LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°313

Maltraitance : quand le meilleur côtoie le pire

Les dernières campagnes orchestrées par Child Focus, dont le «chat» anonyme pour les enfants victimes d'abus sexuel et la campagne choc sur la pédopornographie, ont suscité des réactions généralement très critiques de la part d'acteurs de terrain, actifs dans le domaine de l'enfance et de la lutte contre la maltraitance. Fait nouveau, ces critiques ont été largement relayées par la presse, par des Parlementaires et par des Ministres.

Les principaux reproches touchent à l'absence de concertation avec les acteurs de terrain et de surfer sur la peur pour faire passer un message anxiogène (1).

La récente campagne est sidérante : elle met en scène des «stars» du porno qui débitent un slogan contre la pédopornographie qui ne serait pas du porno.

Il ne s'agit pas ici de jouer les vierges effarouchées en s'écriant «cachez moi ce sein que je ne saurais voir». Il s'agit de questionner les objectifs et moyens utilisés pour lutter contre ce phénomène et les effets pervers provoqués par cette campagne. En donnant la parole à ces personnages, on les transforme en nouveaux défenseurs des droits de l'enfant (on croit rêver !), les érigeant comme modèle à suivre en oubliant que le porno est sans doute la principale école du sexe pour un certain nombre de jeunes qui la prennent pour la norme en la matière.

Faire l'apologie du porno pour un service qui prétend défendre les droits de l'enfant est une approche pour le moins particulière.

En l'espèce, il s’agit, ni plus ni moins d’un « coup de marketing » à la Benetton, qui vise à choquer et à faire parler de la «marque» qui vend un «produit». La lutte contre la pédopornographie est donc un produit comme un autre, qu’on peut vendre avec des moyens marketings purs et durs. On est dans la surenchère gratuite qui joue sur le fait que nombre d'acteurs vont nécessairement réagir et donc augmenter le «buzz». À cet égard, cette campagne est une réussite incontestable. Tout ceci au détriment du fond du problème.

Or, la lutte contre la pédopornographie est d'abord et avant tout une affaire policière. Il s'agit de crimes abjects que les instances pénales doivent poursuivre avec détermination et des moyens informatiques et d'enquête sophistiqués. Demande-t-on à Dodo la Saumure de dénoncer les clients des prostituées mineures qui «travaillent» «volontairement» dans ses établissements ?

La vraie question ici est qui décide au sein de cette «fondation d'utilité publique» et qui contrôle son action. Elle bénéfi cie de fonds publics dont l'utilisation doit bien entendu être contrôlée. Sa Présidente d'Honneur et son comité de vigilance approuvent-ils ces campagnes et actions ?

La réaction des pouvoirs publics et des acteurs de terrain montre en tous cas que cette institution est loin de faire l'unanimité.


(1) Ceci a été dénoncé par un collectif de signataires dans une carte blanche publiée dans Le Soir du 23/02/2012 : « Child Focus ou le business de la peur».