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Le  28 décembre 2021 

Communiqué de presse

 

L’Édito du mois (ci-dessous) fait suite à l’émission Investigation de la RTBF du 17 novembre dernier, présentant le quotidien d’une juge de la jeunesse. D’emblée, l’émission met mal à l’aise. Ce qu’on retient, c’est le mépris de la juge pour certains familles et jeunes en situation de précarité, incapables de se prendre en main ou de s’occuper de leurs enfants. L’émission ne donne aux spectateurs aucune clef d’analyse et ne leur permet pas de réfléchir au contexte sociétal. Plus encore, elle n’interroge nullement la méconnaissance, par une juge, des principes fondamentaux de la CEDH lorsque les familles d’accueil sont sacralisées et la place du lien entre l’enfant et sa famille biologique remise en cause (p.1).

Vient ensuite la dénonciation, par les Défenseurs des droits de l’enfant Benard De Vos, Caroline Vrijens, Eric Delemar et Charel Schmit, des politiques de refoulement des enfants préjudiciables à leur bien-être et contraires à leurs droits. L’intérêt supérieur des enfants doit être pris en considération, et ce en toutes circonstances, indépendamment de leur statut administratif ou légal (Tribune, p.3).

BVK revient ensuite sur le bras de fer opposant l’administration générale de l’aide à la jeunesse et la magistrature dans le cadre de la réforme des IPPJ, lequel semble s’orienter vers un certain apaisement. Ce bras de fer laisse cependant des questions ouvertes, telle que la différence entre un régime ouvert et un régime fermé en IPPJ, avec toutes les conséquences concrètes et juridiques qu’elle implique (p.4).

Cécile Mathys, professeur dans le Département de criminologie à l’Université de Liège, développe les aspects pédagogiques du continuum de prise en charge progressivement mis en place dans les IPPJ et les équipes mobiles d’accompagnement en Fédération Wallonie Bruxelles. Elle présente la logique du trajet éducatif du mineur judiciarisé, dès l’évaluation en ambulatoire ou en résidentiel et de ses suites en termes d’intervention. Au cours de l’article, Cécile Mathys développe l’outil d’évaluation utilisé en Communauté française (EURIFORE) et se concentre sur le modèle de prise en charge Good Lives Model, actuellement développé avec les équipes de terrain (p. 6)

« Tous les pays sont en développement lorsqu’il s’agit de santé mentale », c’est le constat posé par l’UNICEF dans son premier rapport consacré à la santé mentale des enfants (p.14).

Chiara, Catarina, Iris, Raina, Ridhima, David, Ranton, Litokne, Deborah, Carlos, Ayakha, Greta, Ellen-Anne, Raslen, Carl et Alexandra sont les jeunes, provenant de différentes régions du monde, ayant saisi pour la première fois un organe international des droits de l’homme en matière climatique. Devant le Comité des droits de l’enfant, ils se plaignent de ce que cinq Etats – Argentine, Brésil, France, Allemagne et Turquie – portent atteinte à leurs droits – actuels et futurs – à la vie, à la santé, à la culture et à ce que leur intérêt supérieur soit une considération primordiale dans les décisions prises en matière de changement climatique. Lorsqu’il est saisi, le Comité doit travailler dans les limites légales du pouvoir de procédure de communication (OPIC). Pour cette raison, les jeunes requérants ont obtenu gain de cause sur certains aspects de leur plainte (compétence du Comité et statut de victimes), et pas sur d’autres (irrecevabilité pour non épuisement des voies de recours internes).

En p.21, le JDJ reprend la lettre envoyée par le Comité aux jeunes requérants, de même que son explication simplifiée du cas. Margaretha Wewerinke-Singh commente la décision du Comité en p.23. Comme l’auteure l’indique, la décision du Comité ouvre de nouvelles perspectives en matière d’urgence climatique et influencera certainement les efforts futurs visant à protéger les droits des enfants contre les impacts climatiques. Le Comité consacrera par ailleurs sa prochaine Observation générale aux droits de l’enfant en lien avec l’environnement.

Le JDJ reprend ensuite la proposition de loi modifiant l’ancien code civil afin d’ancrer le droit de l’enfant à une éducation non violente et d’interdire toute forme de violence à l’égard des enfants (p.29)

DEI Belgique a donné citation à comparaitre devant le Tribunal de première instance de Bruxelles l’État belge, pour entendre lui ordonner d’intégrer explicitement, dans la formation initiale et continue de tous les policiers, l’enseignement des droits fondamentaux de l’enfant, spécialement ceux qui se déduisent de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, de la Convention européenne des droits de l’homme, de la Constitution et des lois précisant les droits des mineurs étrangers, ainsi qu’une formation spécifique sur les conditions de l’usage de la force en présence d’enfants. Et ce, à la suite des dérives policières constatées avant et après le décès de la petite Mawda (p. 35).

Place enfin aux rubriques de jurisprudence (p.37), Ici et ailleurs (page 46) et aux Bésicles de Jiji (page 47).

 

Au sommaire du JDJ 409

Articles

1

Éditorial : L’impossible dialogue ?

Benoit Van Keirsbilck

3

Les enfants de l’exil sont d’abord des enfants

Bernard De Vos, Caroline Vrijens, Eric Delemar, Charel Schmit

4

IPPJ : magistrature – administration. Le temps de l’apaisement ?

BVK

6

Le trajet éducatif du mineur poursuivi du chef d’un fait qualifié infraction au sein des services publics en Communauté française : enjeux autour de l’évaluation et de l’intervention. Vers un changement de paradigme : quand le jeune devient acteur

Cécile Mathys

14

«Tous les pays sont en développement lorsqu’il s’agit de santé mentale»

UNICEF

23

Entre obligations transfrontalières et recours internes : la décision du Comité des droits de l’enfant des Nations unies dans l’affaire Sacchi c. Argentine. Communication 104/2019. Chiara Sacchi et autres c. Argentine et autres

Margaretha Wewerinke-Singh

 

Documents

21

Lettre ouverte du Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Objet : Sacchi et al. c. Argentine et quatre cas similaires.

29

Proposition de loi modifiant l’ancien Code civil afin d’ancrer le droit de l’enfant à une éducation non violente et d’interdire toute forme de violence à l’égard des enfants.

35

L’Affaire Mawda devant la justice. Citation du 12 novembre 2021 : Défense des enfants International Belgique c. État belge (audience introductive 23 novembre 2021)

 

Jurisprudence

37

Cour de justice de l’Union européenne. Arrêt dans l’affaire C-91/20. Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale)

Le régime d’asile européen commun ne s’oppose, en principe, pas à ce qu’un État membre étende automatiquement, à titre dérivé et aux fins du maintien de l’unité familiale, le statut de réfugié à l’enfant mineur d’un parent auquel a été octroyé ce statut

39

CEDH 169 (2021), 27 mai 2021 - J.L. c. Italie

Allégations de violences sexuelles en réunion : des passages de la décision de la Cour d’appel violent la vie privée et intime de la victime alléguée Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et de l’intégrité personnelle)

42

Mons (4e ch.), 4 novembre 2021

Responsabilité pénale du prévenu X – Prévention confirmée en degré d’appel – Homicide involontaire de Mawda S. pour défaut de prévoyance ou de précaution – Responsabilité civile de l’État belge pour agissements de l’un de ses organes (article 47 de la loi sur la fonction de police)

44

TPI du Hainaut - Div. Tournai (14e ch.)- Section jeunesse - 19 mai 2021 (dossier n° 4799)

Mineur orphelin porteur d’un handicap placé dans un service résidentiel pour adulte – Contestations de paiement du CPAS et du SPJ – Subsidiarité de l’aide spécialisée de la jeunesse par rapport à l’aide sociale du CPAS

45

Cour de Justice de l’Association européenne de libre-échange, 23 novembre 202, Q et autres c. Norvège (E-16/20)

Libre circulation des travailleurs – Membres de la famille – Ressortissant de l’EEE, épouse hors EEE et enfant de celle-ci – Droit de résidence – Divorce – Mariage fictif – Conséquences

45

Cass. (2e ch.), 19 octobre 2021, P.21.0484.N

Abandon de famille – Défaut de paiement de la pension alimentaire – Remboursement d’une autre dette à la créancière – Pas d’imputation de la pension

 

Éditorial

 

L’impossible dialogue ?

L’émission Investigation de la RTBF du 17 novembre 2021 propose une «Immersion au tribunal de la jeunesse de Charleroi (1)» en présentant le quotidien d’une juge de la jeunesse confrontée à plusieurs familles et jeunes en danger et des jeunes poursuivis pour des faits qualifiés infractions.

Réjouissons-nous qu’une émission s’intéresse à la justice des mineurs, à son fonctionnement et donne un aperçu des situations auxquelles elle est confrontée. Le public aura pu rentrer dans le bureau d’une juge ou dans une salle d’audience et voir la justice de l’intérieur.

Bien sûr, l’émission ne nous montre que des extraits des échanges et donne le beau rôle à la juge manifestement heureuse de l’intérêt qui lui est porté, mais on ne peut s’empêcher de ressentir un terrible malaise.

Les téléspectateurs retiendront qu’il y a beaucoup de misère et de parents incapables de s’occuper de leurs enfants, que de nombreux enfants grandissent dans des contextes sociaux éducatifs et économiques très précaires; que la justice fait ce qu’elle peut, mais qu’elle est débordée et intervient souvent beaucoup trop tard.

L’émission ne suscite cependant pas une réflexion sur le contexte sociétal ni ne donne de clés d’analyse.

Les entretiens entre la juge et les familles et enfants sont «débriefés» avec la juge qui exprime à quel point son métier est difficile, qu’elle fait face à toute la misère du monde et qu’elle est largement désillusionnée.

Par contre les enfants et familles (à une petite exception près) ne se voient pas proposer de revenir sur leur expérience. Il aurait pourtant été intéressant de savoir ce qu’ils ont compris de la «pièce» qu’ils ont été amenés à jouer bien malgré eux. Se sont-ils sentis respectés ? Pour plusieurs d’entre eux, on doute que la leçon de morale, le manque d’écoute et d’empathie leur aient permis de se sentir acteurs.

Mais on retiendra surtout l’image d’une justice bourgeoise, en décalage total avec les réalités des justiciables (2). Les difficultés d’une famille pour aller voir leur enfant dans une famille d’accueil sont balayées d’un revers de la main. Un gamin qui s’exprime, maladroitement et avec ses mots, sur son orientation forcée vers une formation qui ne lui correspond pas se voit rabattre son clapet.

Sûr que ces personnes auront envie de s’exprimer, de se faire comprendre, de tenter de se justifier !

Dans l’histoire vraie «Les juges et l’ado», publiée par Medor (3), une jeune fille explique son expérience avec deux juges et précise qu’elle s’est sentie complètement incomprise par la première alors que le contact est bien mieux passé avec le second. Or, la première juge, à qui l’histoire donne la parole, n’a pas du tout la même vision de cette relation (4).

C’est aussi les leçons tirées du projet «YouthLab» (5) mené par Défense des enfants International Belgique : des jeunes qui ont vécu la justice des mineurs de l’intérieur, se voient donner la possibilité d’exprimer cette expérience dans le cadre d’échanges avec des magistrats, avocats, intervenants sociaux. L’incompréhension est souvent considérable.

Il ne s’agit pas ici de stigmatiser l’attitude d’une juge en particulier et on peut reconnaître que d’autres contraintes sont en jeu (dont la pression managériale qui transforme les relations humaines en dossiers qu’il faut gérer) mais peut-être d’aider à prendre conscience de la dérive insidieuse qui est à l’œuvre.

Ceci étant, l’élément le plus problématique de cette émission est le discours autour des familles d’accueil. Par ses propos (la sacralisation des familles d’accueil, le «risque» que représente pour un enfant le fait de retourner dans sa famille et son souhait d’adoption des mineurs en danger après déchéance de l’autorité parentale), la juge semble ignorer les principes fondamentaux et la jurisprudence de la CEDH. En sus, un mépris total pour certains jeunes, pour la plupart des parents, pour les chômeurs ou les familles en précarité crève l’écran. Le passage sur les questions adressées à une jeune femme pour savoir pourquoi «elle en a fait un deuxième» qu’«on aura à l’oeil» avant même sa naissance est tout simplement terrifiant.

Favoriser le dialogue entre les familles en situation de pauvreté et les acteurs de l’aide à la jeunesse est précisément l’objet du groupe Agora (6) qui se réunit depuis 1998. Actuellement, il travaille sur la question du maintien du lien entre parents et enfants en amont et pendant le placement de l’enfant, dans le but d’un retour en famille. En voyant l’émission, on se dit qu’il y a encore beaucoup de travail.

Benoit Van Keirsbilck

(1) C’est le sous-titre de l’émission, mais il s’agissait du TJ de Mons semble-t-il.

(2) À la fin de l’émission, les juges et greffiers se réunissent autour d’une table avec du bon vin pour «déstresser»; même si c’est compréhensible et certainement nécessaire, cette image est aussi un coup de poing dans la figure des justiciables qui eux, n’ont certainement pas l’occasion de faire la même chose. Un passage sur le fait que les familles pauvres ne participent pas au financement de la société est même hallucinant ; la société «c’est nous, les juges».

(3) https://medor.coop/nos-histoires/

(4) Dans le même ordre d’idées, on ne peut que conseiller de voir ou revoir le film La tête haute dans lequel Catherine Deneuve incarne une juge ferme mais respectueuse de Malory et sa mère en faisant preuve d’une empathie lucide.

(5) www.dei-belgique.be/index.php/projets/en-cours/youthlab.html

(6) Il se réunit autour du Service de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale : www.luttepauvrete.be/themes/aide-a-la-jeunesse/

 

Ici et ailleurs

Cour constitutionnelle

Madame Emmanuelle Bribosia, juriste, docteure en droit, spécialiste du droit européen, des droits et libertés, du droit à l’égalité et à la non-discrimination, professeure à l’ULB, est nommée juge à la Cour constitutionnelle (A.R. 29/10/2021) ; elle a prêté serment le 8 novembre 2021. Félicitations à elle.

De l’éligibilité …

L’âge à partir duquel on peut être élu au Parlement européen vient d’être abaissé de 21 à 18 ans en Belgique.

Ce changement est cohérent avec le fait que c’est à partir de cet âge-là qu’on est éligible pour les divers parlements belges et, dans la plupart des autres pays de l’Union, pour le parlement européen.

Notons que l’âge moyen d’un député européen est de 49,5 ans, contre 53 il y a cinq ans. Aux dernières élections, la plus jeune eurodéputée, originaire du Danemark, avait 21 ans et fut la plus jeune de l’histoire du Parlement européen.

L’eurodéputé le plus âgé, un Italien, avait 82 ans. On peut donc relativiser cette modification ; le Parlement européen, pas plus que les autres parlements, ne va devenir un parlement jeunesse.


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