LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°402

Attaques indignes de notre démocratie

Que certains responsables politiques, acteurs sociaux ou directeurs d’administrations soient en désaccord avec la Ligue des droits humains n’est ni neuf, ni fondamentalement étonnant, ni d’ailleurs particulièrement dérangeant, chacun est libre de son avis.

Bien au contraire, si une association de défense des droits fondamentaux ne crispait pas ici et là, c’est tout simplement la preuve qu’elle ne fait pas sont travail correctement.

Mais que deux mandataires politiques aillent jusqu’à demander le retrait des subventions que cette association reçoit, sans se faire immédiatement recadrer par leur Président de parti est par contre significatif et très dangereux.

Non pas que ces quidams le soient ; individuellement, ils ne représentent pas grand-chose. Mais l’absence de contradiction vaut approbation.

Et si on ajoute à cela les déclarations du Président d’un syndicat de police (un habitué du genre, pour qui la responsabilité sociale de son entreprise est nulle et non-avenue) qui considère que cette même Ligue vise à déstabiliser notre démocratie et notre État, excusez du peu !, on a un aperçu d’une stratégie vraisemblablement concertée et délibérée (1).

Stratégie qui vaut aux défenseurs des droits humains, dans de nombreux pays, d’être intimidés, empêchés d’agir, voire pourchassés, arrêtés, détenus, mis au secret, condamnés dans des procès iniques par une justice aux ordres.

J’exagère ? Bien sûr, en Belgique, on n’en est pas là. On peut même se targuer d’avoir une société civile vivante et active, qui entend jouer pleinement son rôle fondamental de contre-pouvoir indispensable à toute société démocratique et qui bénéficie du soutien financier des pouvoirs publics.

Ceux-ci doivent non seulement laisser ces associations agir sans entraves, mais bien plus, ils doivent les soutenir et les financer, sans conditionner ce financement par une ingérence dans le fonctionnement interne (tout ça se passe à deux pas de chez nous, dans des pays membres de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe !).

Cette attaque contre la LDH est extrêmement grave. Ce n’est pas un petit dérapage ponctuel comme il y en a régulièrement dans (presque) tous les partis. C’est une déclaration grave d’un mandataire politique qui montre que chez nous aussi, on peut trouver des apprentis despotes, qui passeraient à l’action si on leur laissait les coudées franches.

Pointons quand même l’objet de l’ire du politique et du syndicat policier : la critique de la dénonciation des violences policières ! Ceci au moment-même où ces dénonciations se multiplient au même rythme que les bavures.

Les maux de notre société sont considérables. On ne les règlera pas en tirant sur le messager.

Benoit Van Keirsbilck


(1) Notons qu’un autre syndicat, la GSP Police, a par contre dénoncé … les violences policières (voir notamment le site de la RTBF du 23 février 2021)