LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°251

Les vicissitudes de la politique

La réforme de la protection de la jeunesse prend une tournure parfois inattendue (1).

Madame Onkelinx avait envie d'avancer et était peu encline à accepter encore des modifications au texte approuvé à la Chambre. Mais la perspective d'aboutir à un plus large consensus autour de son projet n'était finalement pas pour lui déplaire, d'autant que se rallier les gouvernements communautaires, c'était obtenir une garantie supplémentaire pour une bonne application de la loi.

D'où, elle suggère très habillement aux Communautés de rechercher un accord entre elles et, dans l'hypothèse où elles y arrivent, elle s'engage à présenter au Gouvernement fédéral les amendements suggérés par les Communautés.

Habile, puisque c'était une bonne façon d'engager le CD&V qui utilisait sa position au sein de la majorité flamande pour faire pression au niveau fédéral. Les pressions pour supprimer le dessaisissement se sont donc à nouveau fait entendre. On sait que c'était surtout une revendication flamande qui allait de pair avec la revendication d'élaborer un droit sanctionnel pour les mineurs.

Mais la Communauté française a embrayé sur cette demande (suppression du dessaisissement) et la «note consensuelle» autour de laquelle les trois communautés semblent s'être mises d'accord (il reste un certain flou sur cet accord) prévoit en effet la suppression du dessaisissement (sauf pour les crimes non correctionnalisales qui resteraient de la compétence de la Cour d'Assises) et la création d'une chambre spéciale à trois juges au sein du tribunal de la jeunesse qui pourrait appliquer les peines prévues par le Code pénal (sous réserve d'un tempérament pour cause de minorité).

Madame Onkelinx, pour sa part, avait imaginé un moment que la chambre spéciale prévue dans son projet au sein du tribunal correctionnel pour connaître des délits commis par les jeunes ayant fait l'objet d'un dessaisissement pourrait appliquer des mesures prévues par la loi de 65. C'est piquant quand on sait que si un juge de la jeunesse a pris une telle décision, c'est précisément parce qu'il considère que les mesures de garde, d'éducation et de préservation qu'il a à sa disposition sont inadéquates.

Mais le plus piquant n'est-il pas de constater que l'accord sur lequel les Communautés semblent s'être entendues revient à créer un «tribunal de la jeunesse élargi» qui ressemble furieusement à ce que le ministre Verwilghen avait proposé en son temps et qui avait été … catégoriquement rejeté par le Gouvernement précédent.

Or, c'était précisément Madame Onkelinx qui avait obtenu qu'on jette le projet Verwilghen-Maes aux oubliettes au profit d'une note insipide qui prévoyait : la «modernisation» de la loi de 65, le maintien du dessaisissement et l'augmentation des peines à l'encontre des adultes qui utilisent les mineurs pour commettre des délits.

On reviendrait donc à la suppression du dessaisissement et à la création de ce tribunal de la jeunesse élargi.

Comme quoi, en politique, il ne faut jamais dire jamais et la position d'un jour n'est pas nécessairement celle du lendemain.


(1) Voir Benoît Van Keirsbilck; «La Réforme de la loi sur la protection de la jeunesse : état de la situation» dans ce numéro.