Christian Dupont, ministre de l'intégration sociale (PS) prépare une loi sur l'accueil des demandeurs d'asile.
Dame ! il est temps, la directive européenne 2003/9 relative aux conditions d'accueil (1) impose aux États membres d'adapter leurs législations et pratiques pour le 6 février 2005 au plus tard, en vue d'assurer le respect des normes minimales qu'elle fixe en matière d'accueil (2). Par conditions d'accueil, la directive vise à la fois des conditions matérielles d'accueil (logement, nourriture, habillement fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons et une éventuelle allocation journalière) mais aussi des dispositions spécifiques à la résidence, à la liberté de mouvement, à la préservation de l'unité familiale, à la scolarisation et l'éducation, à l'emploi et la formation professionnelle, aux soins de santé (mais certaines questions essentielles comme l'accès à l'emploi et les conditions de la détention n'y sont pas abordées).
La directive européenne laisse aux États membres une large marge de manœuvre pour sa transposition; comme trop souvent, le risque d'un nivellement par le bas est bien présent, les États n'ayant qu'une faculté, pas une obligation, de maintenir ou introduire des conditions plus favorables. Il y a fort à parier que peu d'États feront plus que le minimum minimorum (on pourrait même voir les normes régresser, la directive ne contenant aucune clause interdisant de réduire le niveau de protection garanti avant l'adoption de la directive). À cet égard, il y a lieu d'espérer que les recommandations, dont la plupart sont particulièrement intéressantes, contenues dans l'étude juridique réalisée en avril 2004 par le service juridique de Fedasil (3) soient suivies d'effet.
Reste que les demandeurs d'asile au sens strict ne représentent plus qu'une petite minorité de la population accueillie actuellement dans les centres fédéraux pour demandeurs d'asile. Nombre de personnes accueillies ont déjà été déboutées et sont en recours au Conseil d'État. Mais de plus en plus nombreuses sont les familles en séjour illégal avec des enfants (4). C'est cette catégorie de personnes que la Cour d'arbitrage ne voit pas d'objection à envoyer dans les centres fédéraux, à condition que les parents puissent accompagner leurs enfants, pour y recevoir l'aide sociale à laquelle les enfants ont droit (5).
Si pour la Cour, la forme d'aide en nature dans un centre n'est pas en soi critiquable, il conviendrait quand même de se demander pour combien de temps (6) et dans quelles conditions. Est-il admissible, du fait des longueurs intolérables des procédures devant le Conseil d'État ou en demande de régularisation devant l'Office des étrangers, qu'une famille soit tenue de résider dans de tels centres depuis plusieurs années ?
Ce dernier arrêt ne clôt pas ce contentieux; de nombreuses questions subsistent parmi lesquelles le contrôle de la qualité et des conditions de l'accueil, l'aide octroyée entre la demande d'aide au CPAS et l'accueil effectif dans un centre (il peut s'écouler plusieurs mois), l'adéquation du centre par rapport aux besoins particuliers de certaines personnes (familles avec des nouveaux nés, enfants handicapés ou ayant besoin de soins particuliers, proximité de l'école, etc...).
Les événements récents montrent qu'il conviendrait aussi de clarifier le rôle des centres en matière d'organisation ou de collaboration à l'expulsion des résidents. En effet, soit les centres sont des lieux où il leur est possible de vivre dignement, soit il s'agit de souricières pour cueillir les candidats à l'expulsion forcée. Il faut choisir et être clair. Attirer les gens avec des motifs fallacieux pour leur mettre le grappin dessus est une démarche indigne.