LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°304

Coalition de fonctionnaires

Le nombre de mineurs non-accompagnés (MENA) demandeurs d’asile ne cesse d’augmenter ces dernières années (passant de 384 en 2006 à 896 en 2010); pour les trois premiers mois de cette année, on est déjà à 483, soit plus de la moitié du chiffre total de l’année précédente (1).

Par contre, il est très difficile de connaître les chiffres des mineurs non-accompagnés non demandeurs d’asile, des victimes de la traite des êtres humains, des MENA européens,…

L’Office des étrangers ne publie plus de nouveaux chiffres depuis 2008 et le Service des tutelles n’a publié qu’un seul rapport d’activité en sept ans d’existence.

Cette situation, couplée avec la crise permanente de l’accueil, crée des drames humains mais provoque aussi des réactions radicales de la part des autorités.

Déjà depuis fin 2009 FEDASIL exclut les MENA non demandeurs d’asile qui ne répondent pas à certains critères de vulnérabilités (moins de 13 ans, jeunes filles enceintes, suspicion de traite etc.); actuellement, les catégories d’exclus sont beaucoup plus larges, y compris des demandeurs d’asile.

Face à la démission de cette agence, les CPAS sont régulièrement sollicités pour accorder une aide. D’où un raidissement certain, à l’instar du CPAS de Bruxelles qui a donné des consignes écrites (parfaitement illégales, faut-il le préciser ?) à ses travailleurs sociaux de ne même pas acter ces demandes (au point que pour en avoir la preuve, il aura fallu que certains demandeurs se présentent au CPAS accompagnés d’un huissier de justice chargé de constater la voie de fait).

Aujourd’hui c’est au Service des tutelles du SPF Justice d’annoncer qu’il ne désignera plus de tuteur qu’aux jeunes qui en font la demande et qui pourront être recontactés par la suite (donc, certainement pas ceux qui vivent dans des squats ou autres logements précaires), rappelant que ce n’est pas au tuteur de trouver un logement pour son pupille.

Les MENA les plus vulnérables sont donc exclus d’un système destiné à les protéger. On affirme s’inquiéter des enfants qui disparaissent dans notre pays alors que, s’agissant d’enfants étrangers, les autorités favorisent leur disparition en ne les protégeant pas quand elles le devraient.

La situation est sans conteste difficile pour les autorités. Il n’en reste pas moins que leur réaction est inacceptable. Dès lors que ces positions sont illégales et mises par écrit, on peut parler de délit de « coalition de fonctionnaire » (en gros, des fonctionnaires qui se concertent pour ne pas appliquer la loi). Des recours en justice avec constitution de partie civile ne manqueront pas d’être introduits par des associations de défense des droits de l’homme à l’encontre des fonctionnaires qui ont pris ces décisions.

Bien triste qu’il faille passer par là.


(1) Statistiques produites mensuellement par le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (www.cgra.be).