LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirbilck dans le JDJ N°277

Record battu

Le couple Fonck (Ministre de l'aide à la jeunesse en Communauté française) -Vandeurzen (Ministre de la Justice) est en train de battre le record établi par Maréchal (Communauté) - Verwilghen (Justice) il y a à peine cinq ans pour ce qui concerne la création de places fermées.

Les seconds avaient mis la barre très haut en créant Everberg et en agrandissant Braine-le-Château; Fonck/ Vandeurzen vont déménager et plus que doubler la capacité d'Everberg et créent dix places en plus à Wauthier-Braine (sans compter les projets de la Communauté flamande).

Similitude amusante (autant en rire, dit-on) : les deux Ministres de l'aide à la jeunesse avaient commencé par déclarer qu'il n'y aurait pas une seule place fermée «sous leur règne».

Heureusement que la Communauté française regorge de moyens financiers pour pouvoir assurer ces créations dans de bonnes conditions.

Parlons chiffres : la nouvelle aile de Wauthier-Braine va exiger l'engagement de minimum 36 personnes. Malheureusement, la fonction publique ne veut pas y mettre des moyens (les radins); il s'agira donc de moyens régionaux (APE) et du budget de l'aide à la jeunesse lui-même.

Pour l'augmentation de la capacité du centre fermé d'Eveberg, qui déménagera donc (provisoirement ?) à Saint-Hubert, il faudra une équipe d'une centaine de personnes (à moins qu'on ne décide de ne plus y faire de l'éducatif, c'est une autre solution) en plus bien entendu du personnel de surveillance qui dépend de l'administration pénitentiaire. Sur quel budget ? Mystère.

Mais ces questions ne sont qu'un aspect de l'ensemble de la problématique. En moyenne, la moitié des jeunes placés à Everberg provient de l'arrondissement de Bruxelles. Bruxelles-Everberg aller-retour : 50 km; Bruxelles-Saint-Hubert aller-retour : 314 km. Différence : 264 km. Voilà la distance qu'il faudra couvrir en plus, à raison de 3 fois par jeune par placement. Si on se base sur 25 jeunes bruxellois placés en même temps, on atteindra vite des sommets. Du pain béni pour le Vlaams Belang, qui pose chaque année une question parlementaire sur les coûts des déplacements, en taxi, s'il-vous-plaît, des jeunes d'Everberg au Tribunal.

Voyons maintenant la question du temps. Durée du déplacement : 3 heures au strict minimum sans embouteillages et travaux sur la E411.

Admettons qu'un avocat ait du temps à perdre pour aller visiter son client (il ne s'en sort pas en moins de 4 heures, vraisemblablement cinq) et que son patron de stage accepte qu'il se promène une journée, il recevra 0,5 points par tranche de 20 kilomètres, soit de l'ordre de 15 points ce qui lui fera une indemnité de 345 euros bruts (à charge du budget public). Or, pendant le même temps, il peut gagner autrement plus en s'occupant de dossiers rentables. Le choix sera vite fait !

Si on ajoute les délégués SPJ, les juges, les experts, … qui doivent aussi aller (en principe !) visiter les jeunes, il faudra multiplier les budgets de déplacements et diminuer la charge de travail (vu le temps consacré aux déplacements). Ou supprimer cette obligation de visite archaïque.

Quant au personnel, tout dépendra bien sûr du lieu de résidence. Il n'est pas certain que le personnel actuel sera très heureux de se voir affecter sur un lieu de travail 130 km plus éloigné. Là aussi, l'indemnité de transport va exploser.

Admettons maintenant qu'une famille ait l'idée saugrenue de visiter leur fils à Saint-Hubert, mettons un samedi. Il lui faudrait partir assez tôt le matin pour arriver sur place moyennant un train, un bus et de la marche, 3h38 plus tard; ensuite, avec un peu de chance, elle pourrait attraper un bus de retour et ne mettrait que 2h39 pour retrouver la Gare-Centrale (attention, il faudra qu'ils courent pour ne pas louper leur correspondance).

Pourvu que les horaires de visite correspondent aux horaires des transports en commun.

Un détail : l'aménagement de Saint-Hubert est prévu provisoirement, tant que la nouvelle prison pour mineurs, qui devrait être située à Achènes (126 places, prévu pour 2011), n'est pas construite.

Un autre détail : le Centre actuel d'Everberg accueillerait uniquement des jeunes flamands (on porterait sa capacité à 125) et la prison de Tongres (vous voyez, à quelques kilomètres de Maastricht; à 191 kilomètres de Brugge) serait réhabilitée (elle avait été jugée trop vétuste pour des adultes et transformée en musée où des anciens détenus et des éducateurs organisaient des visites, notamment pour jeunes en difficulté, en transformant donc le lieu en outil pédagogique de prévention).

Tiens au fait, on manque de moyens aujourd'hui pour mettre en place l'accompagnement éducatif intensif des mineurs au sein de leurs familles ou pour accorder une allocation correcte aux jeunes mis en autonomie qui ne sont pas en mesure de payer leur loyer (à vot' bon coeur). Mais ceci n'a bien sûr rien à voir avec cela.