LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Caroline De Man et Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°365

Quand le mauvais exemple vient d’en haut

Les scandales de «gouvernance» récents (entendez, des politiciens sans scrupule qui profitent de leur statut pour s’en mettre plein les poches) ont révélé ce qui pourrait n’être que la pointe de l’iceberg. La dernière révélation en date, «l’affaire du Samu-social», atteint de nouveaux sommets. C’en est écœurant.

Cet étalage de comportements intolérables, dans une hallucinante décontraction, s’inscrit dans un contexte socioéconomique caractérisé par un taux de chômage élevé, des jeunes qui rencontrent des difficultés majeures d’insertion, des emplois précaires et mal rémunérés et la menace en cas de refus «d’emploi convenable» de se voir refuser des aides publiques.

Le message à l’attention des jeunes qui transparaît de cet «exemple» donné par des adultes bien en vue, est désastreux : quand on a du pouvoir et une place enviable, on peut impunément se servir dans la caisse. Les condamnations de ces pratiques, à la légalité plus que douteuse, ont généralement tardé et n’interviennent que quand il n’y a pas moyen de faire autrement, quand le risque d’une dégelée dans les urnes est plus grand que le bénéfice des combines entre copains. Elles ne sont en tout cas pas à la hauteur du dommage social causé.

Quel décalage par rapport au quotidien du plus grand nombre des familles (les montants détournés en guise «d’argent de poche» sont généralement bien supérieurs au revenu d’intégration sociale, ce minimum de moyens d’existence avec lequel nombre de personnes doivent survivre) ! Quel mépris aussi pour toutes les personnes qui s’engagent bénévolement dans les nombreuses associations qui existent en Belgique. D’autant plus que ces associations sont souvent créées pour pallier les manquements de l’État dans la mise en place d’une véritable protection sociale au bénéfice des citoyens les plus fragilisés.

La pauvreté et le sans-abrisme augmente (en huit ans le nombre de personnes sans abri a pratiquement doublé dans les communes bruxelloises (1)). Cette faillite de la lutte contre la pauvreté, d’aucuns voudraient encore la facturer aux plus pauvres, telle cette idée de pénaliser la mendicité avec des enfants, qui ressort à intervalles réguliers, au lieu de repenser l’accompagnement et l’insertion des personnes précarisées et marginalisées par le système.

Si la «crise politique», qui a des airs de «football panique» débouche sur de nouvelles mœurs, visant à servir l’intérêt public plutôt que son propre petit intérêt personnel, on y aura peut-être gagné quelque chose. À condition que toutes ces pratiques cessent et que des mécanismes de contrôle effectifs soient fonctionnels. C’est pas gagné.

Caroline De Man et Benoît Van Keirsbilck


(1) «Sans-abri et mal-logés en Région de Bruxelles-Capitale» – novembre 2016 / mars 2017 – Centre d’appui du secteur bruxellois de l’aide aux sans-abri la Strada.