradiquera pas la délinquance des jeunes (ceux qui ont cet objectif en tête sont dangereux). Mais il faut continuer à innover, à s’adapter, à tester, à se tromper parfois et aussi (surtout ?) à évaluer.

On a la chance, je dis bien la chance, de n’avoir pas en Belgique, comme dans de trop nombreux pays, un droit pénal des mineurs qui n’est qu’une manière édulcorée d’appliquer aux jeunes des recettes qui ont démontré leur dangerosité pour les adultes. Même si le système n’est pas parfait, loin s’en faut, il est fondamental d’en conserver les fondements : une approche qui voit l’enfant dans sa globalité, qui parie sur une capacité de changement (du jeune, bien sûr, mais aussi de son entourage !), qui donne la primauté à l’éducatif et qui vise d’abord et avant tout la réinsertion du jeune dans la société. En l’espèce, c’est le cas de la CRG qui donne aussi une place à la victime. Ce serait dommage de ne pas lui donner une chance réelle de faire ses preuves.