LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°255

C'est cher, la poudre aux yeux

La modification de la loi sur la protection de la jeunesse (dorénavant complétée par la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction, comme si avant c'était pas le cas !) est en boîte, c'est un fait acquis.

Il n'y avait plus grand doute quant au fait que ce projet serait adopté depuis qu'un compromis était intervenu au Sénat.

Mais cette adoption aura été en définitive plus rapide que prévu suite au meurtre de Joe à la gare Centrale.

Mis à part le VB qui a voté contre, la loi ait été votée à l'unanimité en Commission et à l'unanimité moins les Ecolos qui se sont abstenus, en plénière.

Ceci, alors que de nombreux parlementaires de l'opposition (surtout flamande) et même de la majorité, tiraient encore à boulets rouges sur le projet quelques semaines avant (1). Comme si du jour au lendemain, les critiques qu'ils formulaient étaient devenues obsolètes. Comme si voter contre le projet revenait à approuver la délinquance !

La récupération politique de ce fait divers dramatique aura porté : Onkelinx a toujours eu un don pour surfer sur de larges émotions populaires; il suffit pour s'en convaincre de se souvenir du Décret relatif à la lutte contre la maltraitance qui avait été adopté dans la foulée de l'affaire Dutroux. On ne sait si c'est prémonitoire, mais ce décret n'a jamais été mis en vigueur avant d'être fondamentalement modifié en 2004 démontrant qu'émotion et immédiateté ne font pas bon ménage avec réflexion et long terme.

Seul le message politique compte (à quelques mois des élections communales, niveau de pouvoir très sensible aux questions de sécurité et de proximité). L'ensemble du discours autour de cette modification était finalement biaisé (la plupart des mesures présentées comme nouvelles étaient déjà possibles avant : travail d'intérêt général, accompagnement éducatif intensif, médiation, etc...), de même d'ailleurs que les «mesures complémentaires et initiatives dans l'approche de la criminalité des jeunes» qui ont fait l'objet d'une séance spéciale du Conseil des Ministres le 28 avril 2006.

Recette éternelle : un peu plus de la même chose et surtout plus de police partout. Plus de contrats de sécurité, plus d'éducateurs de rue, des agents habilités à constater les violations en matière de nuisances sociales et de petite criminalité, plus d'assistants de prévention et de sécurité, des points de contacts policiers pour les écoles, responsabilité pénale des parents dont l'enfant est en décrochage scolaire répété, plus de capacité opérationnelle de la police, plus de télésurveillance, la procédure accélérée auprès du tribunal de la jeunesse, la création d'un centre fédéral fermé de 200 places, … et quelques «agents de convivialité» (ça, c'est nouveau !).

L'utilisation du stage parental dans les tous les débats dominicaux a aussi atteint des sommets en termes de mauvaise foi : les parents qui manifestent un désintérêt caractérisé à l'égard de la délinquance de leur enfant peuvent se voir imposer un stage parental (dont on ne sait toujours pas en quoi il consistera) sous peine d'amende ou de prison. Ils se comptent sur les doigts d'une main.

Mais le summum de l'hypocrisie aura été atteint par la repénalisation des tags ou graffitis qui avaient été dépénalisés il y a quelques mois à peine par la loi dite «incivilités».

Est-ce qu'un seul de ces parlementaires croit sincèrement que les mesures adoptées apportent ne fût-ce qu'un début de réponse aux problèmes d'insécurité ? L'ensemble s'élèvera à plus de 2,2 millions d'euros (hors les 26 millions d'euros pour le centre fédéral fermé et les 5,3 millions nécessaires au renforcement des parquets : criminologues, médiation parquet, magistrats de liaison). À ce prix, c'est cher la poudre aux yeux.

Qu'on ne nous dise plus jamais qu'on manque de moyens en Belgique. On pose des choix budgétaires qu'il conviendra d'assumer.


(1) N'oublions pas que le CD&V avait déposé à la Chambre le projet de l'ancien Ministre de la justice Verwilghen pour contrer le projet Onkelinx