"Ici et ailleurs" du JDJ N°340

Ségrégation scolaire et spatiale…

Bernard Delvaux et Eliz Serhadlioglu ont réalisé une étude intitulée : “Ségrégation scolaire en communautés française et flamande - La ségrégation scolaire, reflet déformé de la ségrégation urbaine. Différenciation des milieux de vie des enfants bruxellois ».

Elle porte sur les enfants qui résident ou sont scolarisés en région bruxelloise et qui fréquentent une école maternelle ou primaire dépendante des Communautés française ou flamande. Elle traite donc de deux systèmes éducatifs rarement analysés conjointement.

Sur la base de statistiques de 2008 à 2011, elle vise à comprendre la répartition des enfants entre des quartiers et écoles socialement différenciés.

…libre choix de l’école…

Elle compare la ségrégation au plan résidentiel et scolaire et questionne dans quelle mesure la première explique la seconde. La ségrégation spatiale répond à une double logique, socioéconomique et communautaire mais est moins accentuée que la ségrégation scolaire.

La cause principale de ce différentiel est à chercher du côté des mobilités spatiales et sociales des enfants domiciliés et scolarisés à Bruxelles.

…et mixité scolaire

Le libre choix permet en effet aux plus favorisés d’un quartier d’accéder à des écoles socialement plus favorisées que celles dans lesquelles s’inscrivent leurs voisins moins dotés en capitaux. Ces constats, qui s’écartent des analyses attribuant à la ségrégation résidentielle l’essentiel de la ségrégation scolaire, ouvrent des questions à propos des régulations à mettre en place pour favoriser davantage de mixité.

Mais ils questionnent aussi ce qui fonde les comportements vecteurs de ségrégation dans le chef des écoles et des familles, et plus fondamentalement les raisons qu’il y a à souhaiter davantage de mixité scolaire.

Voir : www.uclouvain.be/307046.html.

Un nouveau délégué général est appelé

Le mandat de Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant, prend fin. La procédure de renouvellement de son mandat a été lancée par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (publication de l’appel au Moniteur belge). Petit oubli : l’obligation de publier en même temps cet avis dans deux quotidiens nationaux (les citoyens ne liraient donc pas le Moniteur belge quotidiennement?) n’a pas été réalisée en même temps.

On annule donc tout et on recommence; les différents avis ayant été publiés, la procédure a pu reprendre normalement : audition par le Parlement (qui décidera de la manière de procéder en confiant éventuellement le soin à une commission indépendante de procéder à une première audition), envoi d’une liste au Gouvernement qui statuera. Le Délégué général en fonction brigue en tous cas un second mandat. Comme il est loin d’avoir démérité, on le verrait bien rempiler pour six ans.

Transmission du nom discriminante ?…

L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes demande à la Cour constitutionnelle l’annulation de la disposition de la loi sur la transmission du nom de famille, qui permet au père de disposer d’un droit de veto lorsque les parents ne parviennent pas à s’accorder sur le nom de leur enfant.

Cette disposition discrimine en effet les femmes. Pour rappel, cette loi laisse aux parents le choix du nom de famille de leur enfant : double nom, nom de la mère seulement ou celui du père seulement. S’ils ne parviennent pas à s’entendre ou s’ils n’effectuent aucun choix, l’enfant reçoit automatiquement le nom de famille du père.

…Alors, que faire ?

Il est temps que les femmes soient considérées comme l’égal des hommes et qu’elles aient, formellement et concrètement les mêmes droits qu’eux, a déclaré le directeur de l’Institut, Michel Pasteel-Bataille. L’Institut recommande d’utiliser automatiquement, en cas de désaccord ou en l’absence de choix, le double nom de famille avec une règle neutre pour définir l’ordre des deux noms. L’égalité des femmes et des hommes est inscrite dans la constitution belge depuis 2002. Il reste encore du travail pour qu’elle soit e? ective dans tous les domaines.

Quels défis…

Pour le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Mr. Nils Muižnieks, il y a quatre domaines dans lesquels les Etats membres peuvent et doivent mieux garantir le respect des droits de l’enfant : le placement d’enfants migrants en détention sur la seule base de leur situation ou celle de leurs parents (en rappelant que leur rétention a des effets préjudiciables à long terme sur les enfants et compromet leur bien-être et leur développement physique et psychologique), l’exclusion de nombreux enfants, notamment des enfants roms et des enfants handicapés, du système éducatif général (ils sont maintenus à l’écart, dans des écoles spéciales ou des classes de rattrapage, et n’ont guère de perspectives d’intégration dans les filières ordinaires), l’apatridie des enfants (qu’ils “héritent” parfois de leurs parents) et de manière générale la pauvreté et l’exclusion sociale (28 % des enfants sont exposés au risque de pauvreté et d’exclusion sociale dans l’UE).

…en matière de droits de l’enfant

Mis à part la question de la détention pour raisons de migration où la situation s’est améliorée ces dernières années (sans pour autant être parfaite et le risque de régression existe bel et bien), les trois autres priorités sont aussi valables pour la Belgique. Que notre pays soit incapable de faire mieux que la Grèce, la Roumanie ou l’Italie, frappés de plein fouet par les mesures d’austérité, est un sérieux avertissement (surtout au regard des mesures d’austérité annoncées)!

La T.V.A. sur les honoraires d’avocats…

En juillet 2013, l’Etat belge a décidé de soumettre les services d’avocats à une T.V.A. de 21% (motifs : raison budgétaire et harmonisation europénne).

Cette mesure a été prise dans un contexte général de dégradation des conditions d’accès à la justice, et de son fonctionnement. Plusieurs organisations ont saisi la Cour constitutionnelle, estimant que la mesure porte atteinte aux droits fondamentaux et crée une discrimination grave entre les justiciables assujettis à la T.V.A. (sociétés, commerçants, etc…), pour qui la mesure est neutre, et les autres justiciables (principalement les particuliers), qui se voient soudainement grevés d’un impôt de 21%.

…une discrimination imposée par l’Europe ?

L’arrêt est tombé le 13 novembre 2014. La Cour constitutionnelle limite le débat à la question de l’harmonisation européenne (considérant qu’il y a bien atteinte au droit fondamental d’égalité des armes).

Elle pose dès lors une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne pour savoir si les règles d’harmonisation sont compatibles à la garantie de l’accès de tous à la justice.

Reste à attendre la décision de la CJUE.

Quand des assassins sont primés

Tony Blair, ancien Premier Ministre du Royaume Uni, s’est vu octroyer le Global Legacy Award par… l’association “Save the Children”, multinationale des oeuvres caritatives en faveur des enfant (dont le budget total est plus élevé que celui de nombre d’Etats). Le moins que l’on puisse dire c’est que cette décision a entraîné un flot de critiques et protestations : elle a été qualifiée de honteuse, diabolique et absurde, Blair étant de son côté traité de “pire des assassins”. En cause: son rôle dans la guerre en Irak et les affaires controversées qu’il a réalisées au Moyen orient.

Le prix lui a été octroyé lors d’une cérémonie au Plaza de New-York, en présence de “people” en mal de célébrité, dont le faste est à lui tout seul un scandale innommable.

Même au sein de STC, l’octroi de ce prix ne passe pas.


Les bésicles de Jiji

À la Communauté française, on cause français

Pour preuve, cet arrêté du 5 juin 2014 (Moniteur, 27 octobre) «modifiant l’arrêté du Gouvernement du 16 février 2012 portant désignation des membres du groupe de travail chargés de l’élaboration d’une épreuve certificative commune au terme de la troisième étape du continuum pédagogique, pour les années scolaires 2012- 2013, 2013-2014 et 2014-2015». Les membres élaborent, le groupe continue, on vous le certifie.

Avis de recherche

Et le français a d’autres limites que la frontière linguistique. Le Moniteur du 10 novembre (2ème éd.) publie un accord de coopération entre l’État et les Régions, daté du 12 mai 2014. Il concerne, en néerlandais, «dak- en thuisloosheid», ce qui donne «le sans-abrisme [sic] et l’absence de chez-soi

La vérité s’ils mentent

La publication (12 novembre) de l’arrêté royal d’exécution très tardif (9 octobre 2014) remet sous les yeux l’un des plus sombres diamants de notre légistique : la loi du 15 septembre 2013 «relative à la dénonciation d’une atteinte suspectée à l’intégrité au sein d’une autorité administrative fédérale par un membre de son personnel». Il dénonce ou il attente ? À part cela, cette ferblanterie-clouterie tente d’organiser la protection des «whistleblowers», en néerlandais «klokkenluiders», termes qui, pour une fois, ont une traduction exacte en français : sonneurs de tocsin, mais ce serait trop simple…

In memoriam

L’administration fédérale rend-elle hommage à ses vieux serviteurs avant même leur départ ? Selon Tribune (secteur AMiO), mensuel de la CGSP (novembre 2014), la formation certifiée ‘transmission du savoir’ est «spécialement dédiée à celles et ceux qui sont en fin de carrière». Lisons, manifestement, «destinée» (voir J.D.J., n° 299, p. 47 et n° 310, p. 47).

Ça tombe dru

  • Dans un mémoire de master en sciences du travail (ULB, 2014) consacré à l’écartement préventif des travailleuses enceintes, parmi la liste des agents biologiques auxquels elles ne peuvent être exposées : «Basile de Koch». Saint Bacille de Césarée, priez pour elles.
  • Un spécialiste de Polytechnique (Mons) à l’émission économique de la RTBF-Radio (1er novembre, 8 h. 30) : «L’exploitation de nouveaux gisements de pétrole et de gaz de schiste aux États-Unis ne sera pas un feu de paille». Fumant !
  • Ibidem, au Journal parlé de 18 h. (21 novembre), un armurier : «Acheter une arme, c’est le parcours du combattant». À mains nues, donc.
  • L’irremplaçable Ici Paris (3 novembre) affiche : «Le désarroi de Carla [Bruni] – Nicolas [Sarkozy] rongé par une terrible maladie». L’ambition ?
  • On lit dans l’arrêt Menesson c/ France, rendu le 26 juin 2014 par la Cour de Strasbourg au sujet de la gestation pour autrui (J.D.J., n° 336, p. 45) : «Il est concevable que la France puisse souhaiter décourager ses ressortissants de recourir à l’étranger à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire». Beau comme l’archange Gabriel.
  • Elle (édition France, 31 octobre) cite la sexologue Catherine Solano : «La mise en avant [?] des fesses (…) c’est suggérer que les femmes n’ont que leur corps pour se faire entendre». Et grossièrement.
  • Ibidem, 7 novembre, sur le restaurant «Villa Marie Jeanne» à Marseille : «On sonne à la porte et une table dressée ainsi qu’un feu de cheminée vous attendent». Chaleureux.
  • À Matin-Première de la RTBF-Radio (7 novembre, 7 h. 30) : «Les prisons sont à l’arrêt». Au pluriel, même.