LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°314

Les jeunes bientôt «interdits de rue ?»

Le détricotage de la loi de 65 sur la protection de la jeunesse continue.

Cette fois, c’est la nouvelle Ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH), qui a déposé un projet de loi, visant à diminuer de 16 à 14 ans, l’âge à partir duquel un jeune pourrait être poursuivi par les agents sanctionnateurs communaux en cas de nuisances ou incivilités.

Ce changement d’âge figurait déjà dans la déclaration gouvernementale et plusieurs parlementaires ont déposé une proposition de loi allant dans ce sens.

Nous avons déjà eu l’occasion d’exposer tout le mal que l’on pense du principe même de cette loi qui soustrait les jeunes «inciviques» de leur «juge naturel» qui est le juge de la jeunesse. En outre, le terme «nuisances» permet des interprétations très variables et recouvre des définitions fort différentes d’une commune à l’autre (selon les lieux, des faits tels que porter une burqa, cracher et uriner en rue, être sans abri, mendier, jouer de la musique dans les transports en commun, traîner en rue font leur apparition dans les règlements de police en tant que faits punissables à côté des plus «classiques» bandes de jeunes en rue ou dans les parcs récréatifs, vols à l’étalage, injures).

On ne voit pas très bien ce qu’une amende (de 125 € maximum, mais ce montant pourrait augmenter) peut avoir d’éducatif. Quant à la médiation, obligatoire pour les mineurs, ou le travail d’intérêt général, ils sont réalisés sans encadrement spécialisé, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives.

Une nouvelle sanction est d’ailleurs apparue dans le projet en cours d’élaboration par le Cabinet Milquet : l’«interdiction de rue» ! Le fait que le Conseil d’État ait annulé le règlement d’Anvers qui la prévoyait n’a pas l’air de freiner notre nouvelle Ministre de la répression. Rien ne freine non plus les parlementaires qui rivalisent d’imagination pour proposer tout et n’importe quoi : sanctionner l’absentéisme scolaire (non défini, bien sûr) par des amendes administratives dont on augmenterait le montant (le MR propose d’aller jusqu’à 500 € en cas de récidive), augmenter le nombre de fonctionnaires sanctionnateurs,…

Les communes, à la veille des élections communales, sont demandeuses de cette extension de la possibilité de pouvoir imposer ces sanctions. Et les jeunes sont la première cible clairement identifiée de ces politiques. Ce qui fait dire à Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant, Bruno Vanobbergen, son homologue flamand, Alexis Desweaf, Président de la Ligue des droits de Homme, Denis Lambert, directeur de la Ligue des familles, ainsi qu’à Frédérique Van Houcke de la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) que «nous risquons de franchir un nouveau pas dans la stigmatisation de “la jeunesse d’aujourd’hui”». Quand on lit les motivations des auteurs des différentes propositions, nul doute que ce pas est largement franchi.

Vous prendrez encore bien une tranche de répressif, messieurs-dames ?