LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Caroline De Man et Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°349

Les mots ne suffisent pas… mais ils sont essentiels

Le 20 novembre commémore le jour où l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la Convention relative aux droits de l’enfant en 1989.

Cette année, il est passé inaperçu et les activités prévues ont été purement et simplement supprimées face à la déferlante sécuritaire, sans doute temporairement incontournable, mais qui risque d’éroder durablement nos libertés.

En Belgique, cet anniversaire nous renvoie à plusieurs obligations légales qui sont loin d’être atteintes : garantir les mêmes opportunités en matière d’enseignement aux enfants vivant dans des familles confrontées à l’appauvrissement et la pauvreté (1) ; assurer la protection des enfants en séjour précaire accompagnés ou non de leur famille; limiter la privation de liberté des mineurs, pour ne rappeler que celles-ci.

Outre la lutte pour l’effectivité des droits des jeunes, il revient également à une société de mettre en oeuvre un cadre de pensée qui encourage la pérennisation des acquis et la concrétisation d’autres avancées en la matière.

Questionnons le travail de transmission des valeurs et des priorités mené à travers l’éducation et l’instruction proposées à la jeunesse dans notre société. Au sein des écoles et au sein des foyers, questionnons nos «mots» aussi bien que nos «maux».

Hier, des individus semaient la mort à Paris et frappaient des familles. Le niveau d’alerte, et la traque aux terroristes monopolisent les médias et touchent notre quotidien de si près et de façon tellement inhabituelle…

Événements gravissimes que des enfants vivent presque quotidiennement depuis des années en Syrie, Irak, Lybie, Afghanistan, Congo,…

Comment parle-t-on aux enfants que l’on côtoie de ce qui se passe dans le monde et de ce qui nous arrive ici ? Quelle compréhension de la société encourageons-nous auprès des enfants quand nous mettons en mots nos émotions et réflexions ? L’écrivain et poète marocain Ben Jelloun suggère, quand on discute avec des enfants, de ne pas «sous-estimer leur capacité à entendre des choses dérangeantes et horribles. Non qu’ils soient plus forts que les adultes, mais leur sensibilité peut être mise à l’épreuve sans que cela ait des conséquences désastreuses sur leur développement» (2). Une chose est certaine, mieux vaut du Ben Jelloun que du Joëlle Milquet (3)…

Face aux défis de demain, demandons-nous : que peut-on mieux faire et/ ou autrement avec les enfants et les jeunes gens pour un usage quotidien des mots qui soutiennent le projet d’une société inclusive porteuse de sens pour chacun qui y grandit ? Car c’est sur base de ces mots que s’élabore la pensée, le projet d’une vie.


(1) Voyez la recherche récente «Comment l’école a raté avec nous et pourquoi nous n’avons pas réussi avec elle», par l’asbl RTA et le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, http://www.intermag.be
(2) Tahar BEN JELLOUN, «Le terrorisme expliqué aux enfants», Le Monde, 27 novembre2015.
(3) «Joëlle Milquet explique la situation aux enfants de 6 ans: «Il y a une hystérie mortifère démoniaque»», Le Soir, Rédaction en ligne, 26 novembre 2015