LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Amélie Mouton dans le JDJ N°330

La pauvreté en solde

Pauvreté. Voilà un mot qui s’est fait beaucoup entendre en 2013, et qui, malheureusement, ne quittera pas les devants de la scène en 2014.

D’après une étude récente de l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), elle concerne une personne sur cinq en Wallonie et une sur trois à Bruxelles. Les enfants sont particulièrement touchés puisque 424 000 d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté et dans des conditions de déprivation matérielle (impossibilité de chauffer correctement le logement, de manger sainement, etc.).

Avec la remise en cause croissante du système de protection sociale, nul doute que cette situation va empirer.

Même le Service fédéral de lutte contre la pauvreté, qui vient de pu- blier son rapport bisannuel(1), ne prend plus de gants pour le dire : «Il a été souvent souligné que c’est grâce à son système de protection sociale que la Belgique a pu limiter, plus que d’autres États membres de l’Union européenne, les effets de la crise. C’est vrai mais force est de constater aussi qu’elle ne protège pas tout le monde de la même façon et que les évolutions récentes – transfert des allocations familiales, dégressivité du chômage, réforme des pensions – suscitent beaucoup d’inquiétudes».

L’institution recommande de diminuer la pression qui s’exerce sur le droit fondamental à la protection sociale ainsi que les mesures qui stigmatisent et insécurisent les bénéficiaires. «Nous plaidons pour une politique générale assortie du souci de ne laisser personne au bord du chemin», déclare-t-elle.

L’écart entre cette vision et celle de la Secrétaire d’état à l’intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté est particulièrement frappant.

Avec son récent appel à projet pour «prévenir et détecter la pauvreté infantile», Maggie De Block montre qu’elle préfère le saupoudrage institutionnel et les actions qui détournent l’attention de la véritable nature – politique et structurelle - du problème.

Et pendant que tous les regards sont rivés sur trois animateurs enfermés dans une boîte en verre (2), certains appels inquiets ont du mal à se faire entendre. «La pauvreté de la justice en ce moment est plus qu’interpellante», déclarait la présidente de l’Union professionnelle de la magistrature à la veille d’un mouvement de grève début décembre.

Au même moment, la Fondation Roi Baudouin, dans son baromètre de la vie associative, confirmait l’état de précarité financière de nombreuses associations, difficultés relayées par les communiqués alarmants que nous recevons régulièrement de différents secteurs.

Comment ne pas penser que l’appauvrissement de ces structures ne renforce encore davantage celui, déjà conséquent de nombreuses familles en Belgique ? Difficile pourtant d’entendre un responsable politique s’exprimer là-dessus. Un tel aveu d’impuissance est–il possible à la veille d’élections ?


(1) Voir www.luttepauvrete.be
(2) Voir l’opération Viva for Life de la RTBF, qui réduit la lutte contre la pauvreté à un spectacle, avec feu d’artifi ce, fausse grève de la faim et promo d’artistes en tout genre. Voir l’analyse de Renaud Maes, page 3.