LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°281

Nul ne doit contribuer à sa propre incrimination

L'arrêt du 27 novembre 2008 de la Cour européenne des droits de l'Homme dans l'affaire Salduz contre la Turquie, que nous reproduisons in-extenso dans les pages du JDJ de janvier, devrait faire l'effet d'une petite bombe.

Il considère, ni plus ni moins, que l'exigence de procès équitable comprise dans l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique «normalement que le prévenu puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police». Il faudrait donc que dès l'arrestation, quand une personne est interrogée, elle puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat.

La Cour justifie cela par la précarité et la vulnérabilité dans laquelle se trouve généralement une personne à ce stade de la procédure, vulnérabilité particulière qui ne peut être généralement compensée de manière adéquate que par l'assistance d'un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s'incriminer lui-même.

La Cour va même plus loin : «Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu'elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d'un interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation».

La Belgique serait un des seuls pays d'Europe qui n'offrirait pas la possibilité d'être assisté par un avocat à ce stade de la procédure.

Avec un tel arrêt, il lui reviendra de se doter d'une réglementation organisant concrètement le recours à un avocat au stade de l'interrogatoire à la Police. Mais cela implique aussi que les barreaux eux-mêmes s'organisent pour garantir que ce droit soit effectif, notamment par l'organisation de permanences dans les plus importants commissariats de police ou accessibles très rapidement.

À défaut, la Belgique pourrait être mise sur le même pied que la Turquie, s'agissant des droits garantis aux personnes arrêtées.

La phrase souvent entendue dans les séries télévisées pourrait devenir réalité chez nous: «je ne dirai rien hors la présence de mon avocat».