LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°384

Fouilles scolaires : nouvelle dérive sécuritaire

Fin avril, une cinquantaine d’élèves de quatrième secondaire de l’Athénée Provincial de La Louvière sont sur le départ, installé.e.s dans le bus scolaire qui doit les conduire à Malmedy où ils.elles partent quelques jours en voyage.

À peine parti.e.s, les élèves ainsi que les adultes qui les accompagnent sont escorté.e.s par la police jusqu’à un hangar où ils.elles seront fouillé.e.s par pas moins de quinze policiers fédéraux et un maître-chien.

L’opération de contrôle dure 1h15 et se solde par des résultats négatifs : aucune substance illicite n’a été détectée.

Une réussite, d’après la police qui compte bien reconduire ce type d’action à l’avenir. Pas sûr que pour les élèves l’expérience soit si positive…

D’un point de vue légal, les fouilles préventives dans les écoles, «juste pour vérifier» qu’il n’y a pas de drogues, ne sont pas permises. Il faut a minima que la police dispose d’indices sérieux que la ou les personnes détiennent des pièces à conviction ou éléments de preuve du délit, et ce, avant de procéder à la fouille (1).

La légalité de cette fouille collective est plus que douteuse. À moins que ces jeunes n’aient été soupçonné.e.s d’être de dangereux.ses criminel.le.s ?

Outre l’aspect légal, de telles démarchent inquiètent quant à la relation entre les jeunes et l’institution scolaire. L’école a-t-elle prêté son concours à cette opération coup-de-poing ?

On rappellera ici la lettre du décret mission (2) qui déclare que l’école doit, entre autres : «promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun» de même que «préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures». Quel rôle éducatif et pédagogique l’école joue-t-elle dans le cas présent ? Ne dispose-t-elle pas d’autres moyens pour assurer le bon déroulement des activités qu’elle organise ? Quelle est l’image de la police véhiculée par ce type d’interventions ?

Se voir escorter et fouiller pour une armada policière, alors qu’on part en classe verte, c’est violent et totalement disproportionné. Cette pratique peut s’avérer traumatisante pour de jeunes ados, elle a un coût social et psychologique. L’indispensable relation de confiance entre l’école et ses élèves ne peut que s’en trouver affaiblie, si pas rompue. C’est installer un climat de méfiance réciproque entre les jeunes et les adultes qui les accompagnent et les encadrent.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’objectif poursuivi par de telles actions et se demander si la méthode permet de l’atteindre. Incite-t-elle réellement les jeunes à ne pas ou plus consommer de drogues ? Pour nous, poser la question, c’est y répondre. Bien pire, face à des ados qui cherchent à braver l’interdit, c’est l’inverse qui est provoqué.

Ce type d’action a beau se multiplier ces dernières années (3), il est loin de faire ses preuves. Le tout au sécuritaire porte un message bien triste à la jeune génération. En matière de drogues comme dans d’autres domaines, la menace et la peur ne peuvent remplacer la pédagogie, l’éducation et le dialogue.

Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck


(1) L. du 5 août 1992 sur la fonction de police, M.B., 22 décembre 1992, art 28, § 2 ; Voy. notamment M. BEYS, Quels droits face à la police ? Manuel juridique et pratique, Editions couleurs livres, Bruxelles, 2014, pp. 207-213 et 241-244.
(2) Art. 6.
(3) Les acteurs de terrain soulignent qu’entre 2007 et 2017, le nombre d’opérations de ce style est passé de 64 à près de 750 : Communiqué de presse du groupe Concertation Réflexion Ecoles-Police Bruxelles – CREPB, 8 mai 2019, https://infordrogues.be/2019/05/