LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°242

Où il est question de courage politique

Rien d'étonnant à ce que le Ministre de l'Intérieur cherche son inspiration au Danemark plutôt qu'en Espagne. Le premier pays est dirigé par une coalition droite-extrême droite qui est parvenue à diminuer drastiquement, de manière encore plus significative que la Belgique (qui dans le genre, n'a pas mal fait non plus !) le nombre d'immigrants. Le second a vu la gauche revenir au pouvoir et envisage de régulariser entre 500.000 et 800.000 personnes.

Entre ces deux conceptions de la politique d'immigration, le Ministre a choisi et les candidats à l'exil doivent savoir que la Belgique n'entend plus être un pays accueillant et compréhensif à l'égard des causes des migrations.

Ce n'est pas fondamentalement neuf; c'est même une tendance de fond au niveau européen où le débat de créer des centres en dehors de l'Europe revient inlassablement.

Mais là où c'est neuf, c'est qu'on parle de plus en plus de lier la coopération au développement avec l'acceptation des reprises de réfugiés déboutés. Ainsi, si le Congo refuse encore de reprendre ses ressortissants, il pourrait être privé d'aide au développement. Si tel devait être le cas, la situation de ce pays ne risque pas de s'améliorer beaucoup et les gens auront toujours autant de raisons de le quitter (rappelons que la Belgique n'a toujours pas atteint le seuil mythique de 0,7 % de son PIB consacré à la coopération au développement; ça fait pourtant plusieurs décennies que cette perspective est annoncée comme un objectif à atteindre à court terme).

C'est en tous cas toujours la politique du bâton qui prévaut et on n'atteint pas les causes réelles de l'immigration mais ses effets. On sait aussi qu'en politique, la communication vaut souvent plus que le contenu.

Les seuls qui ont applaudi le voyage du Ministre de l'Intérieur au Danemark sont… les extrémistes flamands du Blok-Belang.

Il y a donc d'une part ce qui est fait ouvertement pour caresser une certaine frange de l'opinion publique. Il y a d'autre part ce qui se fait en catimini. Parce qu'une campagne de régularisation est en marche en Belgique. Campagne très réduite et limitée au niveau des bénéficiaires mais campagne quand même. Le Ministre l'a affirmé à une délégation du FAM (1) et le Directeur général de l'Office des étrangers l'a confirmé. L'information circule très rapidement comme il se doit (surtout auprès des personnes concernées) et elle est accessible sur plusieurs sites internet (2).

Pourtant le Ministre et son administration se refusent de mettre quoi que ce soit par écrit : il n'y aura pas de loi, d'arrêté ou de circulaire, on doit se contenter de promesses orales.

Pourquoi cette méthode ? D'abord, pour ne pas provoquer une levée de bouclier, essentiellement au nord (le Néo-Blok bien sûr, mais aussi le CD&V et certains membres du parti du Ministre de l'intérieur lui-même); ensuite, ça lui permet de nier : il n'a rien promis (au contraire, officiellement, il veut appliquer les méthodes danoises). Mais aussi (et surtout ?) pour ne s'enfermer dans aucune règle, aucun critère et décider ce qu'il veut sans devoir rendre des comptes.

Pour les intéressés, ça signifie l'incertitude et l'absence de sécurité juridique.

N'est-on pas en droit d'attendre du Ministre qu'il affirme clairement sa politique et surtout qu'il l'explique. Et c'est sans doute là le plus difficile puisque ça implique de faire preuve de pédagogie.


(1) Forum asile migration : voyez ce numéro, p. 18 et 19
(2) Voyez notamment le site du CIRE :www.cire.be; voyez aussi dans ce numéro, p. 18