LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°326

Embastillons les mères !

Il y a de quoi se réjouir que le Parlement belge s’appuie sur les recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies (chargé, comme on le sait, d’interpréter la Convention et d’en vérifier l’application dans les pays qui l’ont ratifi ée) pour proposer une nouvelle législation.

Encore faudrait-il que le même zèle soit consacré à la mise en oeuvre de toutes les recommandations qui nous sont adressées; la Convention n’est pas un texte qu’on applique à la carte, selon le bon vouloir du moment.

Et aussi, et surtout, que la référence à ces recommandations soit utilisée de manière pertinente et honnête. Ce n’est malheureusement pas le cas du projet de loi déposée par Mme Defraigne et consorts, visant à pénaliser la mendicité de parents avec leurs enfants.

Entendons-nous bien, l’exploitation d’enfants pour mendier est déjà réprimée par la loi, seule une mise en oeuvre adéquate manque. Par contre, la mendicité d’adultes avec des enfants, typiquement des mères d’origine Rom qui mendient en tenant leur enfant dans les bras, n’est pas un délit et ne peut donc pas faire l’objet de sanctions pénales (comme l’avait rappelé la Cour d’appel de Bruxelles par son arrêt du 26 mai 2010).

Dès lors, il est pour le moins abusif de justifier une pénalisation de ce comportement (sanctionné par une peine de 1 à 5 ans de prison et une amende de 3.000 à 300.000 euros) parce que le Comité avait, maladroitement convenons-en, exprimé sa préoccupation et recommandé «d’interdire expressément l’utilisation d’enfants pour mendier dans la rue, que les adultes concernés soient ou non des parents».

La pénalisation de la pauvreté, appelons les choses par leur nom, provoque de graves et nombreuses violations des droits de l’enfant : séparation des enfants d’avec leur mère (ou bien placement d’un enfant en prison avec sa mère), atteinte à son droit d’être élevé par ses parents, à son droit à la survie et au développement,...

Il faut tout faire pour aider ces enfants, les sortir de ce cycle de pauvreté, de discrimination et d’exclusion, mais en respectant leur
dignité et leurs droits. Faute d’avoir pu convaincre les auteurs de ce projet de loi de leur erreur fondamentale, divers acteurs des droits de l’enfant ont interpellé le Comité des droits de l’enfant de l’ONU pour s’enquérir de son interprétation de cette recommandation au regard du projet de loi.

La réponse ne se sera pas fait attendre: le Comité confirme que bien entendu, il n’entrait pas dans ses intentions de demander à la Belgique d’embastiller des mères de familles à qui on interdit par ailleurs toute perspective de subsistance : refus de séjour, d’aide sociale, du droit au travail.

Reste à voir si le Parlement en tiendra compte. À défaut, il faudra attendre le prochain passage de la Belgique devant le Comité, au plus tôt en 2017, pour que celui-ci fasse état de sa «grande préoccupation» et demande à la Belgique de revoir sa législation.

En attendant, cette loi aura provoqué son lot de dégâts.