LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°362

«Et si on jouait la sécurité… juridique ?»

La méga réforme de l’Aide à et de la Protection de la jeunesse en Communauté française (qui s’inscrit finalement plus dans la continuité de ce qui existait et est loin de constituer la révolution copernicienne annoncée) vient de connaître une accélération après l’adoption par le Gouvernement, en première lecture, de l’avant-projet de décret qui est en préparation depuis près de deux ans maintenant.

Celui-ci s’était embourbé pendant plusieurs mois, bloqué par le partenaire de la majorité désireux d’engranger un certain nombre d’adaptations. Il en ressort notamment que la prévention ira jusqu’à 22 ans, l’âge à partir duquel l’enfant doit signer les accords d’aide est fixé à 12 ans, le dessaisissement est maintenu (avec des conditions renforcées), un mécanisme de plainte et de contrôle pour les IPPJ, pour ne citer que quelques-unes des orientations de ce texte.

Et le voilà adressé à la section législation du Conseil d’Etat pour la remise d’un avis obligatoire. Au cabinet du ministre de l’Aide à la jeunesse, on précise, sans rire, qu’ils n’ont pas demandé l’extrême urgence (6 jours !), mais le délai «habituel» de 30 jours. On ne va pas épiloguer longuement, mais ce délai lui permettra au mieux de se prononcer sur le fondement juridique du texte, la compétence de l’auteur du texte et l’accomplissement des formalités préalables obligatoires.

Certes, délimiter concrètement les compétences n’est pas une mince affaire, étant données les questions que soulèvent leur nouvelle répartition suite à la dernière réforme de l’État. Il n’en reste pas moins que ce délai n’est pas raisonnable si on veut qu’il se prononce également sur le respect des normes supérieures (citons, au hasard, la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et son commentaire général n°10 qui porte sur la justice juvénile), la cohérence interne du texte, la rédaction du texte et la légistique.

Vu l’ampleur de la réforme, le Gouvernement aurait pu être un peu plus généreux et accorder au Conseil d’État quelques mois pour remplir sa tâche. À défaut, la demande d’avis apparaît purement procédurale. Autant les avis rendus dans la phase consultative et les négociations gouvernementales auront sans doute permis d’améliorer le texte, autant il est important de permettre au C.E. de remplir sa mission dans de bonnes conditions. La sécurité juridique est à ce prix.

La suite ? L’adoption en seconde lecture par le Gouvernement et le dépôt au Parlement. Le cabinet Madrane estime que «théoriquement, sans préjuger des débats ni des délais qu’ils connaitront» le texte pourrait être adopté avant les vacances judiciaires (mi-juillet). Ce qui nous semble loin d’être joué. Notons, et saluons, le changement de méthode : cette fois, le texte circule largement et ouvertement (1). Il reste donc encore plusieurs possibilités de formuler des commentaires. Ne nous en privons pas.

BVK


[1] http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6846-2017-INIT/en/pdf