LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°256

Parjure

«Elle nous l'avait toudis promis, plus d'belle petit' gayole, plus d'belle petit' gayole, …» : «par rapport à la précédente législature où il y a eu une augmentation des places fermées, l'idée est de casser cette logique malgré toutes les pressions qu'il peut y avoir. Donc, on l'a dit clairement, un Everberg bis n'est pas d'actualité. Je me suis à cet égard clairement positionnée.

La Ministre Maréchal a sans doute subi beaucoup de pression, elle a lâché sur Everberg mais aussi sur beaucoup d'autres choses, les IPPJ où il y a eu augmentation du nombre de places fermées également. Si l'on doit retenir un fil conducteur de l'aide à la jeunesse sous la précédente législature, c'est quand même l'enfermement» (1).

«Ceux qui prônent l'augmentation du nombre de places fermées comme réponse au sentiment d'insécurité se trompent. Cette recette a été utilisée, mais elle n'a rien résolu. Ce n'est pas en travaillant sur le bout de la chaîne que l'on résoudra les problèmes, mais en travaillant sur l'ensemble du système qu'on parviendra à le désengorger au plus grand bénéfice non seulement des jeunes, de leurs familles et des travailleurs du secteur, mais aussi de l'ensemble des citoyens» (2).

Décidément, les ministres de l'aide à la jeunesse de la Communauté française sont tour à tour atteints d'amnésie sélective ! À moins qu'il n'existe une forme de concours qui pousse chaque ministre à faire mieux en matière d'enfermement que son prédécesseur.
Onkelinx s'était contentée de créer quelques sections supplémentaires en IPPJ. Il faut dire qu'à l'époque, elle n'avait pas reçu le concours du ministre de la justice en place. Maréchal avait fait fort, puisqu'on lui doit deux nouvelles sections fermées et une complicité active dans la création d'Everberg.

Fonck ne se contente pas d'assister, de son balcon, à la création d'un nouveau centre de 200 places, elle se parjure en annonçant, à l'horizon 2008, dix nouvelles places en section fermées avec un grand «turnover», de quoi recycler un grand nombre de récalcitrants.

Une fois la décision prise, «à son corps défendant» («Cependant, les derniers événements et les différentes pressions tant gouvernementales que médiatiques nous conduisent à devoir mener une réflexion portant sur une meilleure rotation des prises en charge au sein des IPPJ (…). La situation de saturation des IPPJ et l'ampleur de la liste d'attente justifie la création d'une section en régime fermé et de durée limitée. La capacité de cette section sera de dix places de 42 jours soit une capacité de prises en charge de 87 jeunes à l'année»), il s'agit de l'assumer. Et c'est ici que la rhétorique se met en marche et qu'on entend la Ministre défendre bec et ongles ce qu'elle disait honnir peu avant : «il fallait aussi donner une réponse sur cet aspect-là. Je pense que cela ne fait qu'aggraver la situation de ne pas permettre que les magistrats puissent sanctionner»(3).

N'a-t-on pas vu divers communiqués émanant du cabinet Fonck invoquer le principe d'impunité si un jeune n'est pas enfermé sur-le-champ ? On est loin du discours traditionnel de l'aide à la jeunesse mais peut-être est-ce ça la modernité et faut-il apprendre à vivre avec son temps ?

Plus significatif encore, cette annonce fait partie d'un vaste panel de mesures de différents ordres qui visent à combattre l'engorgement du système et rendre l'intervention publique plus efficace. Dans ce cadre, envisager dès aujourd'hui la création d'une nouvelle section en IPPJ revient à saborder ces nouvelles mesures auxquelles elle ne croit elle-même pas.

Bien sûr, certaines d'entre elles visent le plus long terme. Mais d'autres devraient avoir un effet quasi immédiat.

La création de ce nouveau centre démontre sans doute aussi le poids insignifiant du secteur de l'aide à la jeunesse en comparaison du lobby réalisé par les magistrats de la jeunesse.

Et ceci est tout aussi inquiétant puisque cela signifie que ce secteur est incapable de montrer la qualité et la pertinence de son travail.

Quand canari aura canté dans sa nouvelle gayole, il voudra aller voir les filles, mais saura-t-il danser ?


(1) Catherine Fonck, in JDJ n° 246, juin 2005, p. 11.
(2) Catherine Fonck, in JDJ n° 255, mai 2006, p. 20.
(3) Voir Alter Éduc, n° 125, 26/05/06.