LE JOURNAL DU DROIT DES JEUNES

L'éditorial de Benoît Van Keirsbilck dans le JDJ N°273

Viol consentant
à l'insu de leur plein gré

Notre vénérable Cour constitutionnelle vient de prononcer, ce 13 mars 2008, deux arrêts attendus sur la réforme de la protection de la jeunesse de 2006 suite à des recours introduits par la Ligue des droits de l'Homme et Défense des Enfants - International Belgique (1).
Le premier (39 pages) concerne l'offre de médiation et de concertation restauratrice en groupe alors que le second (66 pages) vise la plupart des autres nouvelles dispositions. La longueur des arrêts et l'importance du sujet méritent un examen approfondi. Nous y reviendrons très prochainement.

Notons d'ores et déjà la disparité des ces décisions : la première est fouillée, réfléchie, alors que la seconde est plus superficielle, voire expéditive. La Cour aurait-elle eu une indigestion ?

Concrètement elle annule deux des conditions légalement requises pour proposer ou imposer une médiation ou une concertation restauratrice en groupe (existence d'indices sérieux de culpabilité et déclaration du jeune qu'il ne nie pas être concerné par le fait qualifié infraction) et la condition d'existence d'indices sérieux de culpabilité pour un placement en IPPJ au titre de mesure provisoire. Plusieurs dispositions annulées tendent à préserver la présomption d'innocence des mineurs accusés de faits qualifiés infractions et les règles d'un procès équitable.

Selon les chiffres disponibles, la délinquance des jeunes n'est pas en hausse. A travers la réforme, on les a surtout affublés d'un masque «Scream», par opportunisme, électoral notamment, voire par démagogie.

La Cour supprime aussi la possibilité d'une condamnation du jeune à une amende pour non-comparution, le système d'autorisation des sorties des IPPJ et d'Everberg (loi dite «Mariusz») et le dessaisissement vers la Cour d'Assises.

Par contre, la Cour n'a rien trouvé à redire notamment au stage parental, aux critères dont le tribunal de la jeunesse doit tenir compte pour prendre sa décision (notamment la gravité des faits, les dommages et les conséquences pour la victime et la sécurité publique), au principe même du dessaisissement, au transfert d'un jeune cité en dessaisissement vers un centre fédéral fermé pendant la procédure,...

Attardons-nous sur deux points interpellants de cette décision. Le stage parental, qui, finalement ne serait pas une sanction alors que la ministre de l'époque s'est tuée à dire le contraire, ne pose donc pas de problème : il s'apparente pourtant, selon la Cour, à une mesure d'assistance éducative qui ne fait effectivement pas partie des compétences du Fédéral; il y a donc bien violation de la répartition de compétence entre le Fédéral et les Communautés mais elle n'est pas disproportionnée, d'autant plus que les Communautés ont signé un accord de coopération avec le Fédéral. Un viol technique non punissable en quelque sorte. Quand la Cour constitutionnelle ménage les équilibres politiques…

Si le dépassement des compétences fédérales pour ce qui concerne le stage parental ne posait pas de problème, il en va autrement de la possibilité pour le juge de la jeunesse de réglementer les sorties d'IPPJ et d'Everberg (2) (dépassement des compétences autrement plus grave pour la Cour puisqu'il aboutit à leur annulation)! C'est évidemment un reproche direct à Laurette Onkelinx, signataire tant de l'arrêté de la Communauté française organisant les sorties d'IPPJ que de la modification de la loi les réglementant. Souvenons-nous du contexte émotionnel qui avait présidé à l'adoption de cette loi après la sortie controversée de Mariusz; les critiques émises à l'époque avaient été balayées avec mépris.

Plusieurs dispositions attaquées n'ont pas été annulées, mais sous réserve d'une interprétation favorable à la thèse des requérantes. Ainsi, malgré encore les affirmations contraires de la ministre, l'avocat du mineur peut être présent tout au long de la procédure de médiation ou de CRG.

En bref, la Cour a supprimé quelques aspérités (les plus flagrantes?) de la nouvelle réglementation; elle laisse deviner les compromis entre les juges en maintenant une série de dispositions qui ne sont pourtant pas exemptes de critiques.

Restera à voir ce qu'en penseront la Cour de Cassation et éventuellement la Cour européenne des droits de l'Homme.


(1) Arrêts n° 49/2008 et 50/2008 du 13 mars 2008 accessibles sur le site de la Cour : www.arbitrage.be
(2 ) Notons au passage qu'il est étonnant que le principe même de la loi Everberg n'ait pas été retenu inconstitutionnel au regard des règles de répartition des compétences mais que le régime des sorties de ce centre bien! Ainsi, le Fédéral peut créer un centre de détention qu'il gère mais ne peut pas en réglementer les sorties !