LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°259

De l'arrière-cour de la démocratie au dépotoir des droits de l'Homme

Une dizaine d'ONG qui ont un droit de visite dans les centres fermés pour étrangers ont rédigé un rapport accablant et alarmant sur l'état des lieux de ces centres (1) qui ont pour seul objectif la détention administrative des étrangers qui arrivent à la frontière ou en attente d'une expulsion.

Tous les indicateurs sont au rouge.

La capacité des centres fermés est en augmentation ces dernières années; l'augmentation est particulièrement marquée pour les familles et les enfants (au centre 127 bis le nombre moyen d'enfants en détention est passé de 10 en janvier à 55 en décembre 2005). La durée de la détention est aussi en augmentation avec une moyenne de plus d'un mois de privation de liberté. Le coût de cette politique est exorbitant(plus de 25 millions d'euros par an). Le nombre d'isolements disciplinaires, caractéristique carcérale la plus voyante de la détention, est en augmentation constante.

Le rapport pointe aussi l'absence de service médical indépendant (les médecins sont sous contrat avec l'OE) et l'utilisation abusive de calmants et somnifères. Il en va de même du service social et de l'assistance psychologique qui ont pour tâche principale de préparer les détenus à l'expulsion.

Le régime de détention est à bien des égards pire qu'en prison. Il cause de graves conséquences médicales et psychologiques. Pour les enfants, il peut s'agir de séquelles irréversibles qui ont déjà été dénoncées dans d'autres rapports, notamment l'expertise réalisée par le Centre de guidance de l'ULB en 1999. La menace permanente de l'expulsion crée un climat de violence extrême avec souvent des indices sérieux de traitements dégradants.

On le voit, les conditions de détention sont bien pires qu'en 2002, période pendant laquelle Tabitha a «goûté» du centre 127. Pourtant, pour le Ministre de l'Intérieur, «l'affaire Tabitha : un malheureux concours de circonstances exceptionnelles» (2).

Ce malheureux concours de circonstances exceptionnelles perdure jour après jour pour des dizaines d'enfants et de familles. Donc, la Belgique continue, jour après jour, à infliger des traitements inhumains et dégradants.

Cette fois-ci, ce ne sont pas que des obscures ONG «droitdelhommistes» qui le prétendent, mais la Cour européenne des droits de l'Homme qui l'affirme.

Constatons qu'aucun ministre de ce Gouvernement ne s'est levé pour dire «ça suffit» !


(1) «Centres fermés pour étrangers : état des lieux», www.cire.irisnet.be/
(2) Chambre des Représentants, Commission de l'intérieur, 25 octobre 2006, réponse du Ministre Dewael aux questions conjointes de Mohammed Boukourna et Marie Nagy; CRIV 51 CM 1076.