"Ici et ailleurs" du JDJ N°339

Le monde social…

Une banque belge lance des appels à projets associatifs et soumet leur financement au vote des internautes. Elle octroie royalement 1.000 € à 5 associations par province qui remportent le plus de votes du public. Plus de 150 organisations ont rempli un dossier en ligne pour quémander cette obole. Et pour l’obtenir, il faut le faire savoir. Les mails crépitent donc dans tous les sens, appelant au vote.

…cheval de Troie du Capitalisme

Il faut croire que les associations sont vraiment en très gros mal d’argent pour offrir une telle publicité à une banque qui sera finalement la seule gagnante dans cette histoire.

Seul le désespoir peut amener à un tel aveuglement.

Jamais cette banque n’aurait pu se payer un mailing personnalisé à des milliers de personnes, en se donnant un profil social totalement usurpé, pour les 55.000 € qu’elle investit dans cette opération.

Justice en Europe…

Avoir un aperçu du fonctionnement de la justice dans 46 pays européens: telle est l’ambition du rapport réalisé par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) mandaté par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. S’appuyant sur des données datant de 2012, le rapport 2014, cinquième du genre, scrute les dépenses publiques consacrées aux tribunaux, au ministère public et à l’aide juridique, les systèmes d’indemnisations en cas de dysfonctionnement judiciaire, les mesures alternatives, le nombre de juges par pays, etc.

…la Belgique dans la moyenne

Qu’apprend-ton sur la Belgique dont on vient d’apprendre que le ministère de la justice a les poches complètement vides ? Notamment que le budget consacré au système judiciaire s’élève, par habitant, à 89 € ce qui situe notre pays dans une sorte de tranche médiane par rapport à d’autres états dont le PIB par habitant est comparable : l’Autriche, la France, la Finlande, l’Allemagne, l’Irlande, l’Islande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni.

Dans ce groupe, les Pays-Bas et l’Allemagne effectuent l’effort budgétaire le plus important, avec respectivement 125 et 114 € alloués au système judiciaire par habitant. L’Islande ou l’Irlande investissent beaucoup moins, avec respectivement 44 et 50 € par habitant. La France, elle, s’acquitte de 61 € par habitant.

…mais pas la plus généreuse

Le CEPEJ revient aussi sur le montant alloué à l’aide judiciaire par affaire en 2012 : la Belgique a dépensé 687 €, moins que les Pays-Bas qui ont alloué 883 € mais beaucoup mieux que l’Allemagne qui y a consacré 232 €. La Norvège, les Pays-Bas et l’Irlande sont les trois pays qui mettent en oeuvre les politiques d’aide judiciaire les plus généreuses d’Europe.

Le rapport se penche également sur les systèmes d’indemnisation prévus pour certaines circonstances particulières; ainsi la Belgique prévoit-t-elle des indemnités en cas de durée excessive de la procédure ou d’arrestation injustifiée, mais pas pour une condamnation injustifiée ni dans le cas d’une non exécution d’une décision de justice. La France, l’Azerbaïdjan ou le Monténégro en proposent dans tous les cas.

…ni la plus paritaire

En matière de parité hommes-femmes, notre pays est quasi à l’équilibre avec respectivement avec 51,3% d’homme et 49,7% de femmes. La Slovénie est le pays où on trouve le plus de juges femmes (77,6%) et l’Azerbaïdjan le moins (21,6%). Mais la féminisation progressive de la magistrature n’assure pas encore un égal accès à la hiérarchie judiciaire : on trouve seulement 32,9% de femmes à la présidence des tribunaux.

Le justiciable paie deux fois

De manière générale, le CEPEJ relève que la crise a eu des effets contrastés et dans la moitié des Etats, la justice semble avoir été préservée budgétairement. Il note une participation accrue de l’usager au coût du service public de la justice : le contribuable n’est plus seul à financer le système. Seuls la France et le Luxembourg prévoient la gratuité de l’action en justice.

Le rapport note une tendance à l’externalisation des tâches non judiciaires, à la privatisation et à une diminution du nombre de tribunaux.

De manière générale, observe le CEJEP, l’accès à la justice s’améliore ; tous les Etats disposent de mécanismes d’aide judiciaire, tant pour les procédures pénales que les procédures civiles, et « ceci doit être salué au regard des exigences et de l’esprit de la Convention Européenne des Droits de l’Homme » Pour plus de détails sur ce rapport, www.coe.int/cepej

Résidence alternée…

Le Conseil International de la Résidence Alternée (CIRA) a organisé à Bonn, en juillet 2014, la première conférence internationale et interdisciplinaire rassemblant des chercheurs, des professionnels et des associations représentatives intéressés par la résidence alternée dans les familles dont les parents vivent séparés. La rencontre a débouché sur plusieurs conclusions, notamment que la construction et le maintien du lien aux deux parents, dans les situations de sé paration, est nécessaire au développement de l’enfant sous peine d’effets néfastes sur les plans psychologiques et physiologiques. «L’enfant doit pouvoir partager un temps suffisant avec chacun des parents pour que ce lien s’établisse»

…même en cas de conflit parental

Pour le CIRA, la résidence alternée ne devrait pas être écartée au seul motif du conflit parental, à l’exception des situations avérées de violence et d’abus. Il préconise donc que les lois sur la famille privilégient la résidence alternée même si l’un des parents s’y oppose.

Tout en précisant que pour cet arrangement parental réussisse, «il est nécessaire de mettre en place un réseau de services de médiation familiale et d’aide aux parents.»

Filmer un policier …

En Flandre, le débat fait rage : la police ne veut plus être filmée lors de ses interventions. Deux policiers brugeois ont déposé plainte contre des citoyens qui ont les filmés en pleine action.

Il faut dire que ces vidéos aboutissent facilement sur les réseaux sociaux. La légalité de cette pratique est très controversée. La diffusion des images constitue-t-elle une atteinte à la vie privée ?

Filmer ne fait-il pas partie des moyens de contrôle démocratique du travail des forces de l’ordre ? Joëlle Milquet, alors Ministre de l’Intérieur, avait répondu à une question parlementaire en précisant que filmer un policier ne constitue pas une infraction. La Commission de protection de la vie privée confirme, par la voix de son Président, que les policiers vont devoir s’habituer au fait qu’ils peuvent être filmés par les citoyens.

… n’a rien d’illégal

Par contre, la diffusion sur internet pourrait constituer une atteinte à la vie privée.

Mais un policier agissant dans l’espace public et dans l’exercice de sa fonction, peut-il invoquer cette disposition ? En matière d’intervention policière (et surtout de violence policière), la preuve est souvent très difficile à faire. Les images constituent souvent le seul moyen de se défendre. Et que dire alors des policiers qui filment (ou prennent des photos) lors de manifestations par exemple ? Une fois de plus, il faut se tourner vers l’ouvrage de référence en la matière : « Quels droits face à la police ? Manuel juridique et pratique » de Mathieu Beys, éd. Couleurs Livres et Jeunesse & Droit.

Non, sauf exceptions, filmer n’est pas interdit. C’est même un moyen de protection des citoyens. Et la police ne peut pas prendre l’appareil, effacer les images ou même simplement les consulter.


Les bésicles de Jiji

Au boulot !

Le Moniteur du 29 septembre publie un extrait d’un arrêté royal qui admet à la retraite Mme X, juge au tribunal de 1ère instance d’Y. «Le recours en annulation de l’acte précité (…) peut être soumis (…) au Conseil d’État (…)». Et qui aurait intérêt à l’introduire ? Son feignant de fils ?

Trilinguisme rétroactif

Une loi du 6 janvier 2014 (Moniteur, 31 janvier) avait modifié celle du 6 juillet 1990 «réglant les modalités de l’élection du Parlement de la Communauté germanophone». Sa traduction allemande est parue dans la gazette officielle du 3 octobre. Bravo à ces polyglottes méconnus qui, malgré tout, ont formé le premier gouvernement issu des élections du 25 mai.

Moyennement moyenné

Aux termes d’un arrêté du gouvernement de la Communauté française daté du 24 avril 2014 (Moniteur, 15 octobre, 2ème éd.), «La Direction générale de l’enseignement non obligatoire (…) met à la disposition du Conseiller économique et social, l’ensemble des moyens matériels et techniques qu’elle juge nécessaire à l’exercice de ses missions, dans les limites des moyens disponibles».

Vos parties sont-elles intéressées ou stimulées ?

Pauvre traduiseur flamand. Un arrêté ministériel du 26 mai 2014 (Moniteur, 7 octobre) exécute un arrêté du gouvernement (24 avril 2009) « portant composition d’une plate-forme de parties intéressées [en néerlandais : stakeholders] ‘stimulation d’e-factu-ration et d’egouvernement auprès des entrepreneurs flamands ‘ ». De l’industrie du porno, sans doute.

Ça tombe dru

  • Le Soir (20-21 septembre) rectifie «une petite erreur » dans son supplément «Universités» du week-end précédent : «Il fallait lire 1817 et non 1917 comme date de création de l’université de Liège». Rien de révolutionnaire, donc.
  • Ibidem (24 septembre), l’avocat des «baptiseurs» (bien vu) poursuivis pour avoir forcé une étudiante à boire de l’eau jusqu’au coma : «La responsabilité de ce qui s’est passé est diluée». Précisément.
  • Et le 7 octobre, une page sur la tour Eiffel, qui dès sa construction a permis «maintes recherches scientifiques comme celle (…) de la pendule de Foucault». Celle qui prouve la rotation de la Terre : plus on monte, plus elle avance.
  • Un ouvrage juridique paru chez Larcier s’intitule Les inspections sociales en mouvement. Il semble en effet difficile de contrôler les entreprises depuis son bureau.
  • Grâce à un amendement (Moniteur, 2 octobre) à un arrêté du 8 novembre 2001, on apprend l’existence d’un «Centre des technologies agronomiques de l’enseignement de la Communauté française». Défricher tous ces esprits incultes, tout l’art du laboureur.
  • Ibidem, 3 octobre : Selor annonce une sélection comparative de «conseillers général de l’organisation et du personnel francophones». Ben oui : pour les néerlandophones, «een vergelijkende selectie van adviseurs- generaal», qu’est-ce qui coince en français ?
  • Un luminaire fiscal du barreau à la RTBF-Radio (9 octobre, 7 h. 15) : «Une déclaration [de revenus] qui n’est pas correcte est une déclaration inexacte». Et pas juste, osons le dire.
  • Aussi un phare de l’histoire française, à Europe 1 (même jour, 20 h. 45), rendant grâce à François Ier d’avoir imposé en 1537 le dépôt légal des oeuvres écrites : «Il fallut ensuite attendre trois siècles pour obtenir le dépôt légal des oeuvres audiovisuelles». Que de spectacles de lanterne magique irrémédiablement perdus !