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7 janvier 2019   

Communiqué de presse

 

L’EDITO du mois s’arrête sur le projet de « Maison de l’adolescent » (MADO) en passe de s’institutionnaliser dans plusieurs villes de la Fédération Wallonie-Bruxelles et s’interroge sur le manque de clarté du dispositif. Les Mados, entre désordre et confusions ? Il introduit également une réflexion plus détaillée dans l’article de Benoit Van Keirsbilck, Projet d’arrêté MADO : encore une tranche de lasagne ? (p. 29), à lire CI-DESSOUS.

En 2018, la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) a consacré son étude annuelle aux compétences des communes qui peuvent avoir un impact sur les droits de l’enfant et les actions concrètes que celles-ci sont invitées à mettre en place. Place aux enfants ! Feuille de route pour des communes respectueuses des droits de l’enfant, par Marie de le Court, Valérie Provost et Emmanuelle Vacher (p. 3).

Dans le DOSSIER de ce numéro, nous vous proposons un compte rendu du colloque organisé le 18 octobre 2018 par l’asbl Notre Abri à l’occasion de ses 100 ans : « Quand dira-t-on ? Du temps du bébé ‘placé’ au temps des parents : le temps des professionnels pour un projet de vie ». Afin de prendre un peu de recul, Notre Abri a invité des professionnels à discuter des signes de souffrance du bébé, des troubles de la relation précoces et de l’apport des neurosciences affectives et sociales. Comment comprendre les manifestations de souffrance du bébé ou du jeune enfant ? Docteur Rosa Mascaro (p. 15) ; Dénuement, Christian Dubois (p. 19) ; Que nous apprennent les recherches en neurosciences sur le développement émotionnel et affectif de l’enfant ? Docteur Catherine Gueguen (p. 24).

Ce mois-ci dans la JURISPRUDENCE (p. 32), la CEDH se prononce sur la liberté d’expression et l’injure (Annen c. Allemagne (n°6), 18 octobre 2018) ; sur une garde exclusive accordée sur la base de motifs insuffisants (Petrov et X c. Russie, 23 octobre 2018), et sur le défaut d’enquête effective à propos du décès de deux enfants (Hakim Aka c. Turquie, 6 novembre 2018). La Cour de Cassation casse une décision en matière de droit à l’aide sociale en raison de motifs contradictoires (11 juin 2018) et se prononce sur l’attentat à la pudeur et la présomption irréfragable d’absence de consentement (30 janvier 2018). Quant au Conseil du Contentieux des Etrangers, il reconnaît la qualité de réfugié au requérant qui craint d’être persécuté en raison du fait qu’il soit un enfant né hors mariage (13 août 2018). La Cour du Travail de Liège rappelle que la loi ne contient pas de restriction à l’autonomie des demandeurs d’aide sociale (div. Liège, 2e ch., 26 juin 2018). La Cour d’appel de Gand juge que Child focus est admise à demander l’indemnisation du préjudice causé par l’infraction de possession de pédopornographie (24 novembre 2017). Le TPI de Flandre occidentale juge qu’est révélateur d’un défaut d’éducation le comportement d’un mineur qui enfreint manifestement le Code de la route (div. Bruges, sect. civ. 11ème ch., 19 janvier 2017). Enfin, le Conseil d’Etat se prononce sur les limites de l’obligation d’information sur les délais et voies de recours (sect. cont. admin. 12ème ch. vac., 10 août 2018).

Pour la rubrique JEUNES A DROITS, le JDJ s’est rendu dans les bureaux du Délégué général aux droits de l’enfant qui présentait son rapport d’activités…aux jeunes et leur a donné la parole! (p. 44).

ICI et AILLEURS côtoient les BESICLES de JiJi pour clore ce numéro, non sans dérision.

N’oubliez pas la page AGENDA.

Bonne lecture !

Au sommaire du JDJ379

ARTICLES

1

Éditorial : Les Mados, entre désordre et confusions ?

Benoît van Keirsbilck

3

Place aux enfants! Feuille de route pour des communes res­pectueuses des droits de l’enfant - Étude 2018

Marie de le Court, Valérie Provost et Emmanuelle Vacher

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QUAND DIRA-T-ON ? DU TEMPS DU BÉBÉ «PLACÉ» AU TEMPS DES PARENTS :
LE TEMPS DES PROFESSIONNELS POUR UN PROJET DE VIE

NOTRE ABRI

15

Comment comprendre les manifestations de souffrance du bébé ou du jeune enfant ?

Rosa Mascaro

19

Dénuement

Christian Dubois

24

Que nous apprennent les recherches en neurosciences sur le développement émotionnel et affectif de l’enfant?

Catherine Gueguen

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29

Projet d’arrêté MADO : encore une tranche de lasagne ?

Benoit Van Keirsbilck (À LIRE CI-DESSOUS)

JEUNES À DROIT

44

Le rapport annuel du Délégué général aux droits de l’en­fant présenté aux jeunes

Florence Bourton

JURISPRUDENCE

32

CEDH - Annen c. Allemagne (n° 6) – 18 octobre 2018

Droit à la liberté d’expression (art. 10) – Militant contre le droit à l’avortement – Comparaison avec des expériences nazies – Condamnation pour injure – Pas de violation

32

CEDH - Petrov et X c. Russie – 23 octobre 2018

Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8) – Divorce – Garde exclusive accordée à la mère - Motifs insuffisants – Violation

33

CEDH - Hakim Aka c. Turquie – 6 novembre 2018

Droit à la vie (art. 2) – Mort de deux enfants – Défaut d’en­quête effective - Violation

33

Cass. – 11 juin 2018 – S.17.0061.F

Droit à l’aide sociale – Revenu d’intégration sociale – Condi­tions d’octroi non remplies – Invitation à conclure un projet individualisé d’intégration sociale – Motifs contradictoires – Décision cassée

34

Conseil du Contentieux des Étrangers – 13 août 2018 – 207.707

Droit des étrangers – Asile et protection subsidiaire – Groupe social des enfants nés hors mariage – Récurrence des discri­minations et de la violence subies - Crainte avec raison d’être persécuté en cas de retour – Décision réformée

38

Cour Travail Liège (div. Liège, 2e ch.) – 26 juin 2018 – R.G. 17/2997/A

CPAS – Conditions d’octroi et taux du revenu d’intégration sociale – Prise d’autonomie légitime par une jeune majeure – La loi ne prévoit aucune ingérence dans le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale

43

Cass. (2ème ch.), 30 janvier 2018

Attentat à la pudeur – Âge de la victime – Sans violence ni menace, contre une personne mineure de plus de 16 ans ac­complis – Qualité de l’auteur – Personne qui a autorité sur la victime – Présomption irréfragable d’absence de consentement.

43

Conseil d’État (sect. cont. admin. 12ème ch. vac.), 10 août 2018

Référé – Extrême urgence – Diligence – Information sur les délais et voies de recours – Limite

43

Gand (10ème ch.), 24 novembre 2017

Responsabilité délictuelle – Dommage et réparation – De­mande d’indemnisation naissant de l’infraction de possession de pédopornographie – Child Focus – Distinction entre le préjudice collectif et le préjudice individuel subi par un enfant.

43

TPI Flandre occidentale (div. Bruges, sect. Civ., 11ème ch.), 19 janvier 2017

Responsabilité aquilienne – Parents pour leur enfant mineur – Parents divorcés – Mineur de 15 ans – Infraction manifeste au Code de la route – Manquement des deux parents à leur tâche d’éducation.

Ici et ailleurs

De DGDE à DG …

Bruno Vanobbergen, le Kinderrechtencommissaris de la Communauté flamande (l’équivalent du Délégué général aux droits de l’enfant) vient d’être nommé Directeur général de la nouvelle Administration flamande «Agentschap Opgroeien» («En grandissant ») qui résulte de la fusion de l’Agence «Jongeren Welzijn» (du «bien-être de la jeunesse») et de Kind & Gezin (l’équivalent de l’ONE). Cette nouvelle agence couvre donc toute la petite enfance, l’aide à la jeunesse et la protection de la jeunesse. Il prendra ses fonctions le 1er mars 2019 ; le Gouvernement flamand ayant promis de nommer un nouveau Kinderrechtencommissaris d’ici-là.

Proficiat Bruno !

Nous adressons toutes nos félicitations à Mr. Vanobbergen qui a assuré cette fonction avec brio pendant dix ans, malgré un climat politique peu propice. C’est peu dire qu’il a été sur tous les fronts, y compris sur des dossiers difficiles, notamment liés à la migration, l’enfermement des enfants en centres fermés, la pauvreté, l’éducation et l’égalité des chances… Un bémol en fin de course : il s’est montré réticent à prendre certaines positions, notamment sur l’enfermement des enfants (il s’est abstenu par rapport au dernier avis rendu par l’Organe d’avis de la Commission nationale des droits de l’enfant sur les enfants privés de liberté).

Avec le recul, on comprend qu’il ne voulait pas compromettre sa candidature, mais ça jette un discrédit sur l’indépendance de sa fonction.

Dommage qu’il ne l’ait pas compris.

Les Droits Humains attaqués

Le 25 novembre 2018, la Suisse a rejeté le référendum d’initiative populaire proposant de faire primer la Constitution sur les traités internationaux. Ce référendum proposé par l’Union démocratique du centre (UDC), parti politique suisse conservateur et nationaliste est symptomatique d’une tendance qui s’aggrave et se généralise en Europe, pouvant être assimilée à un «souverainisme juridique et judiciaire». Le rejet de cette attaque sur les droits humains est réjouissant, même s’il ne faut pas laisser tomber la garde (Voir : Vincent Brengarth, «Le souverainisme menace l’universalisation des droits de l’Homme», La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits- Libertés, mis en ligne le 4 décembre 2018, consulté le 5 décembre 2018. URL :

http://journals.openedition.org/revdh/5070).

Lire la suite...

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 En primeur

Projet d’arrêté MADO :
encore une tranche de lasagne ?

Benoit Van Keirsbilck

Depuis les années 1970, plusieurs publications ont analysé de manière très critique le champ de l’aide à la jeunesse (à l’époque exclusivement qualifiée de protection de la jeunesse). Dans un rapport mémorable publié par le CJEF (Conseil de la jeunesse d’expression française), il était décrit comme un désordre protecteur. Il y eut ensuite « le livre blanc de la protection de la jeunesse » et puis le « nouvel ordre protecteur ». Ces ouvrages mirent en évidence les dysfonctionnements et les incohérences du système et deviendront emblématiques d’une contestation d’un mode de fonctionnement à la dérive.

Depuis lors, le cadre légal, réglementaire et institutionnel a énormément changé, c’est incontestable. La société a aussi évolué et les enfants et le jeunes sont devenus une priorité plus affirmée, même si cela se limite souvent à des effets d’annonce.

Le Secteur de l’aide à la jeunesse a toujours été en recherche d’innovation et de réponses originales, servant régulièrement de laboratoire à d’autres secteurs; souvent avec des résultats intéressants, qui nécessitent bien sûr d’être évalués et analysés. Parfois avec moins de bonheur.

C’est dans cette mouvance qu’on peut placer les « maisons des adolescents », ou MADO. Au départ d’un projet pilote, la MADO de Charleroi (faisant partie de la nébuleuse de l’Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi – ISPPC) a été créée en 2009, soutenue par la ministre Catherine Fonck, pour être ensuite confirmée comme projet pilote par la ministre Evelyne Huytebroeck. Elle est aujourd’hui subventionnée comme PPP (projet pédagogique particulier, catégorie fourre-tout des services agréés d’aide à la jeunesse).

Elle relève du secteur de l’aide à la jeunesse mais se veut transversale, recouvrant aussi les secteurs de la jeunesse, de la culture, du handicap et de la santé. Elle rassemble en un même lieu des permanences de services de tous types qui traitent de la santé, de l’information, du planning familial, de questions juridiques, avec l’objectif d’apporter une réponse globale aux demandes des jeunes et des familles avec un accent sur la transition entre la minorité et la majorité et sur la collaboration entre les services.

Après avoir été expérimenté pendant quelques années à Charleroi, le concept a fait l’objet d’études de faisabilité, plus ou moins approfondies, dans différentes autres villes (Liège, Namur, Marche, Mons et deux à Bruxelles, à Saint-Gilles et à Laeken) parfois avec une version officielle expurgée des critiques formulées dans la version officieuse.

Le ministre Rachid Madrane entend aujourd’hui les pérenniser et leur donner un cadre réglementaire propre. Un projet d’arrêté spécifique est soumis à la concertation.

Un projet d’arrêté

D’après le projet d’arrêté (approuvé en première lecture par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles le 21 novembre 2018) qui détermine leurs conditions d’agrément et de subventionnement, les MADO ont pour missions : 1° d’assurer une réponse centralisée, interdisciplinaire et globale aux difficultés de l’adolescent (de 11 à 22 ans), de sa famille et familiers en fédérant en un seul lieu différents partenaires spécialisés, en travaillant en réseau et en complémentarité et en garantissant la continuité et la cohérence de la prise en charge et 2°de développer des actions collectives à l’attention de ceux-ci et des professionnels.

Elles organisent un accompagnement individuel (de 1 à 5 entretiens), réorientent vers « un partenaire du réseau », mettent à disposition des professionnels expertises et expériences à propos de l’adolescent en favorisant la collaboration entre professionnels, permettent et favorisent l’organisation d’actions collectives régulières (groupes de paroles, ateliers thérapeutiques ou non, débats, conférences, événements,…) et enfin assurent la diffusion de toutes les formes d’expressions culturelles de et sur les adolescents.

Le partenaire du réseau est un opérateur avec lequel une convention est établie et fixe la nature de la prestation qui se déroulera sur le site de la MADO. Le réseau en question englobe l’ensemble des opérateurs développant des actions en faveur des adolescents.

En cas d’orientation, la MADO s’assure de la continuité de l’action entreprise en faveur de l’ado pendant trois mois et maintient le lien avec le partenaire ou le professionnel vers lequel il a été orienté.

Le service tient un registre des demandes et un dossier global pour chaque adolescent lequel reprend les modalités et objectifs de cet accompagnement ainsi que l’ensemble des actions entreprises par les divers professionnels.

Nouveau concept ?

Les constats qui sont à la base de la création de ce service ne sont pas neufs : morcellement des services qui interviennent au profit des jeunes, et plus encore des jeunes majeurs; discontinuité de l’intervention entre minorité et majorité; manque d’approche pluridisciplinaire ; difficulté d’accès aux services qui sont éparpillés en divers endroits et ne collaborent pas suffisamment entre eux ; spécialisation des services qui impliquent des visites dans plusieurs lieux quand le problème est multidimensionnel et besoin d’être pris en compte de manière globale.

Les MADO entendent donc développer une approche globale de l’adolescent et le mettre au centre des préoccupations. « Ce n’est pas à l’adolescent de s’adapter aux institutions, au morcellement des réponses, mais aux institutions à avoir une approche adaptée et centrée sur l’adolescent. Dès lors, les maisons de l’adolescent doivent fédérer en un seul lieu les compétences de partenaires de champs très différents permettant de travailler en réseau et en complémentarité afin d’être un relais et une réponse efficace pour l’adolescent et sa famille » (introduction de la « Convention de partenariat » entre la Maison de l’adolescent de Charleroi et ses partenaires).

Selon le ministre Rachid Madrane (1), qui croit réellement à ce projet et souhaite le transposer à l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il faut faire bouger les lignes; la Fédération a des responsabilités envers les jeunes adultes. Il rappelle que c’est le cas pour les loisirs en maisons de jeunes (la FWB s’occupe des jeunes jusque 25 ans) ou pour les organisations de jeunesse (30 ans). « Cependant, elle n’est plus compétente pour les jeunes les plus fragiles, ceux qui sortent d’une prise en charge de l’Aide à la jeunesse en hébergement, dès qu’ils ont atteint l’âge de 18 ans. Ces jeunes doivent se lancer dans la vie avec un faible capital économique, mais aussi social, et se chercher une identité d’adulte et une place. Ils le font souvent en créant un foyer précaire et en ayant des enfants bien plus tôt que la moyenne. Les difficultés s’accumulent, leurs enfants se retrouvent eux aussi placés et la boucle de la reproduction des inégalités sociales est bouclée. Une nouvelle génération prend le relais. C’est là que réside notamment une responsabilité des acteurs de l’Aide à la jeunesse. Ils doivent casser cette spirale de la pauvreté et tenter de donner une réelle chance de réussite à ces jeunes et à leurs futurs enfants. Nous devons à cet effet compléter notre dispositif d’aide et permettre à ces jeunes d’en bénéficier jusqu’à l’âge de 25 ans. » affirmait-il en 2016. Depuis lors, le Code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse a été adopté et a étendu l’intervention de ce secteur aux jeunes jusqu’à 22 ans.

En offrant une approche globale de l’adolescence, l’objectif affiché d’une MADO n’est donc pas d’ajouter un nouveau dispositif à ceux qui existent déjà, mais d’utiliser toutes les compétences des services et institutions déjà financés pour les mettre en réseau et les rendre complémentaires.

Personne ne contestera qu’une collaboration entre les services est nécessaire et indispensable. Il faut absolument faciliter l’accès aux services existants, plus globalement aux dispositifs d’aide, aux personnes qui en ont besoin et singulièrement à ceux qui y font le moins appel.

Comme le rappelle le ministre, certains moments de la vie d’un jeune, comme le passage à la majorité, sont délicats; ils peuvent entraîner un risque d’exclusion sociale, en particulier pour les jeunes qui ont un long parcours institutionnel et ceux qui sont en rupture avec leur famille.

À l’écoute du secteur ?

Force est de constater que le projet d’arrêté institutionnalisant les MADO questionne, voire inquiète.

Le court délai laissé à la concertation est pointé. C’est classique, mais toujours interpellant, comme si l’objectif de celle-ci était d’entériner des décisions en évitant les voix dissidentes plus que de mettre en débat et enrichir les textes.

Un autre élément démontre que les jeux sont faits et que la concertation est de la vaste blague : alors même que le projet d’arrêté est sur la table du CCAJ (Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse), plusieurs dossiers de MADO sont soumis à la Commission d’agrément en tant que PPP qui deviendront automatiquement des MADO une fois l’arrêté approuvé (et si ça tombe, en passant outre un avis négatif comme cela s’est fait pour la MADO de Charleroi). Si ça, c’est pas se moquer du monde!

Plusieurs points interpellent beaucoup plus.

Divers acteurs se demandent quel est l’intérêt pour des services qui auraient déjà leur public d’être partenaires des MADO et questionnent les «études d’impact» qui n’auraient pas été (sérieusement) menées, en tout cas pas en concertation avec tous les secteurs concernés, dans tous les lieux envisagés pour l’implantation de ces futurs services. Comment une MADO sera-t-elle accueillie par les autres acteurs du lieu où elle s’installe ? Pensons aux Centres Infor- Jeunes, aux pôles jeunesse, aux AMO et Maisons de jeunes, aux services jeunesse communaux, etc. Ces services sont largement disséminés en Fédération Wallonie-Bruxelles alors que les MADO vont couvrir un territoire plus limité.

Le risque de créer des doublons avec les services existants est aussi pointé, avec pour conséquence d’augmenter les inégalités territoriales. Les besoins du secteur ne semblent pas non plus avoir été analysés en concertation avec les acteurs en place qui, pour bon nombre, travaillent déjà en réseau et/ou avec des partenaires réguliers, notamment pour des questions qui ne sont pas de leurs compétences, organisent des actions collectives, etc.

La dimension de centralisation est également très critiquée, alors que la mission de ces services serait de faciliter la réorientation, qui est par ailleurs de la compétence de plusieurs autres services, tels les AMO, les SAJ (qui ont en outre une mission de coordination), pour ne citer que ceux-ci.

Critiques fondamentales

Mais au-delà, c’est vraiment à des remises en cause fondamentales qu’on assiste. Même si le secret professionnel et la déontologie sont rappelés, la question est sur de nombreuses lèvres : « Quelle est la place de la confidentialité et du secret professionnel au sein de ces structures MADO ? »

Il y a quelque temps, le site internet de la MADO de Charleroi expliquait : «Si la loi ne fait pas mention du secret professionnel partagé, dans le cadre de ce type d’intervention multidisciplinaire, la «transgression» du secret professionnel est tolérée, mais est balisée, voire contrôlée, par un respect strict de certains principes visant à éviter toute déviance abusive en la matière » (depuis lors, cette information a disparu du site, de même que le modèle de convention entre la MADO et les partenaires. Transparence, vous avez dit transparence ?).

La volonté hégémonique des MADO existantes et leur mission de suivi des demandes réorientées à d’autres acteurs interpellent et inquiètent autant que la tenue d’un registre des demandes et d’un dossier global qui reprend les interventions de tous les partenaires. Nombre de services voient cela comme un contrôle illégitime et sans fondement, voire une ingérence dans leur travail. Ceci d’autant plus que le Pouvoir organisateur de plusieurs MADO est un pouvoir public (CPAS, intercommunale), forcément politisé, face auquel tout le monde ne fait pas le poids.

Enfin, la similitude avec les missions des AMO est pointée, en matière d’aide individuelle (la MADO peut aller jusqu’à cinq entretiens, donc largement au-delà de ce qui est nécessaire pour une « simple » réorientation) et d’activités collectives (qui seraient réalisées sans s’appuyer sur un diagnostic social, alors que c’est une obligation pour les AMO). « N’aurait-il pas été plus pertinent de renforcer les AMO, et peut-être de mener une réflexion globale avec l’ensemble de celles-ci sur la question des prises en charge, notamment pluridisciplinaires ? » se demandent certaines AMO.

Cadre peu sécurisant et lisible

Cette approche interventionniste qui s’apparente plus à un contrôle social sur les jeunes et les familles, mais aussi sur les services qui y collaborent, a amené différents services à refuser de passer une convention avec la MADO locale. Le Service OPENADO à Liège, pressenti pour organiser la MADO dans cette ville, a décidé de renoncer à demander un agrément en estimant qu’il n’apporterait non seulement aucune valeur ajoutée à ce qui existe déjà, mais qu’en plus il ne serait pas possible dans ce cadre d’assurer le suivi et l’accompagnement des 18-25 ans lors de la transition vers la majorité ou encore l’accompagnement et le suivi « intensif » des situations complexes et intersectorielles.

Le flou quant au véritable positionnement des MADO, qui peuvent aussi être « mandatées » par les SAJ, ajoute une couche supplémentaire à l’incompréhension. L’article 4 du projet d’arrêté illustre bien la difficulté à « situer » ce nouveau service :

« Le service intervient de manière inconditionnelle, non contraignante et hors de tout mandat administratif ou judiciaire, et prend toutes les mesures pour garanti l’anonymat des adolescents.

Toutefois, l’intervention du service peut résulter d’une orientation par le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de la protection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse, ci-après dénommés « instances de décision » ou par tout autre organisme amené à être en contact avec l’adolescent.

Si une instance de décision en formule la demande et moyennant l’accord préalable de l’adolescent, le service informe l’instance de décision, si un accompagnement est entrepris, poursuivi ou clôturé » (nous soulignons).

Il aurait été difficile de faire plus flou. Les MADO sont mandantes par rapport aux services avec lesquels elles collaborent, mais peuvent être mandatées par des instances de décision, tout en intervenant de manière inconditionnelle, non contraignante et hors de tout mandat. Soit tout et son contraire !

L’idée que les MADO informent les instances de décision, fût-ce avec «l’accord» du jeune, avait été âprement débattu, et finalement abandonné, lors de réformes antérieures de l’arrêté relatif aux AMO.

En conclusion

Loin de simplifier et de clarifier le paysage de l’aide et de la protection de la jeunesse, cet arrêté crée une nouvelle catégorie de services, s’ajoutant à ce qui existe, faisant largement double emploi avec les missions des services en place, et ajoute finalement à la confusion générale (prenons l’exemple d’un jeune confronté à une exclusion scolaire pour comportement déplacé à caractère sexuel dans l’école; va-t-il s’adresser à l’AMO, la MADO, le planning familial, sachant que ces structures partagent parfois le même bâtiment et qu’in fine, il risque d’être réorienté de l’une à l’autre?). Les moyens affectés à ces services n’auraient-ils pas dû être consacrés à renforcer ce qui existe plutôt que de créer du neuf ? Poser la question, c’est sans doute largement y répondre.

Mais dès lors qu’il y a des moyens à obtenir (de 5 à 7 travailleurs et de 33.000 à 42.000 euros de frais de fonctionnement), il y aura toujours quelqu’un pour se dire intéressé, peu importe ce qui est attendu.

Le secteur de l’aide à la jeunesse mérite sans doute beaucoup mieux.

 

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(1) Commission de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice et de la Promotion de Bruxelles du Parlement de la Communauté française, Session 2015–2016, 8 mars 2016, compte rendu intégral (CRIc n° 77-Jeun10 (2015-2016).

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