LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°382

On est champions !

Loin devant la plupart des autres membres de l’OCDE (1), la Fédération Wallonie-Bruxelles est championne du redoublement avec un taux d’élèves en retard à 15 ans atteignant 46 %, contre 10 % pour la majorité des autres membres.

Le phénomène est loin d’être une pratique répandue partout, pourtant, chez nous, plus de 60 % des élèves de 5ème secondaire ont doublé au moins une fois et, parmi ces élèves, plus de la moitié deux fois. Face à de tels scores, on se dit que s’il est si populaire, le redoublement doit être un bon remède aux difficultés scolaires, non ? Eh bien non ! Ce serait même le contraire…

L’étude récemment publiée par l’Université Catholique de Louvain et l’Université de Liège (2) affirme que le redoublement est « inefficace, socialement injuste et favorise le décrochage scolaire ».

Ces spécialistes ont passé en revue les résultats d’études récentes sur les effets du redoublement. Ils.elles concluent que le système est au mieux inutile et fait perdre un an de scolarité, au pire néfaste, il entraîne des résultats inférieurs, un risque plus élevé de décrochage et plus de problèmes psychosociaux.

Ainsi, il est grand temps de penser autrement l’accompagnement des élèves qui ne maîtrisent pas (encore) les acquis de base. C’est un des objectifs du Pacte d’excellence. Si certaines idées phares du Pacte semblent aller en ce sens, comme un accompagnement plus personnalisé des élèves (dispositifs de soutien et de remédiation) devant permettre de diminuer de 50 % le redoublement d’ici 2030, d’autres mesures semblent aller en sens contraire.

C’est le cas de la fin de l’interdiction du redoublement en première secondaire, peu compatible avec l’objectif 2030… On nous promet qu’il devra intervenir en dernier recours. N’était-ce pas déjà le cas ?

De toute évidence, les dégâts causés par le redoublement sont connus de longue date mais la volonté de s’attaquer réellement au problème semble faire défaut. Les intentions se contredisent sans remise en cause de notre système d’évaluation. Dans plusieurs pays, le redoublement est quasi-inexistant; leurs résultats aux tests PISA ne s’en portent pourtant pas moins bien. Si on s’en inspirait ?

L’étude récente sur le redoublement conclut par une image qui parle d’elle-même : « si le redoublement était un médicament, il serait interdit, car il n’a pas fait la preuve de ses bénéfices, et s’accompagne régulièrement d’effets secondaires négatifs. Si nous voulons réduire les inégalités qui minent notre système scolaire et soutenir les élèves en difficulté, il est temps de changer de médecine. »

Peut-être est-ce avant tout les certitudes des enseignants qu’il faut combattre ? On est les champions, mais on s’en passerait bien.

Florence Bourton et Benoit Van Keirsbilck


(1) Organisation de coopération et de développement économiques
(2) B. Galand, Lafontaine D., Baye A., Dachet D. et Monseur C., « Le redoublement est inefficace, socialement injuste et favorise le décrochage scolaire », in Les Cahiers des Sciences de l’Education, n°38, 2019.