LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°280

Communication des rapports : là où le bât blesse

L'accès au dossier du conseiller et directeur pose problème, aussi loin que l'article 11 du décret relatif à l'aide à la jeunesse existe. Dans sa version initiale, jamais entrée en vigueur, l'accès au dossier était très large. Qu'à cela ne tienne, considérait-on, l'article 32 de la Constitution, garantissant l'accès aux documents administratifs - non seulement la consultation mais aussi le droit de s'en faire remettre une copie -, se suffit à lui-même et permet un accès très large au dossier.

La version modifiée de l'article 11, en vigueur actuellement, avait été attaquée devant la Cour constitutionnelle qui n'avait manifestement pas compris (ou trop bien ?) la logique de fonctionnement du décret du 4/03/91, puisqu'elle considérait, en substance, qu'à défaut d'avoir accès au dossier chez le conseiller, les intéressés pouvaient judiciariser la situation et avoir un accès complet au Tribunal de la jeunesse. C'est un des paradoxes actuels : l'accès au dossier est plus limité (et plus cher !) chez le conseiller/directeur qu'au tribunal.

La démonstration de Michel Noël (1) de la direction générale de l'aide à la jeunesse, ne convainc pas, qui considère que «l'instance de décision doit aussi être le seul destinataire de ces rapports» pour justifier que les services mandatés ne puissent pas communiquer une copie de leurs rapports aux principaux concernés. Il ajoute : « Tenter d'éluder ce principe de base affirmant par exemple que cette même réglementation n'interdit pas d'autres destinataires, serait lui «faire un mauvais procès», précise-t-il.

Nous n'hésiterons pas, pour notre part, à faire ce mauvais procès et à invoquer l'adage « tout ce qui n'est pas formellement interdit, est permis ».

Si les autorités avaient voulu interdire aux services d'envoyer leurs rapports aux intéressés, ils auraient dû le prévoir explicitement dans les textes réglementaires. Elles ne l'ont pas fait.

Bien plus, nombre de services ont été agréés sur la base d'un projet pédagogique qui prévoit explicitement que le rapport est communiqué aux intéressés, faisant de « la lecture directe par les parents et les enfants des écrits les concernant permet de faire de l'écrit professionnel, (…) non plus seulement un document d'aide à la décision du magistrat ou de compte rendu de l'intervention, mais bien aussi un outil simple et efficace au service de la promotion et de la protection du bien-être des enfants » (2).

Il ne faut pas perdre de vue la finalité éducative et pédagogique de l'ensemble du dispositi : « Le rapport est un vecteur important de communication entre les différents acteurs dans un processus d'aide et d'intervention » rappelle Christian Defays (3)

S'agissant des avocats, ils réclament un accès facilité au dossier (4), non pas pour eux-mêmes, mais pour garantir une meilleure défense et assistance de leurs clients. Michel Noël estime qu'il « suffirait de convenir de modalités pratiques avec les SAJ mais surtout les SPJ pour garantir une information régulière et permanente des avocats (…). C'est une pratique de saine collaboration qui est déjà en vigueur dans plusieurs arrondissements». Fort bien, mais c'est oublier que dans nombre d'arrondissements, les avocats sont « persona non grata » et que rien n'est fait (c'est un euphémisme !) pour leur faciliter leur travail.

On nous rétorque souvent que les intéressés eux-mêmes ne demandent pas à voir leur dossier. Mais sont-ils seulement informés de ce droit ? Notre expérience nous amène à penser que non.

Un véritable changement de logique d'intervention est attendu.


(1) Voyez JDJ N° 280, page 6.
(2) Voyez : Alain Grevot, " Du mythe à la simple réalité ", page 3 du JDJ N°280.
(3) Voyez ce numéro, page 8 du JDJ N°280.
(4) Voyez l'article de par Florence Jadoul et Virginie Luise dans le JDJ N°280, page 11.