LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°394

Cachez ce saint que l’on ne saurait voir

Les arguties autour de la pertinence de la manifestation du 7 juin 2020 au regard de l’épidémie, et les critiques à n’en plus finir sur les quelques dizaines de casseurs pour qui toute occasion est bonne pour en découdre et s’injecter une dose d’adrénaline en se confrontant à l’autorité, ne peuvent pas nous faire perdre de vue l’essentiel, le message central de la manifestation : l’incompatibilité du racisme, de la discrimination, de la violence policière, de la violence étatique avec les valeurs de la démocratie, du vivre ensemble, d’une société ouverte et tolérante.

Les arguties autour de la pertinence de la manifestation du 7 juin 2020 au regard de l’épidémie, et les critiques à n’en plus finir sur les quelques dizaines de casseurs pour qui toute occasion est bonne pour en découdre et s’injecter une dose d’adrénaline en se confrontant à l’autorité, ne peuvent pas nous faire perdre de vue l’essentiel, le message central de la manifestation : l’incompatibilité du racisme, de la discrimination, de la violence policière, de la violence étatique avec les valeurs de la démocratie, du vivre ensemble, d’une société ouverte et tolérante.

L’assassinat de Georges Floyd et le tsunami qu’il a provoqué, mondialement, nous obligent à regarder la réalité en face : le racisme, la xénophobie, la discrimination, la haine de l’autre, sont profondément ancrés dans notre société, au coeur même de l’appareil d’État.

La volonté de déboulonner les statues, quoiqu’on en pense, a l’immense mérite de donner de la voix et visibilité à un débat déjà bien ancien, mais qui se cantonnait à certains cercles de personnes sensibilisées, notamment parce que la présence de ces statues les renvoie à leur histoire douloureuse.

On pourrait effacer de l’espace public toutes les traces de notre passé honteux, mais ça ne règlerait rien des exactions commises et de leurs conséquences toujours réelles aujourd’hui. Et surtout, ça ne suffit pas pour répondre à la persistance de la haine tellement ancrée dans notre quotidien qu’on est incapables de l’identifier, de la nommer, de l’extirper.

Actuellement dans notre pays, des jeunes comparaissent devant un juge de la jeunesse avec des traces de violences encore visibles sans nécessairement susciter de réaction ou questionnement de la part de l’autorité judiciaire qui va pourtant leur faire un «rappel à la loi». Une loi qui n’est pas égale selon que l’on porte ou pas un uniforme.

La parole haineuse s’est libérée, sans plus aucune retenue, encouragée même par des personnages publics. Au-delà de cette prise de conscience et de la nécessité de réagir fermement face aux nombreux dérapages, il nous faut des politiques publiques déterminées qui apportent des réponses concrètes non seulement à l’expression haineuse, mais tout autant à ses racines profondes.

Et pour ça, il faut autre chose que des calicots sur une façade ou un «contrat citoyen» artificiel.

Et là seulement on pourra exaucer le voeu de Nelson, 9 ans : «Quand je serai grand, comme Nelson Mandela, j’espère vivre dans un monde où le racisme n’existe plus. Est-ce que vous pensez que c’est possible ? Moi je crois que chacun doit faire un effort, surtout ceux qui ont du pouvoir et qui font les lois. Sophie, qu’est-ce que tu en penses ? » (1)

Benoit Van Keirsbilck


(1) Les grenades - Je m’appelle Nelson, RTBF le 9/06/2020