LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°352

Accès à la justice : la Belgique est le moins mauvais élève

Une étude mondiale (1) réalisée par le CRIN (Children’s rights international network (2)) place la Belgique en première place d’un classement mondial sur l’accès des enfants à la justice. Excusez du peu !

Ce rapport entend donner un aperçu des mécanismes développés dans les 197 pays du monde pour protéger les droits de l’enfant et garantir des recours en cas de violation. Il débouche sur un classement élaboré en attribuant une note à chaque pays, au regard des standards internationaux en matière d’accès des enfants à la justice.

Différents critères sont utilisés : les traités ratifiés par les États, des résolutions négociées à l’ONU et des lignes directrices des agences de l’ONU. Les auteurs prennent la précaution de préciser qu’ « Il ne s’agit pas d’un classement sur le succès des États à protéger les droits de l’enfant, mais sur leur habilité à assurer l’accès des enfants à la justice».

En d’autres mots, c’est d’abord et avant tout une approche théorique et pas une évaluation de la mise en oeuvre pratique. Il n’en reste pas moins que notre pays se classe numéro 1, ce qui ne peut susciter que l’étonnement des acteurs de terrains. En particulier ceux qui se battent au quotidien aux côtés d’enfants, de familles et de jeunes, pour que leurs droits soient mieux respectés, le cas échéant en les assistant dans des procédures judiciaires. Et ceux-là vous diront les obstacles qu’ils rencontrent en traversant les procédures et en se frottant au manque d’empathie d’un système pas nécessairement « child friendly ».

Les mêmes pointeront les dernières réformes qui font de la justice un luxe (quel comble !) réservé à quelques privilégiés.

Il est vrai que sur papier, notre pays peut se targuer de dispositions intéressantes : intégration des droits de l’enfant dans la Constitution (bien que de manière très partielle et plus incantatoire qu’effective), primauté du droit international (dont la Convention relative aux droits de l’enfant – CIDE) sur le droit national (bien que nombre de juges l’oublient allègrement), applicabilité directe de la CIDE devant le juge (parfois), reconnaissance d’un certain statut à l’enfant en justice, possibilités de recours en cas de violations des droits fondamentaux et existence d’un système d’aide juridique (encore gratuit pour les mineurs, mais pour combien de temps ?).

Certes, les pays dont le bilan en matière de droits de l’Homme est déplorable sont en bas du classement(les régimes autoritaires et les pays dont le système juridique est très peu développé). Avec le haut du classement dominé par des pays d’Europe occidentale, ce classement démontre qu’aucun pays au monde ne protège parfaitement l’accès des enfants à la justice. Il y a une marge de progrès même parmi les pays qui occupent le haut du classement, et tous les États pourraient apprendre beaucoup les uns des autres.

Mais pour ce qui nous concerne, la principale leçon à retenir de cette étude colossale est, qu’en définitive, la Belgique n’est pas le meilleur pays, mais le moins mauvais et sur un plan purement théorique. Et là, il n’y a pas de quoi crier victoire ou d’en tirer une quelconque gloriole. Il y a juste à prendre acte qu’apparemment les autres font pire !

L’effet pervers d’un tel rapport serait de considérer que la situation est satisfaisante et ne nécessite pas d’autres efforts.

Bref, possiblement du grain à moudre pour les trop nombreux tenants de la politique du nivellement par le bas.


(1) Voir : www.crin.org/fr/accueil/droit/acces; reconnaissons qu’il s’agit d’un travail titanesque dont les résultats vont s’avérer extrêmement utiles, notamment pour les instances internationales qui vérifient la mise en oeuvre des droits de l’enfant dans chaque pays. (2) Le CRIN est un réseau global de recherche, de formulation de pollitiques et de plaidoyers dont l’action est fondée sur la Convention relative aux droits de l’enfant (www.crin.org).