LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°265

Moyens et volonté

L'union francophone des magistrats de la jeunesse (UFMJ) manifeste contre le manque structurel de moyens dans le secteur de l'aide et de la protection de la jeunesse.
Le malaise est réel et incontestable. On ne doute pas un seul instant des difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les juges de la jeunesse et leur frustration de devoir prendre une mesure inadaptée (ou pas de mesure du tout) par manque d'infrastructure correspondante.
Pour la première fois, à notre connaissance, le mot d'ordre de l'UFMJ ne vise pas uniquement à obtenir des moyens supplémentaires pour les mesures à disposition des juges de la jeunesse («nous ne demandons rien pour nous-mêmes») mais entend tirer un signal d'alarme concernant le secteur de l'aide et de la protection de la jeunesse, mais aussi en amont : enseignement, aide aux familles, dans les quartiers,…
Beau geste altruiste et désintéressé qui aura permis à de nombreux acteurs de s'associer à la manifestation.
Certains interviews qui ont suivi la manifestation sont cependant retombés dans les travers habituels : manque de place en IPPJ section fermée (et quasi rien d'autre).
D'autres revendications laissent pantois, telle la demande de pouvoir remettre les fugueurs qui n'ont commis aucun délit en centre fermé ou d'abaisser le seuil d'accès à ces centres pour pouvoir y (re ?) placer les «petits» délinquants. Cette question du manque de moyens laisse pourtant perplexe.
Certes, l'aide à la jeunesse a vécu, et vit toujours en grande partie, des années de vaches maigres; certes, la Communauté française est en permanence désargentée.
Mais la Ministre Fonck pointe très justement que son budget a sensiblement augmenté et que globalement, la capacité de la Communauté a augmenté de 900 mesures (avec une baisse importante du côté de l'hébergement et une augmentation d'autres types de prise en charge).
Au sein de la Communauté, vu le système d'enveloppe fermée, toute opération budgétaire entraîne des vases communiquants : l'argent investi dans l'aide à la jeunesse vient diminuer d'autres secteurs.
Si on regarde plus globalement, tous les niveaux de pouvoir se plaignent d'un manque de moyens pour remplir leurs missions. Catherine Fonck a beau jeu de railler ceux qui réclament la refédéralisation de la protection de la jeunesse (après avoir été la première à la réclamer) puisque le fédéral n'a pas les moyens d'humaniser les prisons.
La question des moyens est aussi, et avant tout, une question de priorités. La construction d'une nouvelle section fermée en IPPJ va coûter les yeux de la tête. Ce sera ceci en moins à investir dans d'autres secteurs. Les stages parentaux entraîneront aussi des frais importants, même s'ils viennent du fédéral.
On sait que le désinvestissement en amont (petite enfance, enseignement, aide sociale générale) a pour conséquence d'entraîner des besoins décuplés en aval (protection judiciaire, IPPJ, centres fermés,…). L'aide à la jeunesse est sans doute en partie en train de payer les années d'austérité du social et de l'enseignement qui auront laissé bon nombre de familles sur le carreau.
Un autre phénomène est aussi très marqué : il n'y aura jamais assez de moyens.

Quoiqu'on fasse, les investissements seront jugés insuffisants. L'augmentation du nombre de places fermées en quelques années en constitue l'illustration par excellence. Le double de places serait encore et toujours insuffisant.
Il n'y aura jamais de bonne solution. Il y a des choix de société à faire et à assumer. Et à expliquer ?