LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°324

Le politique a ses raisons que la raison des citoyens ignore

On ne reviendra pas ici sur les nombreuses critiques (dont le JDJ se fait l’écho dans le numéro 324 (1)) suscitées par le projet de loi relatif aux sanctions administratives communales (SAC), qui émanent de personnes, organisations et institutions très diverses qu’on ne peut mettre dans un même sac estampillé «gauchistes-râleurs-permanents-doux-rêveurs-bien-pensants».

Les critiques n’étant à première vue pas totalement dénuées d’un certain fondement, il revenait à la Ministre d’essayer d’y répondre, sauf à considérer que l’accord de Gouvernement lui offre un joker l’autorisant à ne point s’expliquer.

Or, de réponses argumentées aux critiques, il n’en fut pratiquement pas question ; la ministre de l’Intérieur, qui entend appliquer avec un zèle et une méticulosité toute particulière l’accord de gouvernement, s’est contentée d’une accusation suprême en direction des opposants aux SAC.

«Les voix qui s’élèvent actuellement sont-elles contre le respect des règles et des autres membres de notre société ? Contre des sanctions face aux injures, aux coups, aux dégradations de l’environnement, etc. ? Ces faits devraient-ils rester impunis ? C’est cela que certains critiquent ? ».

C’est donc ça ! Ceux qui sont contre les SAC sont partisans d’un laisser faire (voire, avec une petite dose de mauvaise foi en plus - on ne va pas s’arrêter en si bon chemin - les encouragent ?).

En d’autres mots, ils sont pour l’impunité. Madame Milquet, cet argument est minable et votre réponse lamentable.

Ce que disent vos opposants, Madame la Ministre, c’est qu’il y a des procédures, des institutions, des services, qui existent et fonctionnent depuis des années, qui ont acquis expérience et savoir-faire, dont la mission est de réagir de manière éducative aux faits qualifiés infractions commis par des jeunes (de moins de 18 ans), et qu’il conviendrait de mieux faire fonctionner cette justice-là plutôt que de créer un nouveau système de justice parallèle, avec des petit sheriffs incontrôlables appliquant des règles différentes dans chaque commune.

Ce que disent vos opposants, Madame la Ministre, c’est qu’il est parfois inutile de sortir la grosse artillerie pour des broutilles (voir la Ville de Bruxelles qui va jusqu’à la Cour de cassation pour un pipi contre un arbre dans un parc !); qu’il est préférable, dans nombre de cas, qu’un adulte réagisse de manière ferme, mais éducative plutôt que de voir un fonctionnaire sanctionnateur, qui se prend déjà pour un super juge (voir l’interview de Bertrand de Buisseret dans le JDJ N°324), sortir son carnet de PV et son bic rouge.


(1) Voir également l’article de Thierry Moreau : «Les mineurs et l’avant-projet de loi relatif aux sanctions administratives communales visant à lutter contre les incivilités», dans le JDJ n° 323, mars 2013, p. 27.