LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Caroline De Man et Benoit Van Keirsbilck dans le JDJ N°357

La protection des mineurs : une discipline tout terrain

Bénéficier de la loi sur la protection à la jeunesse (et plus généralement, des garanties procédurales d’un État de droit) quand il est question de terrorisme, c’est compromis. C’est ce que nous enseigne dernièrement le traitement médiatique d’une vidéo dans laquelle un jeune homme tient des propos extrémistes : une certaine presse n’a pas hésité à en divulguer l’identité.

Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant, s’en est scandalisé, suscitant des réactions en chaîne dans la presse et sur les médias sociaux, fustigeant toute tentative de défendre les droits des personnes désignées comme terroristes, mineures ou pas, ou d’essayer seulement de comprendre leur parcours, ce qui serait déjà une propension à les excuser et donc de faire preuve d’une faiblesse, voire d’un aveuglement, coupable.

À toute fins utiles, rappelons que le système pénal pour mineur, la protection de la jeunesse, ne vise en rien à excuser des actes que des mineurs auraient commis. La responsabilité du mineur fait partie des éléments d’appréciation, mais dans une perspective évolutive.

C’est notamment ce qui distingue la justice des mineurs de celle des adultes, distinction qui découle des normes internationales et droits fondamentaux auxquels les États démocratiques ont adhéré. Droits qui doivent être garantis quel que soit le contexte sociopolitique. La justice des mineurs a un rôle à jouer dans cette «lutte contre le terrorisme» face aux mineurs embrigadés dans des mouvements radicaux violents, notamment abusés dans la confiance qu’ils ont accordée à des adultes malveillants.

Pourtant, la compréhension d’un phénomène aussi complexe que la dérive dans la radicalisation violente est non seulement nécessaire, mais elle est indispensable pour tenter d’enrayer le phénomène. S’il se confirme que le vécu d’expériences de discrimination et d’exclusion sociale (relégation scolaire, discrimination à l’embauche, quartiers ghettos, surreprésentation dans la population carcérale, obstacles à la participation politique) est un des terreaux du fanatisme violent, il serait pour le moins fautif de ne pas s’y intéresser et de ne pas tenter d’y apporter des réponses politiques, notamment en termes de prévention.

Le climat actuel fait de critiques féroces de l’islam et des musulmans, d’amalgames entre croyances religieuses et terrorisme interdit toute réflexion et recherche de solutions. L’expression du racisme, de l’intolérance, de la haine et du mépris est de plus en plus décomplexée.

Radicalisation de l’ignorance et de la mauvaise foi. Donc, oui, il nous faut parler du contexte social en Belgique qui n’a pas attendu les atrocités de ces derniers mois pour gangréner le fonctionnement de nos institutions. Mais c’est évidemment beaucoup plus difficile que de cracher sa haine derrière l’anonymat d’un pseudo sur un réseau social.