LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°285

Du préjugé au traitement inhumain et dégradant

La situation de la population Rom est certes complexe et suscite souvent incompréhension et préjugés. Au-delà des stéréotypes il faut reconnaître que la situation des enfants de cette communauté interpelle, notamment sur la manière dont notre pays estime devoir la traiter.

Il est notoire que ces personnes font l'objet de discriminations partout dans le monde depuis la nuit des temps. L'Europe n'échappe pas à cette triste réalité (1); récemment, en Suisse, la police a pris pour habitude de mentionner dans les passeports des roms mendiant sur la voie publique «contrôlé pour mendicité»; les contrôles d'identité, arrestations, parfois avec un caractère arbitraire, sont légion (rien qu'en 2008, les agents suisses leur ont infligé 9191 amendes, à chaque fois, la monnaie qu'ils ont récoltée est saisie, même s'il ne s'agit que de quelques centimes).

La Cour européenne des droits de l'Homme vient de se prononcer sur la stérilisation forcée de femmes Rom dans une clinique slovaque (2)!

En Belgique, une très jeune mère de famille est condamnée à 18 mois de prison ferme, avec arrestation à l'audience, pour avoir mendié avec son enfant (la décision est en appel, nous y reviendrons).

L'étude réalisée par la Fondation Roi Baudouin, dont le JDJ publie les conclusions dans son N°285, porte sur un aspect particulier de la question : la scolarisation des enfants roms en Belgique. Approche originale et innovante : cette étude donne la parole aux parents roms à propos de la scolarité de leurs enfants, de leur vision du monde. La compréhension du phénomène est le premier pas pour une recherche de solutions respectueuses de leur situation, valeurs, priorités.

Dans un autre domaine, l'inquiétude est de mise : la sur-occupation des centres de FEDASIL laisse des dizaines de personnes, familles, enfants, sur la rue. Le phénomène dure depuis des mois sans que les pouvoirs publics n'en prennent la réelle mesure. Des familles arrivées en fin de procédure sont mises à la porte du jour au lendemain sans qu'on se soucie de ce qu'elles vont devenir; ceci alors qu'elles auront de nouveau le droit à un accueil après être passées dans un CPAS (parcours du combattant). Eu égard aux conséquences (rupture de la scolarisation, période sans abri, multiplication des démarches harassantes, incertitude par rapport à l'avenir, etc.), cette pratique constitue un traitement inhumain et dégradant.

Nous exigeons qu'il soit mis fin immédiatement à l'expulsion indigne des centres de FEDASIL, des familles qui ont droit à un accueil, fut-ce sur une autre base (enfant séjournant illégalement sur le territoire avec ses parents). Certes, le blocage des procédures de régularisation par la Ministre de la migration, l'état du marché locatif (en particulier bruxellois), l'encombrement des CPAS, … ne relèvent pas de la Ministre de l'Intégration sociale (quoique, pour les CPAS, Arena en a aussi la tutelle).

Il n'en reste pas moins qu'on est en droit d'attendre que ce problème soit pris beaucoup plus au sérieux et qu'on ne se contente pas des lamentations auxquelles cette administration nous a habitués.


(1) Voyez l'enquête de l'Union européenne sur les minorités et la discrimination
(2) Arrêt du 28.4.09 K.H. e.a./Slovaquie (en anglais)