LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton dans le JDJ N°323

La police mise en observation

2.405 en 2009, 2.451 en 2010, 2.688 en 2011(1) : le nombre de plaintes pour violences policières adressées au Comité P n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Elles font écho aux sordides histoires qui émergent par intermittence dans les médias, du tabassage en règle de militants dans des manifestations alter-mondialistes ou antifacistes, à la pêche aléatoire à laquelle se livrent certains flics dans les quartiers immigrés de Bruxelles, dont les six zones de police ont d’ailleurs le triste privilège de figurer en tête du hit parade du nombre de plaintes(2).

L’affaire Jonathan Jacob, ce jeune homme déséquilibré qui a succombé à la folie meurtrière de policiers dans une cellule de Mortsel, est depuis venue s’ajouter à ce triste catalogue. La Belgique a alors réalisé avec effroi que cette violence pouvait être sans limites.

Si ces histoires nous ouvrent les yeux, elles sont pourtant loin de dire toute l’ampleur du phénomène. De nombreuses victimes ne portent en effet jamais plainte. Parfois parce qu’elles ont honte de dévoiler les circonstances dans lesquels les faits se sont déroulés. Parfois aussi parce qu’elles ont intégré à l’avance l’idée que des poursuites ne mèneront à rien ou pire, qu’elles risquent de se retourner contre eux.

Pour se protéger, les policiers déposent en effet souvent plainte à leur tour pour rébellion et coups portés à la police. Dans la majorité des cas, les plaintes des victimes n’aboutissent donc pas, ce qui alimente un fort sentiment d’impunité.

La Ligue des Droits de l’Homme vient de lancer une excellente initiative qui devrait permettre de mieux prendre la mesure du problème et lui donner plus de visibilité. www.obspol.be est un observatoire en ligne des violences policières, où les victimes et les témoins de bavure peuvent raconter leur histoire, « en restant honnêtes et sincères et en n’exagérant pas la violence subie ».

S’il ne garantit pas une aide individuelle pour tous les témoins, ce projet peut peser sur le pouvoir politique afin qu’il s’empare sérieusement du problème. Notamment en créant un organe de contrôle indépendant, qui ne soit pas, à l’instar du Comité P, uniquement composé de policiers. En 2010, le Comité des droits de l’homme des Nations unies avait en effet fait part de ses préoccupations concernant « l’indépendance, l’objectivité et la transparence du Comité P dans le traitement des plaintes qui concernent des fonctionnaires de police »(3).

Alors, que ceux qui sont restés jusqu’ici dans le silence n’hésitent plus : à vos claviers !

 

(1) Des chiffres qui sont loin de refléter le nombre réel de plaignants, puisque depuis 2011, certains d’entre eux sont réunis dans un même dossier.
(2) Dans un article publié dans M0* le 25 avril dernier, le journaliste John Vandaele se livre à un inventaire qui fait froid dans le dos. ‘Zeg dat je een makaak bent of ik sla harder’, à lire sur www.mo.be
(3) Observations fitales du Comité des droits de l’homme sur la Belgique, Genève, octobre 2010. Voir www2.ohchr.org